Notre temple à Montréal Communauté chrétienne
Saint-Albert-Le-Grand à Montréal
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Une recherche de foi vécue communautairement Note

Monique Morval et Jean Duhaime

À mi-chemin entre la communauté de base et la paroisse traditionnelle, la Communauté chrétienne St-Albert-le-Grand propose un modèle original, qui à la fois inquiète et attire. Elle est en effet souvent perçue comme « une communauté où les laïcs ont tout à dire », ce qui fait peur à une certaine hiérarchie ecclésiastique ou à un futur responsable-prêtre éventuel, mais son expérience est également suivie avec intérêt par les autorités diocésaines et par beaucoup de chrétiens engagés; elle est donc tolérée, tout en restant marginale, un peu comme un laboratoire issu de l'Institut de Pastorale des Dominicains. Peut-on y voir un modèle pour une communauté chrétienne de demain, sinon d'aujourd'hui? C'est la réflexion qui vous sera proposée, après avoir dégagé les caractéristiques de cette communauté et expliqué son vécu communautaire.

Principales caractéristiques de la communauté

Les caractéristiques de la Communauté chrétienne St-Albert-le-Grand découlent de son histoire et se sont forgées petit à petit à travers le temps. En essayant de retracer cette évolution, il est possible d'en nommer quelques-unes :

– Elle est née spontanément, il y a plus de 35 ans : à cette époque, plusieurs personnes fréquentaient assidûment la messe dominicale à l'église conventuelle des Dominicains. Ces chrétiens du dimanche ont été amenés petit à petit, à même la dynamique du concile Vatican II telle qu'elle s'est articulée ici au Québec et plus particulièrement à l'Institut de Pastorale, à se regrouper et à former une véritable communauté chrétienne de plus en plus autonome par rapport à celle des religieux dominicains. Elle est donc issue des besoins de ses membres, qui désiraient trouver une communauté à leur image. En 1971, elle a obtenu officiellement le statut de paroisse.

– C'est une paroisse extraterritoriale : la moitié de ses membres habitent dans les environs immédiats et les autres viennent de tous les coins de Montréal et de la banlieue (Rive-Sud, Repentigny, Deux-Montagnes, voire même des Cantons de l'Est et du Vermont...). Le seul critère d'appartenance est la fréquentation régulière (ce qui ne veut pas dire hebdomadaire). Même si cela pose des problèmes de comptabilisation, la communauté comprend actuellement environ 400 personnes, dont un bon tiers la fréquentent depuis plus de 25 ans.

– Elle est assez diversifiée dans sa participation : on y retrouve de nombreuses familles aussi bien que des religieux et religieuses, des célibataires, des personnes mariées et d'autres séparées, ainsi que d'ex-prêtres, tous désireux de vivre leur foi dans une communauté qui les accepte tels qu'ils sont. Des personnes en recherche spirituelle en côtoient d'autres à l'expression de foi presque charismatique; le dénominateur commun est un désir d'authenticité de sa vie chrétienne et d'approfondissement de sa foi. Bien sûr, plusieurs membres sont des intellectuels, des professionnels de milieu aisé : la proximité de l'Université de Montréal n'y est sans doute pas étrangère! Mais tous et chacun y sont bienvenus, dans la mesure où ils peuvent composer avec l'identité particulière de cette communauté.

– Elle se veut ouverte aux besoins de ses membres : la communauté s'efforce de rester à l'écoute des attentes de chacun. Lorsque le désir se manifeste chez plusieurs d'un certain type de réflexion ou d'action, le conseil de pastorale essaie de mettre sur pied le service demandé. C'est ainsi qu'il y a déjà eu un groupe de « jeunes » couples, des réunions de parents d'enfants d'âge préscolaire, des groupes de réflexion sur la foi ou d'approfondissement de la Bible, etc.

– Elle est gérée par ses membres : comme la participation résulte d'un choix personnel, chacun prend à cœur les affaires de la communauté. Le conseil de pastorale est constitué du prêtre-répondant, de membres élus par l’assemblée générale et de représentants des comités les plus importants. On s’efforce d’y maintenir un équilibre entre hommes et femmes, anciens et nouveaux, jeunes et plus âgés. C’est une personne laïque, nommée pour deux ans qui assure la présidence du conseil; secondée par les autres membres du comité exécutif, elle assure le suivi des décisions du conseil, dont les réunions sont publiques et au cours desquelles tous peuvent s’exprimer librement.

C'est en 1981, à la suite du décès d'André Gignac, responsable-prêtre depuis plus de dix ans, que la communauté a pris résolument le tournant de l'autogestion. Il y a eu en effet une volonté commune pour qu'elle continue d'exister, ses racines étant alors bien enfoncées dans le sol. C'est ainsi que le conseil de pastorale a proposé aux autorités dominicaines et diocésaines le nom d'un responsable-prêtre, qui réponde aux attentes de la communauté, et qu'il a obtenu gain de cause. Depuis lors, cette procédure semble acceptée par les instances supérieures, puisqu'elle s'est répétée à plusieurs reprises au fil des ans. En irait-il de même si la communauté n'était pas reliée aux Dominicains? Le fait qu'elle le soit constitue certainement un atout.

Vécu communautaire

Le conseil de pastorale coordonne les activités d'ensemble de la communauté et celles d'une vingtaine de groupes répartis suivant les axes de la célébration, de la fraternité, de la recherche de sens et de l'engagement. Le nombre de participants inscrits à ces activités varie selon les années, pouvant atteindre 150 personnes dans les périodes les plus intenses de la vie communautaire.

La liturgie dominicale demeure le moment par excellence de la vie communautaire. Il n'y a qu'une célébration par dimanche, de façon à signifier et assurer concrètement l'unité de la communauté en contrant la dispersion et l'anonymat. Sous la responsabilité du comité de liturgie, plusieurs petites équipes se répartissent la préparation des célébrations avec les prêtres qui officient à tour de rôle et la personne responsable du chant. On soigne autant l'aménagement des lieux (décoration) que celui de la célébration proprement dite (choix des textes liturgiques, chants, pièces musicales). L'accent est mis, dans la préparation, sur le thème à proposer à la réflexion ce jour-là. La liturgie est agencée de façon à créer l'unité autour de l'idée retenue. Lors des moments forts (rentrée, Toussaint, Avent et Noël, Carême et Pâques, fin d'année...), le comité de liturgie joue un rôle important autant dans la détermination des thèmes que dans la préparation matérielle des célébrations.

La communauté accorde une grande place aux enfants. Un service de garderie fonctionne durant la plus grande partie de l’année pour les « chérubins ». Des membres de la communauté, ayant une formation en pastorale ou en catéchèse, assistés souvent des parents eux-mêmes, assurent la préparation sacramentelle des enfants (Baptême, Eucharistie, Pardon, Confirmation). Des liturgies de la Parole sont offertes à différents groupes de jeunes, par tranche d’âge, à partir de six ans. Les jeunes rejoignent habituellement la grande assemblée après l'homélie, pour participer avec leurs parents à la célébration eucharistique. Ces liturgies pour enfants sont entièrement prises en charge par des membres de la communauté. À l’occasion, une célébration complète est proposée à un groupe ou l’autre. À l’inverse, il arrive qu’un groupe, principalement les adolescents, prenne en charge une célébration de la grande assemblée. Certaines activités spéciales telles que sorties, camps de fin de semaine, etc. ont été aussi mises sur pied au fil des ans.

La communauté se soucie d'être aussi fraternelle que possible. Cela se traduit par diverses formes d'accueil et d'entraide, des services de covoiturage, de garderie, etc. La célébration eucharistique est suivie d'un café dans l'église même, ce qui favorise les échanges spontanés. Une fois par mois a lieu un lunch communautaire, souvent autour d'un invité. Les grands moments de l'année sont soulignés de différentes façons : on a eu droit, selon les années, par exemple à une épluchette de blé d'Inde à l'occasion des retrouvailles de septembre, à des sorties aux pommes à l'automne et aux sucres au printemps, sans oublier des réveillons à Noël et à Pâques et diverses activités pour célébrer la fête de la Saint-Jean-Baptiste! Le bulletin Étapes qui paraît quatre fois l’an et l’agenda bi-hebdomadaire Invitations servent de liaison entre les membres. Étapes, maintenant disponible sur Internet, a été pendant longtemps envoyé aux anciens, qui habitaient trop loin pour venir régulièrement à l'assemblée dominicale, mais qui désiraient garder un contact avec la communauté.

Plusieurs groupes, dont le nombre et le style peuvent varier selon les besoins et les attentes, ont comme objectif l'approfondissement du sens de l'existence chrétienne : réflexion sur la Bible, partage de la Parole, réflexion sur notre vie de foi, Café du sage, etc.

La dimension d'engagement se manifeste essentiellement par la participation des membres à différents groupes d'action communautaire extérieurs à la communauté. Celle-ci étant extra-territoriale, il est en effet difficile de réunir les membres pour une action paroissiale proprement dite. Mais cela n'a pas empêché la prise en charge de réfugiés asiatiques et latino-américains et plusieurs actions concertées avec des organismes du quartier. Le groupe Aide-Partage coordonne les ressources humaines et financières autour de certains projets, d'ici et d'ailleurs. Mais il semble bien que le rôle de la communauté doive être surtout d'aider ses membres dans leurs engagements quotidiens d'abord, mais aussi dans leurs engagements divers : travail auprès des prisonniers, Chrétiens pour la paix, aide au Tiers Monde, mouvement ATD Quart Monde, dialogue judéo-chrétien, etc. De l'avis de la plupart d'ailleurs, ce qu'ils viennent chercher à St-Albert, c'est un ressourcement leur permettant de poursuivre leurs engagements extérieurs, aussi bien professionnels que bénévoles.

Dans toutes ces activités, sauf en ce qui concerne le rôle spécifique du prêtre dans la célébration des sacrements, la répartition des tâches n'a rien à voir avec le statut de clerc ou de laïc, ni avec le sexe ou le parcours académique. On ne sent pas non plus le besoin de distinguer entre ce qui appartiendrait à la vie interne de la communauté et relèverait de la responsabilité du « curé », et ce qui toucherait plutôt son engagement et son rayonnement extérieurs et constituerait la tâche spécifique des « laïcs ». Chacun des membres est invité à contribuer selon ses talents et ses intérêts, son charisme particulier, à l'un ou l'autre aspect de la vie commune.

Modèle pour l'Église d'aujourd'hui et de demain?

À travers ce vécu communautaire se retrouvent les principaux éléments qui fondent une communauté chrétienne : sens de l'appartenance, partage de foi, engagement chrétien, célébration.

Sens de l'appartenance. Le fait de se sentir partie prenante dans la vie de la communauté donne un très fort sentiment d'appartenance à ses membres. Les difficultés rencontrées et les obstacles franchis ensemble renforcent l'unité et la cohésion par la prise de conscience de l'importance de cette communauté chrétienne pour la vie de foi de chacun. Bien sûr, la foi prend différents visages d'après l'endroit et l'époque où elle s'enracine. Une communauté de pays industrialisé diffère d'une autre du Tiers Monde; celle qui est située en milieu aisé n'est pas la même que celle qui rassemble des personnes de milieu défavorisé. Il y a quelques siècles, voire même quelques années, la façon de vivre sa foi et de réfléchir à certains problèmes ne se posait pas de la même manière qu'à l'heure actuelle. Une communauté se définit donc par les hommes, les femmes et les enfants qui en font partie dans un contexte géographique, temporel et culturel bien particulier. Mais c'est la foi partagée en Jésus-Christ ressuscité qui donne à ce rassemblement tout son sens, qui en constitue la spécificité, et c'est ce qui est fortement ressenti par les chrétiens de St-Albert.

Partage de foi. Cet ancrage dans une communauté assure la circulation de la foi entre les membres. Chacun participant de la même Vie, il va de soi de désirer en parler et l'approfondir. Cette mise en commun des expériences de chacun forme comme autant de facettes d'une même Réalité, mais amène inévitablement à se poser des questions, dans le respect de l'opinion de l'autre et l'acceptation de ses propres limites dans la compréhension du mystère. La dimension communautaire nous force alors à nous centrer sur l'essentiel, sur ce qui constitue vraiment le fondement de notre foi.

Engagement chrétien. La communauté se veut un endroit de ressourcement pour ses membres, leur permettant de vivre en conformité avec leur foi dans leurs activités quotidiennes et de contribuer à la faire rayonner dans leurs différents milieux de vie. Si chacun agit ainsi sur son environnement, il contribue à établir le royaume de Dieu sur la terre. Il ne s'agit donc plus d'évangéliser par endoctrinement ou propagande, mais bien plutôt de rendre témoignage dans sa vie de tous les jours. La communauté devient vitale pour nous y aider. Par la dimension communautaire, c'est l'incarnation de la Parole qui est non seulement symbolisée, mais surtout vécue activement par les hommes et les femmes de ce monde.

Célébration. Les divers « sondages » réalisés au cours des années dans la communauté montrent que c'est cette dimension qui est la plus recherchée par les membres, qui valorisent l'atmosphère de prière créée par la musique, les chants, les lectures signifiantes, et aussi les silences. Sans cette dimension, la communauté chrétienne St-Albert-le-Grand n'existerait probablement pas! C'est autour d'elle que s'articulent les autres facettes. Les gens viennent d'abord parce qu'ils se retrouvent dans le type de célébration proposé, puis découvrent petit à petit les autres aspects et s'intègrent aux activités, s'ils le désirent.

Mais tout ceci ne s'est pas fait en un jour. Fondée, il y a plus de trente-cinq ans, la communauté chrétienne St-Albert-le-Grand a grandi jusqu’à devenir ce qu’elle est. Et elle continuera sans doute à évoluer suivant les membres qui la composent, sans qu'il soit possible de prédire ce qu'elle sera dans vingt ou trente ans. Il y a peut-être là une des conditions de possibilité d'une véritable communauté chrétienne : le respect du cheminement de chacun et de l'ensemble. Cela demande beaucoup de patience et d'écoute, une capacité de se remettre en question et d'accepter les changements inévitables, ainsi qu'une confiance en l'œuvre de l'Esprit Saint présent dans la communauté et dans ceux qui en font partie.

...

À travers notre histoire et notre vécu communautaire, nous avons l'impression d'être une communauté qui assume sa propre prise en charge, dans une relative autonomie, tout en demeurant déterminée à une participation plus large à la vie de l'Église locale et universelle. Il y a dans ce que nous vivons quelque chose de la spontanéité et des tâtonnements de l'Église primitive. Nous ne savons pas très bien déterminer dans le fin détail tous les enjeux théologiques des pratiques qui sont les nôtres. Nous avons parfois la tentation de vouloir délimiter de façon plus précise des tâches, des responsabilités, des pouvoirs, au risque de tomber dans une nouvelle forme de cléricalisme! Mais nous trouvons plus important de demeurer disponibles aux appels de la vie en assurant les services adéquats. Nous apprenons à faire mémoire du Christ ensemble, avec ce que nous sommes, sans arrière-pensée ni calcul. Nous ne sentons pas le besoin d'être en conformité avec des modèles ecclésiaux plus traditionnels et nous n'avons pas non plus l'intention de les remettre en question de manière abstraite. Nous pensons seulement que d'autres modèles peuvent être explorés et que l'avenir de l'Église tient pour une part à la créativité dans ce domaine. Le style de communauté que nous essayons de vivre invite à se demander ce que devient une Église assumée collectivement par l'ensemble de ses membres. Cela suppose que l'on repense la spécificité des « ministères ordonnés », encore exclusivement masculins et trop hiérarchisés par rapport aux requêtes de la fraternité chrétienne. Cela implique aussi qu'on réfléchisse en profondeur sur le lien entre une Église universelle et des communautés locales différentes qui s'efforcent d'aménager des espaces de liberté où tout membre de l'Église puisse avoir droit à la parole, à la recherche, avec ses hésitations et même ses erreurs.

La vraie question n'est-elle pas finalement de savoir comment, par delà la continuité hiérarchique et historique et dans le respect des spécificités culturelles et individuelles, peut se perpétuer de manières diverses la fidélité à la Bonne Nouvelle annoncée par Jésus-Christ?i


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