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22e Dimanche ordinaire (C)

 

Que veut-on faire de notre vie?

 

29 août 2010

Guy Lapointe




Un passage d’Évangile surprenant! Depuis deux ou trois dimanches, l’évangéliste Luc a l’art d’attirer notre attention et même de nous mettre parfois mal à l’aise. « Je suis venu apporter la division », entendions-nous il y a deux dimanches. Dimanche dernier, c’était la porte étroite par laquelle beaucoup chercheront à entrer mais ne le pourrons pas ». On a envie de dire : Est-on vraiement au cœur de l’Évangile? Aujourd’hui, Jésus nous enseigne l’art de nous mettre à table. Il nous dit de ne plus inviter « ni ses amis, ni ses frères, ni ses parents, ni ses riches voisins » pour le repas. C’est quoi cet Évangile? Mais, en même temps, n’est-ce pas là une bonne façon de nous mettre en interrogation?

Cette réflexion part d’une situation courante. Invité à manger chez un chef des pharisiens, Jésus remarque que « les invités choisissaient les premières places ». Je me posais la question pour moi-même. Si j’avais été là comme invité et que Jésus avait été présent, est-ce que je n’aurais pas aimé, moi aussi, m’asseoir à la table, non loin de lui? Plus sérieusement, et si l’Évangile commençait là dans une sorte d’apprentissage et de savoir-vivre? La question n’est-elle pas alors : que voulons-nous faire de nos vies?

Dans ce passage il y a comme deux temps : une parabole et des conseils de sagesse. D’abord la parabole. Il y a quelque chose de profond à saisir dans ce passage de Luc. Mais quoi exactement? Cette anecdote de vie et son interprétation parlent à la fois de Dieu et de nous. D’un Dieu qui désire que nous trouvions notre vraie place dans la vie; que nous ayons un regard juste sur nous-mêmes, ne pas nous surestimer, ne pas nous sous-estimer non plus. Dieu qui nous veut à notre place, et qui nous redit : « connais-toi toi-même ». N’est-ce pas cela la vision de Dieu? Ne te prends pas pour un autre, ne te précipite pas vers les premières places, prend le temps de vivre, de regarder et de te regarder et de regarder avec les autres. Sois humble. C’est là que la vie commence; c’est là et là seul que l’Évangile peut nous atteindre. C’est de cela dont il est question. C’est un appel à nous ouvrir les yeux, à nous ouvrir le cœur et à agir en conséquence. Un appel à prendre notre place dans la vie et pas la place des autres. En somme, que nous soyons ajustés à ce que nous sommes. Un Évangile qui parle de l’humain, qui nous dit quelque chose sur la façon de recevoir sa vie, de se mettre à la suite de Jésus.

Dans la deuxième partie de l’Évangile, Jésus donne des conseils inattendus et stupéfiants. Jésus rappelle à celui qui l’avait invité à un repas, qu’il ne faut pas inviter ses parents et amis… On a le goût de dire : quand même! Si tu invites que tes amis, tes frères, tes sœurs, tu risques de t’enfermer, de ne pas voir plus loin, d’oublier le monde qui n’est pas de ton cercle. Cette parole interpelle; elle s’adresse à chacune et à chacun; elle s’adresse aussi aux sociétés. Demandons-nous: qui invite celui ou celle qui ne lui rendra rien? Malgré les efforts qui sont faits, combien de temps, les peuples riches tiendront-ils la table abondante que pour les riches, tandis que les autres continueront à souffrir de faim? Plus on reste uniquement entre nous, moins on progresse. Il nous fut ouvrir une oreille qui écoute l’humanité à l’image de Dieu.

Ce midi, c’est l’Évangile de la juste place. Savoir prendre notre place, avoir assez d’estime de soi pour ne jamais oublier les autres. C’est fascinant, c’est difficile; ce n’est pas évident. Jésus en sentait toute la difficulté et je pense qu’il en a mis davantage pour réveiller les auditeurs. C’est à partir d’une situation qu’il n’invente pas, qui est réelle; il a vu des gens agir ainsi. Son humilité en fait un homme juste au service de tous et pas seulement au service de ceux qui vous rapporte…

Je prolonge ce passage jusqu’à nous, ici rassemblés. Je pense qu’il y a quelque chose qui dit que la communauté chrétienne doit rester une communauté ouverte à tous. Nous tentons de ne pas nous prendre pour d’autres, — on sait que ce n’est pas toujours facile — de penser à l’autre, d’agir avec les autres, de vivre selon ce qu’on est, avec nos limites et nos grandeurs. Une communauté qui doit veiller à nous rendre meilleurs et à rendre le monde meilleur, à faire preuve d’humanité, sachant que l’Évangile ne passe que là. Tenter de rejoindre la même liberté que Jésus a vécu et manifesté. Que notre eucharistie ne lance pas l’invitation seulement à nos « frères et sœurs et amis ». C’est le « repas ouverts à tous ». C’est là qu’on y trouvera le bonheur et que nous ferons l’apprentissage de notre juste place, en gardant un œil vigilant sur nous et sur les autres. Jésus avait peut-être compris qu’il faut aussi un brin d’humour pour vivre tout court, mais surtout pour vivre l’espérance chrétienne.


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