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La St-Jean (C)

 

Une naisssance inespérée

 

20 juin 2010

Guy Lapointe



L’annonce d’une naissance… Une belle histoire. Toutes les conditions semblaient réunies pour qu’Élisabeth et Zacharie n’aient jamais d’enfants. Et pourtant… Comme dans toutes les histoires, il y a la réalité et de la fiction. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais l’évangéliste Luc établit un parallèle entre la naissance de Jean-Baptiste et celle de Jésus. Zacharie, tout comme Marie, reçoit l’annonce d’un ange. De Jean-Baptiste comme de Jésus on se demande « ce que sera cet enfant? » La naissance de Jean-Baptiste fut, pour ses parents, une naissance inespérée. Et voilà qu’est survenu l’inconcevable. Une bonne nouvelle comme ils n’en attendaient plus! Un fils. Fêter saint Jean-Baptiste, tout comme la naissance de Jésus à Noël, c’est accueillir une naissance toujours possible; c’est aussi prendre soin de l’humain.

Déjà par sa naissance, Jean-Baptiste nous rappelle que Dieu n’a pas encore dit son dernier mot dans notre vie et dans le monde. Il y a toujours des moments inespérés qui nous surprennent. Nous sommes invités à entendre ce message et aussi à ouvrir les yeux et à reconnaître les heureux événements qui jalonnent notre route. Dieu nous dit : « Ne vous fermez pas, ne vous repliez pas sur vous-mêmes et sur ce qui vous pèse ». Jean-Baptiste rend témoignage à la lumière. Dans nos vies, toutes sortes de reflets de cette même lumière continuent à faire irruption. Aujourd’hui, il y a des femmes et des hommes, ici dans cette communauté, dans les quartiers, dans les villes, en paroles et en actes, qui remettent de l’espoir dans les cœurs. Fêter la mémoire de Jean Baptiste, c’est prendre le temps de reconnaître ces femmes et ces hommes, des jeunes aussi, et de les remercier. La fête d’aujourd’hui nous fait prendre soin de notre humanité en rappelant tous ceux et celles qui ont réveillé l’espoir.

À bien y réfléchir, et nous sommes au cœur de l’Évangile, c’est quelque chose d’assez formidable que, non seulement la vie de Jésus ait pris racine dans notre terrreau humain, celui de la famile de Marie et Joseph, mais que son action elle-même au service de l’Évangile, ait pu s’enraciner dans une terre déjà remuée par l’action et la parole de Jean-Baptiste. La bonne nouvelle, c’est que l’Évangile ne tombe pas du ciel, mais l’action de Jésus n’est vraiment accueillie que lorsque le terrain est bien préparé pour qu’elle s’y enracine. Fêter la s. Jean, c’est déjà prendre soin de l’humain.

Nous sommes aujourd’hui dans cette situation d’Église dont on parle tant, un temps, un moment, qui exige d’être repris à même la situation où nous sommes, dans le terreau humain qui est le nôtre ici au Québec et ailleurs. Si nous voulons que l’Évangile ait des chances de s’enraciner dans ce pays, il nous faudra être présent à tout l’humain qui s’y façonne. Il est important que, comme chrétien, comme Église, nous nous employions à mettre de l’avant les valeurs humaines les meilleures de notre tradition : justice, fraternité, ouverture. L’Évangile n’a rien à imposer. L’Église non plus. Mais elle a à proposer. Nous sommes dans une Église et dans une expérience de foi en refondation, ou, si vous le voulez, en quête d’une nouvelle naissance. Je le dis peut-être trop souvent : nous ne sommes plus dans un christianisme d’affirmation et d’imposition, mais dans un christianisme de conversation, plus près de l’Évangile. Jésus a beaucop conversé avec les personnes et les groupes qu’Il rencontrait (la Samaritaine, Zachée, la femme adultère etc.). Ce ne fut pas toujours facile. Mais c’est dans une conversation avec le monde que l’Évangile est apparu. Il est nécessaire que l’Église, notre Église, dans la mouvance de l’Évangile de Jean-Baptiste et de Jésus, puisse se réenraciner dans la réalité de l’humain. Pour cela, il faut prendre les risques de ce monde et tenter de les ouvrir dans l’esprit de l’Évangile. On parle de naissance aujourd’hui. Mais il faut renaître de l’Évangile, il faut que notre monde s’interroge et que nous participions à cette interrogation.

Je sors d’un Chapitre provincial des Dominicains, j’y ai nettement senti, dans les meilleurs moments, — je dis bien dans les meilleurs moments — que nous portions tous de profondes interrogations sur notre action évangélique. Nous étions convaincus qu’il nous fallait réenraciner notre action dans l’humanité qui se fait et cesser de nous plaindre sur la situation actuelle, parce que le nombre des Dominicains diminue, mais ouvrir notre action, inventer, risquer de vivre dans ce monde et de l’aider à se construire dans la mémoire de l’Évangile. Nous sommes, nous aussi, appelés à une nouvelle naissance.

Nous nous rapellons, en cette fête, qu’il n’y a rien de mieux qu’une sorte d’attention pour tout ce qui est humain, une passion pour ce pays, pour ces hommes et ces femmes qui, comme Jean Baptiste, comme Jésus, créent l’avenir. Tous ceux et celles qui préparent le terrain pour permettre à l’esprit de l’Évangile, avec notre collaboration, de prendre racine, et, malgré les difficultés rencontrées, de nous rejoindre.

Un confrère nous rappelait, au chapitre provincial, que lors d’une homélie qu’il prononçait, ici, dans cette église, en 1968, le P. Chenu, un dominicain qui reflétait une foi immense, plein de fougue et de tendresse pour tout ce qui est humain, justement à la manière de l’Évangile, le P. Chenu demandait : « Aimez-vous le monde? » Et il ajoutait : « Moi, je l’aime profondément. » Et il le disait avec une sorte de tendresse pour tout ce qui est humain. Aimer le monde qui est le nôtre : ce pourrait être le message de la St-Jean cette année. C’est, bien sûr, le message de l’Évangile. C’est là et pas ailleurs que commence et que se vit l’Évangile. Alors oui, avec la fête des pères, la fin de cette année et le retour de l’été, fêtons la s. J
ean, une grande fête de notre humanité et de notre foi incarnée ici dans notre pays.

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