L’annonce d’une naissance… Une belle histoire. Toutes
les conditions semblaient réunies pour qu’Élisabeth
et Zacharie n’aient jamais d’enfants. Et pourtant… Comme
dans toutes les histoires, il y a la réalité et de la
fiction. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais
l’évangéliste Luc établit un parallèle
entre la naissance de Jean-Baptiste et celle de Jésus. Zacharie,
tout comme Marie, reçoit l’annonce d’un ange. De
Jean-Baptiste comme de Jésus on se demande « ce que
sera cet enfant? » La naissance de Jean-Baptiste fut, pour
ses parents, une naissance inespérée. Et voilà qu’est
survenu l’inconcevable. Une bonne nouvelle comme ils n’en
attendaient plus! Un fils. Fêter saint Jean-Baptiste, tout comme
la naissance de Jésus à Noël, c’est accueillir
une naissance toujours possible; c’est aussi prendre soin de
l’humain.
Déjà par sa naissance, Jean-Baptiste nous rappelle que
Dieu n’a pas encore dit son dernier mot dans notre vie et dans
le monde. Il y a toujours des moments inespérés qui nous
surprennent. Nous sommes invités à entendre ce message
et aussi à ouvrir les yeux et à reconnaître les
heureux événements qui jalonnent notre route. Dieu nous
dit : « Ne vous fermez pas, ne vous repliez pas sur
vous-mêmes et sur ce qui vous pèse ». Jean-Baptiste
rend témoignage à la lumière. Dans nos vies, toutes
sortes de reflets de cette même lumière continuent à faire
irruption. Aujourd’hui, il y a des femmes et des hommes, ici
dans cette communauté, dans les quartiers, dans les villes,
en paroles et en actes, qui remettent de l’espoir dans les cœurs.
Fêter la mémoire de Jean Baptiste, c’est prendre
le temps de reconnaître ces femmes et ces hommes, des jeunes
aussi, et de les remercier. La fête d’aujourd’hui
nous fait prendre soin de notre humanité en rappelant tous ceux
et celles qui ont réveillé l’espoir.
À bien y réfléchir, et nous sommes au cœur
de l’Évangile, c’est quelque chose d’assez
formidable que, non seulement la vie de Jésus ait pris racine
dans notre terrreau humain, celui de la famile de Marie et Joseph,
mais que son action elle-même au service de l’Évangile,
ait pu s’enraciner dans une terre déjà remuée
par l’action et la parole de Jean-Baptiste. La bonne nouvelle,
c’est que l’Évangile ne tombe pas du ciel, mais
l’action de Jésus n’est vraiment accueillie que
lorsque le terrain est bien préparé pour qu’elle
s’y enracine. Fêter la s. Jean, c’est déjà prendre
soin de l’humain.
Nous sommes aujourd’hui dans cette situation d’Église
dont on parle tant, un temps, un moment, qui exige d’être
repris à même la situation où nous sommes, dans
le terreau humain qui est le nôtre ici au Québec et ailleurs.
Si nous voulons que l’Évangile ait des chances de s’enraciner
dans ce pays, il nous faudra être présent à tout
l’humain qui s’y façonne. Il est important que,
comme chrétien, comme Église, nous nous employions à mettre
de l’avant les valeurs humaines les meilleures de notre tradition :
justice, fraternité, ouverture. L’Évangile n’a
rien à imposer. L’Église non plus. Mais elle a à proposer.
Nous sommes dans une Église et dans une expérience de
foi en refondation, ou, si vous le voulez, en quête d’une
nouvelle naissance. Je le dis peut-être trop souvent : nous
ne sommes plus dans un christianisme d’affirmation et d’imposition,
mais dans un christianisme de conversation, plus près de l’Évangile.
Jésus a beaucop conversé avec les personnes et les groupes
qu’Il rencontrait (la Samaritaine, Zachée, la femme adultère
etc.). Ce ne fut pas toujours facile. Mais c’est dans une conversation
avec le monde que l’Évangile est apparu. Il est nécessaire
que l’Église, notre Église, dans la mouvance de
l’Évangile de Jean-Baptiste et de Jésus, puisse
se réenraciner dans la réalité de l’humain.
Pour cela, il faut prendre les risques de ce monde et tenter de les
ouvrir dans l’esprit de l’Évangile. On parle de
naissance aujourd’hui. Mais il faut renaître de l’Évangile,
il faut que notre monde s’interroge et que nous participions à cette
interrogation.
Je sors d’un Chapitre provincial des Dominicains, j’y ai
nettement senti, dans les meilleurs moments, — je dis bien dans
les meilleurs moments — que nous portions tous de profondes interrogations
sur notre action évangélique. Nous étions convaincus
qu’il nous fallait réenraciner notre action dans l’humanité qui
se fait et cesser de nous plaindre sur la situation actuelle, parce
que le nombre des Dominicains diminue, mais ouvrir notre action, inventer,
risquer de vivre dans ce monde et de l’aider à se construire
dans la mémoire de l’Évangile. Nous sommes, nous
aussi, appelés à une nouvelle naissance.
Nous nous rapellons, en cette fête, qu’il n’y a rien
de mieux qu’une sorte d’attention pour tout ce qui est
humain, une passion pour ce pays, pour ces hommes et ces femmes qui,
comme Jean Baptiste, comme Jésus, créent l’avenir.
Tous ceux et celles qui préparent le terrain pour permettre à l’esprit
de l’Évangile, avec notre collaboration, de prendre racine,
et, malgré les difficultés rencontrées, de nous
rejoindre.
Un confrère nous rappelait, au chapitre provincial, que lors
d’une homélie qu’il prononçait, ici, dans
cette église, en 1968, le P. Chenu, un dominicain qui reflétait
une foi immense, plein de fougue et de tendresse pour tout ce qui est
humain, justement à la manière de l’Évangile,
le P. Chenu demandait : « Aimez-vous le monde? » Et
il ajoutait : « Moi, je l’aime profondément. » Et
il le disait avec une sorte de tendresse pour tout ce qui est humain.
Aimer le monde qui est le nôtre : ce pourrait être
le message de la St-Jean cette année. C’est, bien sûr,
le message de l’Évangile. C’est là et pas
ailleurs que commence et que se vit l’Évangile. Alors
oui, avec la fête des pères, la fin de cette année
et le retour de l’été, fêtons la s. Jean,
une grande fête de notre humanité et de notre foi incarnée
ici dans notre pays.