Ces textes bibliques dits apocalyptiques, ne visent pas à nous décrire la fin du monde, même si certains sont portés à le croire, comme le montre le succès des films catastrophes sur nos écrans. Les récits bibliques visent plutôt à susciter l’espérance chez les croyants persécutés, menacés de mort, à cause de leur foi. Il s’agit de les encourager à tenir bon dans la foi, malgré et en dépit des angoisses et des dangers dans lesquels ils vivent. Dieu n’abandonne pas ceux qui mettent en Lui leur confiance, même s’il tarde à se manifester.
La première lecture, celle du prophète, Daniel, fait allusion à la persécution des croyants sous le roi Antiochus IV Épiphane vers 165 avant J.-C. Ce roi veut forcer ses sujets à apostasier, à renier la religion monothéiste de leurs ancêtres. Il veut les helléniser, c’est-à-dire les contraindre à adopter la culture et la religion polythéiste grecques. En somme, il veut paganiser le Peuple de Dieu. Ceux qui persistent dans la foi au Dieu unique, comme les célèbres sept frères Macchabée, sont impitoyablement mis à mort. Aux croyants angoissés, persécutés, menacés de mort, le prophète Daniel dit : « N’ayez pas peur, tenez bon. Le temps du jugement approche. Ceux qui vous persécutent seront bientôt vaincus et connaîtront la déchéance et une honte éternelle. Ceux qui persévèrent dans la foi, au mépris de la mort, triompheront et ressusciteront pour une vie éternelle ». Il s’agit en somme de soutenir l’espérance des croyants dans une situation désespérée.
Il n’en va pas autrement pour l’évangéliste Marc. Il écrit son évangile vers l’an 65, une époque où les chrétiens sont persécutés et le pays à la veille d’être envahi par les troupes romaines. L’existence même de la jeune communauté chrétienne est menacée. L’Église compte déjà de nombreux martyrs. La foi est mise à rude épreuve. Dieu a-t-il abandonné son peuple? Quand le Christ reviendra-t-il pour le sauver et instaurer son Règne de paix, de justice et d’amour? Ici encore, c’est un message d’espérance que veut donner Marc. Les épreuves qui secouent la jeune église ne dureront pas toujours. « Le retour du Christ en puissance et en gloire » y mettra un terme. Le monde injuste et impie sera détruit et un monde nouveau, édifié dans la justice, la paix et l’amour, le Règne de Dieu, lui succédera. Les premiers chrétiens, persécutés, étaient convaincus que « le retour du Christ en puissance et en gloire » pour instaurer le Règne de Dieu était imminent. Il ne fallait donc pas désespérer. « Cette génération ne passera pas avant que tout cela ne soit arrivé ». Le récit de Marc laisse percer une certaine impatience des disciples. A leurs yeux, le Christ tarde à intervenir pour les sauver. Marc réagit contre cette fébrilité de l’attente. Le retour du Christ est certain, mais le jour et l’heure, nul ne les connaît, « pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, seulement le Père ».
Pour nous aujourd’hui, que signifie « attendre le retour du Christ »? Peut-on dire que nous espérons pour bientôt un retour du Christ « en puissance et en gloire »? En fait, nous ne sommes pas pressés : la fin du monde peut attendre. En réalité, le Christ revient sans cesse parmi nous. Il advient chaque fois que nous inscrivons l’Évangile dans le tissu de notre vie, chaque fois que nous suscitons un peu d’espérance auprès des désespérés de la vie, un peu d’amour chez ceux qui sont privés d’amour, un peu plus de justice dans nos relations avec les autres et entre nous. C’est de cette façon que le Christ revient, que le Règne de Dieu advient dans notre monde.
L’image du figuier est ici éclairante : comme le figuier dans les diverses phases de sa croissance, quelque chose du Règne de Dieu se développe et se laisse voir dans le temps. Chaque petit geste quotidien inspiré par la foi, l’espérance et l’amour fait advenir le Christ parmi nous. Il advient quand on s’appuie sur Lui pour passer à travers les épreuves de la vie, que ce soit la maladie, un divorce pénible, la perte d’un enfant. C’est dans les situations difficiles, pénibles, douloureuses, désespérées que l’espérance peut opérer des résurrections.
C’est d’abord cela le retour du Christ et l’avènement du Règne de Dieu parmi nous. Pour nous renouveler et renouveler le monde dans lequel nous vivons, nous avons besoin, comme le souligne le prophète Daniel de sages capables de nous inspirer dans notre démarche de foi et de maîtres de justice pour nous faire découvrir l’action à entreprendre pour évangéliser et améliorer notre monde.
Nous ne savons ni le jour ni l’heure, mais nous savons que nous avons tous et toutes une tâche à accomplir, aujourd’hui, pour faire advenir le Christ parmi nous. Il revient chaque fois que nous le rendons présent, par notre foi, notre espérance et notre amour de l’autre, dans le tissu quotidien de notre vie.