Je suis convaincu qu’en écoutant ensemble,
ce midi, ce passage de l’Évangile selon Matthieu, nous avons
tous et toutes pensé au drame de la crise alimentaire dans le monde.
Je ne vous demanderai pas de lever la main pour me le manifester. Ce
récit ne peut tomber mieux. Ce drame de la faim qui se vit partout.
Ici à Montréal, on rapporte que les banques alimentaires
n’ont jamais été autant dans le besoin.
Mais particulièrement dans certains pays, qui peuvent sembler si
loin de nous, qui sont comme la partie émergente d’une situation
qu’on retrouve un peu partout : les gens ont faim, oui, ils
ont faim de pain, mais aussi de la vie; ces personnes ont faim d’une
vie décente. Alors il ne suffit pas d’attendre et d’espérer,
il faut partager… Ce qui se passe dans cette foule qui a voulu
suivre Jésus jusque dans un endroit désert est sans
commune mesure avec ce qui se passe dans certains pays. Mais il me semble
que ce passage d’Évangile
parle fort. Il nous interroge.
À propos de ce récit que l’on retrouve
six fois dans les évangiles, - c’est donc qu’il a frappé l’imagination
des tout premiers chrétiens - nous parlons toujours du récit
de la multiplication des pains. Mais le passage ne parle pas de multiplication
miraculeuse des pains, mais de partage, de mise en commun, de communion. Le
passage commence par nous montrer Jésus qui, pris par la foule,
a le souci de faire vivre les infirmes : il les guérit… il
les met debout physiquement peut-être pour qu’ils fassent un
autre bout de chemin, pour qu’ils puissent vivre et partager la
vie avec les autres. Nous sommes dans un endroit désert. Là où les
frontières tombent et les barrières s’estompent
Devant cette foule qui le suit dans ce lieu désertique,
sans pluie, les disciples donne des conseils à Jésus;
ils aimeraient mieux qu’on se débarrasse du problème : « Renvoie
donc la foule : qu’ils aillent dans les villages s’acheter à manger! » La
situation serait vite réglée. Solution de facilité.
Mais Jésus, lui, entend le désir de la foule. Il invite
plutôt ses disciples à prendre leurs responsabilités : « Donnez-leur
vous-mêmes à manger… » « Mais
nous n’avons là que cinq pains et deux poissons. ».
Jésus leur dit : commençons par ça. Il
n’est pas un magicien. Il est un croyant en Dieu, son Père,
et il croit à la possibilité des humains. Jésus ne
se prend pas pour un multiplicateur de pains, Jésus c’est
quelqu’un qui fait appel au partage. La situation a besoin
des disciples comme la situation d’aujourd’hui a besoin de
nous. Ce fut probablement le début du miracle. Qui sait si des
personnes dans la foule n’avaient pas par devers elles, un
peu de pain, de poissons et d’eau, etc. Et si tout le monde se mettait à fouiller
dans son sac, peut-être qu’il y aurait de la nourriture
pour tous. Tel est le miracle : l’appel au partage et
la réponse de la foule. Le miracle, c’est le partage réussi… et
non la multiplication des pains.
Et les disciples ne peuvent même pas laisser se perdre
les restes : « Tous mangèrent à leur
faim et, des morceaux qui restaient, on ramassa douze paniers pleins ».
Si on les ramasse, c’est au cas où il en viendrait d’autres.
La table du monde doit toujours rester ouverte.
Je ne peux pas ne pas évoquer, en terminant, le sens de nos assemblées eucharistiques. Faire eucharistie, c’est partager un peu de pain, un peu de vin en mémoire de Jésus, en mémoire de sa vie, de sa passion, de sa mort et de sa résurrection. C’est chaque fois un rappel que le Corps du Christ ne peut se vivre et se construire qu’en partageant le pain et la vie. Autrement, cela reste un geste individuel; et c’est souvent et trop souvent le drame de nos eucharisties. La faim dans le monde cela existe, on le sait. C’est même actuellement une crise. Nos eucharisties ne doivent pas passer à côté de cela, mais nous rappeler chacune et chacun à notre devoir de mémoire et d’action.
Voilà! C’était un passage d’Évangile
et une homélie d’été. L’été,
temps de repos, de réflexion,
quand il fait soleil, mais aussi quand il pleut.