La connaissance du Seigneur
Nous sommes familiers avec ce grand texte d’Isaïe. Mais pour
ma part, cette année, j’ai été un
peu étonné de l’importance de la place qui y est accordée à l’Esprit.
Il me semble que nous sommes habitués à retenir de ce texte
surtout son évocation paradisiaque, merveilleuse d’un
temps à venir d’harmonie, de paix, de
partage entre tous les êtres vivants. Quant à moi, à vrai
dire, plus j’avance en âge, plus l’avènement de
ce temps m’apparaît devoir être remis à plus tard.
Sur un plan global, les relations souvent tumultueuses entre les peuples
et entre les cultures, les menaces bien réelles à la survie
des écosystèmes et les conditions difficiles de la recherche
d’un apaisement des tensions qui en résultent ne sont
que quelques-uns des nombreux motifs de mon inquiétude.
Alors, que signifie pour nous maintenant et comment peut advenir, peut se
produire cette prise de possession par l’Esprit du pays dont
Isaïe nous dit que viendra un temps où il ne s’y fera
ni mal, ni destruction parce qu’il sera rempli de la connaissance
du Seigneur?
Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur
Depuis l’époque du prophète Isaïe, Jésus
est passé parmi nous. Son départ a inauguré le temps
de l’Esprit, le temps de l’espérance, notre temps.
Un temps présent et à venir jusqu’au terme de
l’histoire.
Pourquoi est-ce que ce ne serait pas un temps pour transformer notre regard
sur l’autre en un regard qui cherche à voir l’autre
au-delà des apparences, avec les yeux du cœur? Un temps pour
apprendre à ancrer notre parole dans une écoute de l’autre
attentive et bienveillante qui cherche à l’entendre par-delà la
rumeur et nos préjugés.
Pour Isaïe, cet autre désigne de manière
toute particulière le faible et le pauvre.
Se pourrait-il que ce temps nous soit donné pour que nous apprenions à nous
laisser appeler par la fidélité de l’Esprit, pour que
nous apprenions à consentir à prendre appui
sur Lui pour convertir notre regard et notre écoute de l’autre?
La première partie du texte qui nous a été proclamé tout à l’heure
nous y invite clairement. La seconde partie de ce texte veut nous emporter,
nous faire rêver, et pourquoi pas, de ce qui pourrait
résulter de cette conversion?
Au terme de ce temps qui est le nôtre, Isaïe n’affirme-t-il
pas, en une très belle image, que le pays sera rempli de la connaissance
du Seigneur, comme la mer que comblent les eaux.
Un temps, donc durant lequel l’Esprit envoyé par
Jésus aura cherché à devenir par nous présence
envahissante, expansion irrésistible, pénétration en
profondeur du tissu humain…
… de sorte que les loups – que nous pouvons être les
uns pour les autres – auraient appris à habiter avec les agneaux…
… de sorte que les léopards – puissants et dominateurs
que nous pouvons être – auraient appris à dormir près
des chevreaux…
… de sorte que le petit garçon – la simplicité et
la transparence de l’enfant en nous – aurait appris à conduire
ensemble au pâturage le veau et le lionceau… – sans que
le plus fort ne s’attaque au plus faible…
Le temps de l’Esprit, le nôtre, le temps de la paix à construire,
le temps de la réconciliation et de la cohabitation du fort et du
faible, du rusé et du simple. Le temps de l’apprentissage de
l’accueil, en priorité l’accueil du faible, du pauvre,
de l’humble, du petit. Cet accueil, signe entre tous, témoignage
décisif, seul vraiment convainquant, du comblement effectif et progressif mais
jamais terminé de notre terre par la connaissance du Seigneur
comme la mer que comblent les eaux.