Notre temple à Montréal Communauté chrétienne
Saint-Albert-Le-Grand à Montréal
Page d'acceuilHomélies par homélistes et par dateMembres des comités diversDes activités de la paroisseLa vie liturgique à Saint-AlbertPour vous trouver dans le site

22e Dimanche du temps ordinaire C

2 septembre 2007

Que veut-on faire de notre vie?

Guy Lapointe

Guy Lapointe
Ben Sirac 3, 17-18.20.28-29

Luc 1, 1a; 7-14

                                                                                    

Un passage d’Évangile surprenant et, à certains égards, insolite! Depuis deux ou trois dimanches, l’évangéliste Luc a l’art d’attirer notre attention et même de nous mettre parfois mal à l’aise. On a envie de dire : c’est pas possible! Jésus qui nous enseigne l’art de nous mettre à table. Jésus qui nous dit à ne plus inviter « ni ses amis, ni ses frères, ni ses parents, ni ses riches voisines » pour le repas. C’est quoi cet Évangile? Mais, en même temps, n’est-ce pas là une bonne façon de nous mettre en interrogation?

Toute cette réflexion part d’une situation courante. Jésus est reçu à manger chez un chef des pharisiens. Il remarque que « les invités choisissaient les premières places ». Je me posais la question pour moi-même. Si j’avais été là comme invité et que Jésus avait été présent,  est-ce que je n’aurais pas aimé, moi aussi, m’asseoir à la table, non loin de lui?

C’est rare que, dans une homélie, je raconte mes petites histoires personnelles. Mais en relisant ce passage d’Évangile, je ne peux m’empêcher de vous rapporter un souvenir de cet été. J’étais en congrès loin d’ici. Tous les membres du congrès, près de 300 personnes, nous avons été invités à dîner par le maire de la ville. C’était le soir, dans un jardin splendide. Or en arrivant, nous étions un groupe et nous avons remarqué une table libre mais fort bien située sous un immense palmier. On s’y précipite et on s’assied. Or la sécurité est vite venue nous déloger pour nous dire que nous étions à la table réservée au maire et à ses invités privilégiés. Bonne leçon d’humilité à notre précipitation. « Cède lui ta place, et tu irais plein de honte prendre la dernière place ». Effectivement, tant pis pour nous, nous nous sommes ramassés près de l’endroit où s’organisait le service des tables. Plus sérieusement, et si l’Évangile commençait là dans une sorte d’apprentissage et de savoir-vivre?

Que peut-on faire de l’exemple de Jésus? Jésus s’est situé sur l’écran des autres. Il y a quelque chose de profond à saisir dans ce passage de Luc. Mais quoi exactement? Cette anecdote de vie et son interprétation parlent à la fois de Dieu et de nous. D’un Dieu qui nous désire et qui veut que nous trouvions notre vraie place dans la vie; que nous ayons un regard juste sur nous-mêmes, de ne pas nous surestimer, ne pas nous sous-estimer non plus. Dieu qui nous veut à notre place, et qui nous redit : « connais-toi toi-même ». N’est-ce pas cela la vision de Dieu? Ne te prends pas pour un autre, ne te précipite pas vers les premières places, prend le temps de vivre, de regarder et de te regarder. C’est là que la vie commence; c’est là et là seul que l’Évangile peut nous atteindre. C’est de cela dont il est question. C’est un appel à nous ouvrir les yeux, à nous ouvrir le cœur et à agir en conséquence. Un appel à prendre notre place dans la vie et pas la place des autres. En somme, que nous soyons ajustés à ce que nous sommes. Un Évangile qui parle de l’humain, qui nous dit quelque chose sur la façon de recevoir sa vie, de se mettre à la suite de Jésus.

Dernière partie de l’Évangile. Une conclusion inattendue et stupéfiante. Jésus rappelle à celui qui l’avait invité à un repas, qu’il ne faut pas inviter ses parents et amis… On a le goût de dire : quand même! Si tu invites que tes amis, tes frères, tu risques de t’enfermer, de ne pas voir plus loin, d’oublier le monde qui n’est pas de ton cercle. Cette parole interpelle; elle s’adresse à chacune et à chacun; elle s’adresse aussi aux sociétés. Demandons-nous : qui invite celui ou celle qui ne lui rendra rien? Combien de temps, les peuples riches tiendront-ils la table abondante que pour les riches, tandis que les autres continueront à souffrir de faim? Plus on reste uniquement entre nous, moins on progresse. Il nous faut ouvrir une oreille qui écoute l’humanité à l’image de Dieu.

Ce midi, c’est l’Évangile de la juste place. Savoir prendre notre place, avoir assez d’estime de soi pour ne jamais oublier les autres. C’est fascinant, c’est difficile; ce n’est pas évident. Jésus en sentait toute la difficulté et je pense qu’il en a mis davantage pour réveiller les auditeurs. C’est à partir d’une situation qu’il n’invente pas, qui est réelle; il a vu des gens agir ainsi. Son humilité en fait un homme juste au service de tous et pas seulement au service de  ceux qui vous rapporte…

Je prolonge ce passage jusqu’à nous, ici rassemblés. Je pense qu’il y a quelque chose qui dit que la communauté chrétienne doit rester une communauté ouverte à tous. Nous tentons de ne pas nous prendre pour d’autres, de penser à l’autre, d’agir avec les autres, de vivre selon ce qu’on est, avec nos limites et nos grandeurs. Une communauté qui doit veiller à nous rendre meilleurs et à rendre le monde meilleur, à faire preuve d’humanité, sachant que l’Évangile ne passe que là. Tenter de rejoindre la même liberté que Jésus a vécu et manifesté. Que notre eucharistie ne lance pas l’invitation seulement à nos « frères et sœurs et amis », mis à celles et à ceux qui veulent se découvrir frères et sœurs. C’est le « repas des estropiés ». C’est là qu’on y trouvera le bonheur et que nous ferons l’apprentissage de notre juste place, en gardant un œil vigilant sur nous et sur les autres. Jésus avait peut-être compris qu’il faut aussi un brin d’humour pour vivre l’espérance.


Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand à Montréal
Accueil Homélies Organisation Événements Célébrations Plan du site En haut