Les paroles que nous venons d’entendre me semblent apaisantes. Jésus
y renouvelle sa promesse de demeurer auprès de nous, d’être
présent pour nous. Il a le souci de nous rassurer. Une mère aussi
cherche à transmettre une confiance en la vie à ses enfants.
Très tôt, elle vise à développer chez eux une force
intérieure solide. En effet, les parents réalisent rapidement
qu’ils ne peuvent tout contrôler. On vit dans un monde qui peut
se révéler menaçant. À cela s’ajoute, je
crois, un sentiment d’urgence vécu par les mères qui savent
qu’elles peuvent disparaître prématurément. Il nous
importe donc de transmettre à nos enfants dès le plus jeune âge,
un sentiment de sécurité, une solide estime d’eux-mêmes
et une foi en la vie qui transcenderont tous les écueils ou périls
qu’ils peuvent rencontrer. Cette expérience de continuité dans
la rupture, les mères la vivent dès le départ, car mettre
un enfant au monde, accoucher, est en soi une séparation. Mais dans
la plupart des cas, celle-ci est teintée implicitement par une promesse
de la mère pour son enfant. Celle de demeurer présente fidèlement.
Le lien demeure malgré le temps, la distance ou même l’absence.
N’est-ce pas le même discours que tient Jésus à ses
disciples? Le souci constant qu’on porte au développement, au
bien-être et au bonheur de nos enfants ne nous habite-t-il pas toute
notre vie? Voilà pourquoi les pertes ou les deuils qu’on vit avec
eux demeurent si intenses même quand les années ont passé.
Avoir des enfants m’a donné la chance de me découvrir sous
un nouveau jour, de développer des dimensions personnelles qui m’étaient
jusqu’alors inconnues. Ça m’a permis d’offrir le meilleur
de moi-même mais aussi, l’authenticité qu’impose le
nid familial m’a confronté à mes limites. La famille nous
oblige aussi à composer avec nos traits plus gênants. J’ai
découvert qu’on devient mère au même rythme que se
développent nos enfants. Il nous faut apprivoiser notre rôle selon
leur âge, leurs besoins. On grandit avec eux, on change avec eux, grâce à eux.
Il y a un réel échange. Nous espérons toutes que cette
route sera longue.
Des parents dévoués offrant une présence attentive, soutenue
et chaleureuse à leurs mousses de tous âges, vous en trouverez
dans toutes les bibliothèques, arénas, terrains de soccer, etc.
Mais je trouve incontournable de souligner que la maternité ne se vit
pas en vase clos. Outre nos enfants, plusieurs personnes nous accompagnent
dans ce rôle de mère. À l’instar d’un de mes
professeurs, Gilles Gendreau, je les qualifierais « d’accoucheurs
multiples ». Nous avons besoin du support de notre conjoint, mais
aussi de celui de notre communauté, de notre famille, de nos amis. Les
familles bénéficient d’une société qui sait
leur faire une place et les épauler au besoin. C’est l’ensemble
de la société qui s’enrichit quand les bases solides sont
mises en place pour favoriser l’épanouissement des jeunes. Les
groupes communautaires l’ont compris depuis longtemps. Ils déploient
de l’énergie pour développer ce que Camil Bouchard a appelé un « Québec
fou de ses enfants ». Des initiatives porteuses d’espoir,
il y en a des tonnes. Il est heureux que la Communauté de St-Albert,
par le biais du comité Aide-Partage, s’associe depuis des années à des
organismes tels que Kousin-Kousin’ qui chapeaute un camp de jour accueillant
des enfants du quartier St-Michel durant l’été.
Mon expérience de mère est encore toute jeune. Mais je peux témoigner
que depuis 9 ans, je suis stupéfaite par toutes ces mères très
allumées et impliquées dans divers organismes communautaires
et à l’école. Il y a là une richesse que plusieurs
ne soupçonnent pas. En plus de contribuer à construire une société meilleure,
ces mères offrent un exemple inspirant à leurs enfants. J’imagine
que de tout temps, les mères se sont entraidées. Personnellement,
je suis chavirée de découvrir les divers réseaux de solidarités
qui existent : les familles font circuler nombre de « sacs
verts » remplis de vêtements d’enfants ou des jouets
et s’offrent des plats cuisinés à certains moments plus
sensibles. Les échanges se font aussi au niveau du soutien psychologique
et des conseils face aux préoccupations éducatives. Je réalise
que cette relation mère-enfant si intime, voire impalpable, a tendance à déborder
pour nourrir une envie de tisser des liens d’entraide. L’expérience
Chrétienne, notre relation à Dieu n’inspire-t-elle pas
quelque-chose de similaire?
Au sein même de la famille, les parents, ne peuvent que souhaiter qu’entre
leurs enfants se développe une relation fraternelle, chaleureuse, solide,
où règne l’entraide… Comme Dieu le souhaite pour
nous. La vie de famille ne va pas sans heurts. Les relations entre ses membres
peuvent se révéler décevantes, chaotiques et conflictuelles.
On y vit une suite accélérée de déséquilibres
parfois contraignants. Je n’étais pas préparée,
en devenant mère, à affronter ce rôle ingrat qu’on
doit jouer malgré nous avec nos enfants : éduquer c’est
aussi accompagner son fils, sa fille, dans l’apprentissage du déplaisir.
Il en va de même dans nos rapports à Dieu-père, Dieu-mère.
L’Évangile de ce matin nous rappelle que Jésus nous offre
sa Paix. Qu’au-delà des déchirures inévitables,
des sentiments de trahison, il y aura toujours cette Paix, garante d’un
amour inconditionnel. Des liens familiaux forts nous aident à oser faire
les pas nécessaires qui mènent à la réconciliation.
Il est important de savoir profiter des beaux moments quand ils passent et
de les savourer. Comme mère, je dois avouer que j’ai eu droit à certains
moments de pure grâce. Je ne saurais vous décrire la plénitude
qui m’habite, par exemple, lorsqu’il m’arrive de m’endormir
pour une sieste aux côtés de ma fille de 4 ans, en lui tenant
la main…Toutes les mères ici présentes chérissent
des moments précieux où elles ont eu la conviction d’être
au bon moment et au bon endroit avec leur enfant.
Parler des mères, c’est aussi parler de filiation, de transmission
de valeurs, de génération en génération. Prises
dans le tourbillon de nos vies, de nos préoccupations, de la difficile
conciliation travail-famille, nous, les mères d’aujourd’hui,
devons une fière chandelle à celles qui nous ont précédées.
Des femmes et des hommes ont travaillé ardemment pour élargir
les horizons des mères, leur assurer une plus grande égalité et
la possibilité de faire librement des choix significatifs. Nous avons
la responsabilité d’inculquer à nos enfants l’importance
qu’à leur tour, ils mettent l’épaule à la
roue et contribuent, à leur façon, au mieux-être de tous
et à celui de la planète.
Jésus demande à ses disciples de se montrer fidèles à sa
Parole, à celle de son Père. Faisant partie d’une longue
lignée humaine, les mères ainsi que les pères la transmettent à leur
tour. Ils proposent leurs valeurs, témoignent de leur idéal.
Ils doivent ensuite lâcher prise, faire confiance eux aussi. Les enfants
font leur chemin, choisissent ou non d’adhérer à ces
valeurs
Je parlais plus tôt de solidarité, de tissu social propice à l’épanouissement
des enfants. Je souhaite de tout mon cœur qu’on se sente interpelés
par les trop nombreuses situations où les mères et leurs enfants,
voire leur conjoint, sont contraints de composer avec des conditions de vie
inacceptables et précaires assortis de divers types de détresse.
Des membres de la communauté tentent régulièrement de
nous sensibiliser à ce qui se passe ailleurs sur la planète ou
ici même au Québec. Cette paix offerte par Jésus, cet amour
ne devraient-ils pas contribuer à faire fondre nos peurs et ainsi nous
pousser à nous mobiliser toujours davantage