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4e Dimanche du Carême C

18 mars 2007

Un père est un père, nom de Dieu!

Guy Lapointe

Guy Lapointe


Luc 15, 1-3, 11-32

                                                                                   
Pourquoi Jésus mange-t-il avec n’importe qui, se demandent les pharisiens? Ce n’est pas correct. Il trahit notre religion… Les questionnements religieux se font rarement dans un contexte serein, — on ne le sait que trop —  car on s’imagine que quelqu’un à quelque part tient la vérité dans ses mains. Ce n’est pas une bonne image qu’il donne de Dieu. Jésus essaie précisément de leur présenter une autre image de Dieu dans cette parabole : un père avait deux fils. Enfant prodigue

Histoire cent fois écoutée, jamais épuisée. Des situations comme celle que décrit la parabole, on en connaît des semblables dans nos propres familles. On y rencontre les mêmes peines liées à  des ruptures, les mêmes joies des retrouvailles, avec les mêmes tensions entre les membres de la famille. Les conflits de personnalité entre les deux frères. On pourrait même dire, avec humour, que cette parabole met un scène  deux frères : un libéré, qui un jour, comme diraient les psychanalystes « tue le père », et un « fidèle », qui parle de son père comme d’un patron au service duquel il a passé sa vie : « Il y a tant d’années que je  suis à ton service ». Cette parabole met aussi en scène un père de famille dont l’amour et la tendresse sont la fibre de sa paternité. Cette dynamique fait partie du paysage humain depuis les toutes premières heures de la vie. On pourrait même dire : « au commencement, Dieu créa la joie des retrouvailles, les beautés de la tendresse et les difficultés d’accueil et de pardon… » En somme, dans cette parabole, c’est l’histoire de Dieu; c’est la nôtre aussi de toutes les manières. 

Cette parabole, on l’a longtemps appelé celle de « l’enfant prodigue », parce qu’on y voit exprimé surtout l’amour du père pour son fils prodigue. Le peintre Rembrandt l’a si bien rendu dans sa peinture : le retour du prodigue. On distingue dans la peinture, un père avec une main paternelle et une main maternelle qui accueille le fils. Visage du père, visage dévasté d’une si longue absence, visage d’aveugle. Il s’est usé les yeux à son métier de père.

Certaines éditions de la Bible parle de la parabole du « fils retrouvé », car l’important n’est pas que l’enfant soit follement prodigue, mais qu’il soit  retrouvé, qu’il revienne à son père. Tel autre commentaire parlera de la parabole de « l’amour du père », parce qu’on y voit une image du père plein de tendresse et de Dieu plein de tendresse. Enfin on parlera aussi de la parabole du « fils jaloux », pensant alors à l’aîné de la parabole qui ne comprend pas l’attitude ouverte et compréhensive et la joie du père de retrouver son plus jeune. En fait une parabole qui, comme toutes les paraboles, nous rejoint à quelque part dans notre propre expérience  personnelle et sociale.

Une chose est certaine, l’attitude de Jésus, en proposant cette parabole, nous invite à briser nos schémas trop rigides : il n’y a pas d’un côté les bons, ceux et celles qui sont « restés à la maison », près du père, et de l’autre côté, les mauvais, ceux qui dépensent follement, qui ont le ventre affamé et le cœur vidé, et qui se retrouvent un jour à rêver une autre vie, un autre amour. Ils se souviennent… Bien sûr que cette réalité existe, loin de moi de le nier. Il y a plein d’errances dans la vie. L’aîné dans la parabole ne semble pas accepter le retour de son frère dévergondé, non plus que le pardon qui lui semble trop facile de la part de son père. Ce jeune n’avait-il pas qu’à subir les conséquences de son geste!

Qu’est-ce que cette parabole dit de Dieu et de nous?  Elle dit que Dieu est déroutant dans sa longue patience. Qu’il y a souvent dans nos vies des conflits de personnalité, des rivalités de toutes sortes; un manque de confiance. À quelque part, on est tous, à certaines heures, comme le fils aîné; comme nous sommes, à notre manière, le fils cadet. Il n’y a que la confiance les uns aux autres qui fait et rebâtit la vie. Et ce que le père nous apprend, c’est que ce sont les personnes qui comptent, et que « s’il est difficile d’aimer » comme le dit la chanson, il est aussi difficile de ne pas aimer. C’est là une attitude du cœur. Facile à dire, jamais facile à vivre… Pour changer, il importe de développer de  l’intériorité, de la compassion, de ne pas se laisser enfermer par quoi que ce soit et même d’accepter que certains prennent des risques jusqu’à s’enliser. C’est cela la bonté du père…

En proposant cette parabole, Jésus vient bouleverser cette attitude, en prenant parti pour ces personnages douteux et parfois scandaleux. Et qui  plus est, il le fait en se réclamant de Dieu, dans son image de père qui  accueille, bras ouverts, autant le jeune fils qui revient que l’autre qui est heurté par cet accueil et cette fête. Les pharisiens  autour de Jésus n’avaient pas compris, ou plutôt ils avaient compris que des êtres corrompus n’ont qu’à subir les conséquences de leurs gestes; ils méritent leur sort et n’ont pas volé le jugement qu’on porte sur eux. Derrière ces écarts, ne resterait-il pas souvent une sorte de dignité humaine brisée et qui se cherche. On n’a pas le droit de classer des gens une fois pour toutes. Que lorsqu’il s’agit du cœur humain devant Dieu, il n’y a pas d’affaire classée. Il reste toujours, lorsqu’il ne reste plus rien, la tendresse du cœur et la foi dans les retours et les recommencements; il reste la tendresse de Dieu, notre tendresse.

Qui sommes-nous dans ce récit pathétique? Nous sommes tous les personnages. L’histoire est la nôtre, de toutes les manières. Elle bouscule nos idées toutes faites sur Dieu, sur les relations entre lui et nous, sur les rapports entre nous.

Dieu garde une liberté infinie. Il veut être un Dieu pour tous. Cette liberté nous fait penser à une immense attitude de  gratuité du père envers les deux fils… Nous sommes bien au seuil d’une naissance, comme de toute renaissance : «  Mon fils était perdu et le voici revenu en vie… » Sous le coup que porte le visage de son fils, le père montre sa vulnérabilité. Peut-on aimer sans en être blessé? Et j’ajouterais : non pas blessé à mort, mais atteint à vie. En somme, Jésus essaie de nous dire et de le dire à son entourage d’alors : de grâce, laissez le père être père, en offrant la tendresse et le pardon à ses fils et, du même coup, laissez Dieu être Dieu. Alors la fête de la vie peut commencer en ce dimanche de la joie…


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