Deuxième dimanche de Carême ( C )

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4 mars 2007

Au lendemain de la transfiguration   

Benoît Lacroix

Il y a de cela bien longtemps. Au Proche-Orient. Aux abords de Jérusalem. Quatre amis gravissent une colline, ils s’appellent Jésus de Nazareth, Pierre, Jacques et Jean. Tout à coup Jésus devant les trois autres est tout changé, transfiguré. Sa longue robe orientale est toute blanche comme la neige de vendredi dernier. Que s’est-il produit? Exactement ? Nous nous le demandons encore. Nous sommes tellement friands de détails…et de spectacles.

Certains disent qu’il s’agit d’un évènement personnel, particulier, prophétique, et comme une anticipation d’une vie encore à venir; d’autres pensent que Jésus reçoit du ciel, de son Père comme il l’appelle, une confirmation de sa mission publique; d’autres, nos écologiques, s’intéressent toujours à la composante cosmique de l’évènement. Enfin d’autres, nous sommes en 2007, essaient de deviner quels furent exactement les sentiments du Seigneur une fois qu’il a repris sa vie normale, une fois terminée cette mystérieuse transfiguration.

Disons que pour la majorité d’entre nous, nous croyons simplement que le Christ aurait comme entrevu au bout de sa vie et de sa mort imminente, une sorte de retour à une vie toute différente, plus glorieuse, disons. Il aurait tout à coup senti, éprouvé le grand amour de Dieu pour lui, et pour nous tous. Il aurait vécu des moments intenses d’amour divin, une certitude même. Lui qui craignait tellement son heure, l’heure de sa montée à Jérusalem, aurait reçu l’assurance que ses souffrances serviraient à quelque chose, et comme une anticipation joyeuse du meilleur…

Mais APRÈS? Mais après l’évènement lui-même? De son vivant, comme on dirait maintenant? Entre sa transfiguration et sa mort? Il vit, il parle, il va et vient. Nos contemporains, friands d’intimité, veulent savoir, tout savoir : comment Jésus s’est-il senti après la transfiguration quand il s’est agi de reprendre la route, de marcher avec les siens, de faire face à une hostilité latente? Il a dû éprouver une immense solitude? Celle-ci aurait transpiré dans son célèbre discours, la veille de sa mort. Nous y retrouvons des mots, des propos qui expriment une profonde nostalgie et qui sont assez révélateurs.

D’ailleurs, au moment où il s’adresse à ses partisans immédiats, les apôtres, trois des témoins de la transfiguration sont là : il s’agit de Pierre, Jacques et Jean. Le Seigneur leur dira, par exemple : «Que votre cœur ne se trouble pas… Je ne vous laisserai pas orphelins…Je vous dis cela pour qu’une fois l’heure venue, vous vous rappeliez ce que vous ai dit…» Eh oui, la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas comprise… Levez-vous, vous, partons d’ici, (cf Jn 14, 1ss)

Ils se sont levés, ils sont sortis, ils ont repris la route. On connaît la suite. Quelques heures après, Jésus est abandonné de ses amis, sauf de Jean. Ce fut la crucifixion… Et, sauf Judas désespéré, ils ont, onze sur douze continué leur chemin. La plupart sont morts martyrs. C’est à cause du même Jésus, à cause de ces premiers apôtres que nous sommes ici ce midi.

Morale de cette histoire : que survienne une grande peine, qu’il nous arrive de mauvais moments, un échec, le temps est peut-être venu, comme à Jésus après sa transfiguration, comme aux apôtres après l’abandon, de reprendre la route, de nous ressaisir, d’élargie notre cœur peut-être blessé, de faire confiance à notre esprit. Ou encore, comme il a été suggéré à Abraham un peu découragé : regarde le ciel, observe les étoiles, contemple la nature pour te rassurer.

Il s’agit ni plus ni moins de retrouver l’essentiel de son âme et de son cœur et d’aller rejoindre les autres là où il sont. Enfin, comme et avec Jésus à l’esprit, il s’agit d’offrir le reste de sa vie, de ses forces. L’essentiel est là. Telle est la route à suivre pendant que se transfigurent devant nous la vie, le savoir, la science, l’humanité en crise : croire à la vie, croire à l’avenir, croire à la survie de l’humanité, marcher, aller, espérer, penser, y aller de l’avant jour et nuit, souffrance et bonheur alternant, comme ténèbres et lumières, brouillards et clarté, comme mort et résurrection.

Qu’avec cette promesse magique du Seigneur, toujours la même qu’à la dernière Cène et première Eucharistie : «Que votre cœur ne se trouble pas, je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps» À la musique de Tournemire de nous enseigner à sa manière de croire malgré tout à l’avenir de la mort…et de la vie!


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