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Guy Lapointe
Paul, l’ancien persécuteur de l’Église de Dieu, qui nous rappelle la Bonne nouvelle du Christ vivant. Il nous rafraîchit la mémoire… Simon-Pierre, un pêcheur qui travaille souvent la nuit avec ses compagnons, Jacques et Jean. Pas toujours des pêches extraordinaires comme cette nuit-là. Pierre et Paul; ils deviendront les deux piliers de la foi et de l’Église. Deux itinéraires fort différents: un ex-persécuteur certainement très convaincu et un pêcheur. Deux appels.
Ce passage qu’on vient d’entendre, c’est un tournant dans
l’évangile selon Luc. Jusqu’ici, l’évangéliste
avait 
montré Jésus seul, prêchant, guérissant autour
de Capharnaüm. Maintenant, il a besoin de collaborateurs; il sort de chez-lui. Jésus était
né dans les terres, dans ce village de Nazareth, d’où on
ne voyait pas la mer ou le lac. Il ne connaissait vraisemblablement pas grand-chose à la
pêche. Chacun son métier! « Avance au large, et jetez
le filet », dit-il à Simon, après une nuit désespérante
où les pêcheurs n’avaient rien pris. Pour les pêcheurs
du coin, cette consigne pouvait paraître absurde… Je me souviens
dans un échange que j’avais eu, dans un groupe, sur ce passage
d’Évangile, où on trouvait étrange, qu’après
une nuit sans prendre aucun poisson, Jésus commande ainsi à Pierre
de jeter les filets. Un des participants avait répliqué, moitié sérieux,
moitié comique, à moins que les poissons soient venus en foule,
eux aussi, pour écouter Jésus qui parlait de la barque. J’ai
continué sur cette remarque mi-sérieuse, mi-comique, pour dire
que les filets débordant d’une telle quantité de poissons
et qui se déchiraient, ne serait-ce pas une belle image, qu’on
ne serait pas spontanément porté à s’appliquer,
pour prendre conscience que les poissons sont des femmes et des hommes.
C’est nous tous.
En effet, au moment où Luc écrit son évangile, des disciples nombreux viennent rejoindre ceux qui annoncent l’Évangile. La parole de Jésus a déjà traversé la Méditerranée, elle vogue vers un ailleurs, les communautés grandissent et les filets sont pleins à craquer. Luc montre que Pierre joue un rôle, à même son métier de pêcheur. Mais attention, Pierre n’est pas présenté comme le premier dans la série des papes. Il y apparaît davantage comme le symbole du disciple véritable que comme chef des apôtres. Il a osé suivre Jésus…
Avec Pierre, à la suite de Jésus, on quitte les bords de lac, on met le cap sur tous les horizons du monde. L’Évangile prend le large. C’est l’avenir de la foi et de l’Évangile qui se construit à même la vie, tout comme pour Paul. Il y aura des tempêtes, il faut garder le pied marin et surtout cultiver la foi, dans les matins blafards où le désespoir guette.
La situation de la foi et du christianisme n’est plus la même aujourd’hui dans nos milieux. Nous le savons. Pour une large part la confiance est à reconstruire. Garder la confiance en la vie et l’Évangile, c’est pour cela que nous sommes ici ensemble, ce midi, pour ne pas perdre la mémoire. Nous nous rendons compte que dans cette sorte de temps nuageux que nous traversons, la pêche n’est plus aussi miraculeuse. Raisons de plus pour nous mettre au travail ensemble, à même nos travaux et nos jours, comme communauté et comme individus. Même si l’édifice de la foi s’est fissuré, il est toujours temps et, je pense que nous y croyons, de reprendre confiance et de travailler à l’intérieur comme à la périphérie pour que l’Évangile puisse encore rejoindre les gens à travers nous, autant le jour que la nuit. Et que nous avons toujours à lancer nos filets au large. À quelque part, il y a toujours quelque chose de Pierre et de Paul en nous .
Le Royaume ouvre un espace, un chemin d’espérance, même et surtout pour ceux et celles qui ont pêché toute la nuit sans rien prendre… C’est un appel à recommencer, à ne pas se résigner, à marcher, à reprendre la route avec courage; c’est cela qui remplit le filet, même si le filet rempli fait peur à Pierre… C’est une invitation à aller à la périphérie, là où chaque être humaine a de la valeur.
Dans la situation présente de notre foi commune, il est bon de nous retrouver en assemblée pour entendre Jésus inviter au grand large et aux pêches audacieuses. Nous en avons bien besoin. On n’est plus en un temps où tant de gens voulaient monter dans la barque. Je pense que nous sommes invités ce midi à nous lancer au large et à quitter nos peurs et note gêne. Et notre communauté chrétienne, dont nous sommes, a-t-elle assez de prix à nos yeux pour que nous ayons le goût d’inviter les personnes que nous rencontrons au hasard de la vie et qui sont en recherche de sens et de partage? Ce caractère ouvert et invitant et, à certains égards, risqué de notre assemblée chrétienne, c’est la responsabilité de nous tous. La qualité d’une communauté tient à la qualité de vie de chacune et chacun.
Dans l’Évangile, il ne s’agit pas d’événements arrivés il y a quelques siècles. Il s’agit d’aujourd’hui. Dans nos milieux et en chacun de nous, la foi est en un commencement ou un recommencement. Prendre le risque de jeter le filet au plus près comme un peu plus loin, dans d’autres eaux. Jésus appelle à avoir de l’audace. Allons au large, au large de nous-même au large de notre vie et de notre foi. N’ayons pas peur, que nous soyons passants sur le bord du lac ou peuple des profondeurs. En accueillant les autres, on accueille Dieu… À la célébration du Jour de l’An, je nous invitais à prier pour Dieu, « pour qu’il ne lui arrive rien... » Aujourd’hui avec cet Évangile, je pense qu’on peut se percevoir davantage comme responsable de Dieu, de l’image que nous en donnons.
Et si l’avenir de nos communautés chrétiennes passait par l’audace? Jusqu’à risquer, jusqu’à re-croire au miracle et surtout à la possible guérison. Qui sait ce que nous pourrions découvrir dans nos filets, si nous osons les jeter plus loin, en eaux profondes et de l’autre côté de la barque!
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