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Le premier commandement

5 novembre 2006
31e dimanche du temps ordinaire B

Deutéronome 6, 2-6
Marc 12, 28b-34

 Denis Tesson
Denis Tesson

Il me semble que le texte de l’Ancien Testament et celui de l’Évangile résument bien l’histoire de la relation de Dieu avec son peuple : Une pédagogie au cours de laquelle Dieu, initialement en compétition avec des idoles, se révèle progressivement, du côté des humains, tout proche, puis, s’incarnant en Jésus, fait comprendre qu’on ne le découvre qu’à travers l’amour donné aux autres.Pieta

Le scribe est le bon interprête de ceux qui, en leur temps, se sentent interpellés par la conduite de Jésus : « On te voit avec les exclus, avec nos ennemis romains, avec des amis ramassés au hasard du chemin… Souvent, tu viens prêcher dans le temple mais quand tu pries, tu t’en vas loin du temple… Tu sembles mépriser nos prêtres et nos rites… Au nom de quoi fais-tu tout cela qui nous paraît étrange et incohérent? Quelles sont tes valeurs? Avons-nous les mêmes croyances? » : Une autre façon de demander : Qui es-tu?

La réponse de Jésus, qui sera plus tard commentée par Paul et par Jean pour les premières communautés croyantes, elle est simple : aimer Dieu et aimer son prochain, c’est tout comme, et j’aimerais réfléchir avec vous sur cette équivalence, sur cet amour de soi, de Dieu et du prochain, dans un monde individualiste et qui ignore Dieu, notre monde. En somme, nous aider à dire qui est Dieu pour nous, après 2000 ans de tradition chrétienne.

Celle qui m’a initié à la foi, ma grand-mère, évoquait souvent le premier commandement… « et le second qui lui est semblable ». C’est au nom du Christ que ma grand-mère pratiquait une authentique charité qui lui faisait visiter les malades et les pauvres et qui la rendait toujours disponible. Elle s’interdisait de juger les gens. Je l’entends encore me dire : « je ne veux pas le juger, c’est quelqu’un qui souffre beaucoup et qui a beaucoup besoin de nous et de nos prières » ou encore, une fois que je louais sa générosité elle m’avait répondu : « non, mon grand, je suis au contraire moi aussi très égoïste mais, chaque jour, je prie le Bon Dieu qu’il m’aide à l’être un peu moins ».

Je connais une personne qui pratique la charité aussi bien que ma grand mère, mais qui est incroyante et politiquement sceptique (genre ni Marx ni Jésus). Apprivoiser l’autre, lui redonner confiance, témoigner de la dignité de ce qui est compté pour rien, c’est une passion exigeante qui s’impose à elle comme une évidence. Elle non plus ne condamne pas et voit l’autre comme un frère en humanité en qui elle se reconnaît avec ses forces et ses limites, son besoin de l’autre pour exister. Elle dit : « Je ne le fais pas pour eux, j’ai l’impression que je le fais pour moi, parce que j’en ai besoin. Ça m’aide à me recentrer sur l’essentiel. » En somme, donner sa confiance pour se faire confiance.

Dans un cas comme dans l’autre, c’est beaucoup d’efforts et c’est un travail de construction de soi. L’une, ma grand-mère, confiante dans le Seigneur et dans l’efficacité de la prière, œuvrait de tout son cœur pour que les personnes se sentent aimées et voulait se rendre de plus en plus digne de l’amour de Dieu. L’autre, ma contemporaine, met son intelligence et sa force pour que les paumés reprennent confiance et elle se découvre plus forte, plus généreuse et terriblement attachée à ceux qu’elle aide.

Envers nos plus proches, nos intimes, l’exigence est plus grande : établir la confiance qui permet d’être vrai. Non seulement voir la personne au-delà de ses actes, voir le prochain qui me ressemble, mais faire confiance à l’ami pour oser dire ce qui blesse et accepter d’entendre des reproches. Et c’est avec ceux que nous aimons le plus que nous expérimentons à quel point l’amour est insuffisant, car celui qu’on aime est un écorché vif et son amour nous étouffe (et réciproquement bien sûr!). Et, à la moindre contrariété, l’autre (ou moi) explose : « et tu prétends que tu m’aimes! »… Amours humaines! Que de décryptage, que de ‘Bonne Volonté’ pour que l’amour s’échange entre deux êtres.
Mais si c'était ainsi, en mettant tous nos efforts pour vivre en harmonie avec ce qui est le meilleur en nous, que nous étions fidèles à ce qui nous habite et que nous appelons Dieu? Si Dieu n’était que ce qu’il y a de meilleur en chaque être humain? Si c'était çela aimer Dieu : être fidèle au meilleur de nous-mêmes et ainsi arriver à lui être fidèle, en le laissant advenir en nous?

Il y a encore un pas à faire, le plus difficile, et c’est de consentir à être le prochain de quelqu’un. Notre vie, c’est aussi les deuils, la confiance trahie, l’échec et la maladie. C’est alors seulement par les autres que nous survivons. Au fond de la dépression ou sur le lit d’agonie, des très proches ou des Samaritains de hasard font que la vie et l’amour continuent de rayonner pour nous. Consentir à n’être en vie que par les autres, c’est un terrible arrachement, et une autre image de Dieu se dessine, coïncidant avec Jésus crucifié. C’est Dieu le tout-impuissant, qui prend le risque de s’en remettre à l’autre pour exister. Dieu, un infini d’amour qui n’existe que par les humains et en qui nous voudrions nous dissoudre pour, qui sait, renaître tout autre.

Écoute, Israël du temps présent, Dieu est l’Unique. Unique à chacun, unique à chaque moment de notre vie. Dieu qui dévoile une partie de son mystère à chaque rencontre où nous essayons d’être vrai et aimant de tout notre cœur, de toute notre force et de toute notre intelligence. Dieu, qui ne commande rien, Dieu au cœur de notre humanité. Dieu que, au fond, nous ne savons pas nommer mais que nous essayons d’accueillir et de prier.


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