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Communauté chrétienne
Saint-Albert-Le-Grand à Montréal |
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Seigneur, fais que je vois!
29 octobre 2006
30e Dimanche du temps ordinaire (Année B)
Jacques
Sylvestre
Marc (10,46b-52)
Mon père s’appelait Timée.
Aveugle de naissance,
j’étais connu de tous comme Bartimée
Jeune, je devais mendier mon pain :
celui qui ne travaille pas n’a pas sa place à table.
Pour me protéger des intempéries des saisons,
un vieux manteau verdi par le temps
Il me servait aussi à recueillir quelques piécettes que d’aucun
y jetait négligemment.
Aveugle de naissance,
je ne connaissais qu’un chemin :
celui qui me conduisait à l’une des portes de Jéricho
Je l’habitais cette porte depuis tant d’années.
Aveugle, j’avais appris le pas des gens, le son de leur voix,
leur odeur même m’était devenue familière.
Aveugle, on imagine bien des réalités,
c’est un peu comme si on se racontait des histoires.
Une chose que je n’arrivais pas à imaginer,
c’est la paix
La paix pour les vivants
La paix pour les morts.
Aux uns, on souhaite qu’ils reposent en paix.
Aux autres, qu’ils vivent en paix.
Et on ne cesse de supplier : donne-nous la paix.
Qu’est-ce que la paix ?
Un mot d’un certain Jésus de Nazareth me revient :
« Vous ne savez pas ce que vous demandez ».
Aveugle, je n’entendais qu’altercations, chicanes et affrontements
Encore chanceux de ne pas être assourdis par les éclats d’obus,
la mitraille des fusils
Tout ce que pouvais entendre, c’etait la plainte d’un chacun…
Et quand l’un des nôtres allait rejoindre ses pères,
on demandait : qu’il repose en paix…
Comme si la paix depuis la création du monde
ne pouvait être que le lot des disparus !
Pourtant quelqu’un est passé sur nos routes.
J’ai entendu son pas et celui des foules qui le suivaient comme
un sauveur
C’est le prince de la paix, m’a-t-on dit.
« Il ne brise pas le roseau froissé
« Il n’éteint pas la mèche qui fume encore. »
Ces mots, je les avais appris du prophète (Is.42),
entendus tant de fois proclamer dans la synagogue.
Ce jour-là, au bruit de la foule,
J’ai deviné que c’était lui.
A travers mes lèvres, un cri :
« Fils de David, aie pitié de moi ».
Le cri des enfants abandonnés
Le cri des femmes violées
Le cri des guerriers en fureur
Le cri de blessés de la vie hurlant leur douleur
Le cri des pauvres piétinés par les riches
Le cri des sans voix, des sans papiers.
Sans oublier l’appel des disparus (Ps.29)
A la fin, je les hurlais ces cris.
On aurait bien voulu me faire taire.
« Fils de David aie pitié.»
« Confiance ! » me dit l’un d’entre eux.
Il t’appelle.
Il nous appelle, tous, mendiants de paix
Et tous ceux et celles en deuil d’un disparu.
Pourtant, n’est-ce pas lui qui disait :
« Pensez-vous que je suis venu établir la paix sur la terre ?
Non ! Mais je vous dis : la division. » (Mt.10.34)
« Je suis venu jeter un feu sur la terre
Et comme je voudrais que déjà il fût allumé. » (Lc.12.49)
« Je vous dis ces choses pour que ma paix soit en vous.
« Je vous laisse la paix
« C’est ma paix que je vous donne. (Jn.14,27)
Je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn.16)
La paix !
C’est presque un miracle.
Elle est grâce.
C’est en chacun de nous qu’elle se construit avant tout.
Elle se construit avec ma bonne volonté
Il ne s’agit pas d’une paix tranquille,
Paix de pacifiste, de non-violent…
Mais d’une paix durable.
Fruit de la justice et de l’amour,
Elle sera fruit de mes efforts personnels,
Dans mon quotidien
Avec mes proches et la société
Elle suppose que j’écoute ce que je ressens en moi.
Elle exige que je connaisse mes terres, mes aspirations, mes limites et mes
capacités.
Faire la vérité en moi, faire la vérité en soi.
La paix est fruit de la bienveillance :
Climat de paix dans mes rapports mutuels avec les autres.
Respect de la personne, et un a priori favorable face à l’autre.
Il m’a demandé à moi l’aveugle de naissance :
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Seigneur, fais que je vois !
Fais que j’entende tes paroles de paix,
donne-moi de pouvoir regarder ce monde
avec des yeux remplis d’amour.
Voir au-delà des apparences,
ne voir que le bien en chacun.
Ferme mes oreilles à toute calomnie,
garde ma langue de toute malveillance
Que je sois bienveillant et joyeux !
Que tous ceux qui m’approchent sentent ta présence !
Qu’ils vivent dans la paix,
qu’ils reposent en paix !
Voila ce que je voudrais que tu fasses pour moi,
pour nous tous.
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