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Fidélité, dites-vous?

8 octobre 2006

Monique Morval et Françoise Tesson

Les deux lectures de ce dimanche nous paraissent bien éloignées de notre réalité québécoise d’aujourd’hui!… Elles nous proposent en effet un modèle de couple où la femme est subordonnée à son mari, puisqu’Adam dit d’elle : « Voilà l’os de mes os et la chair de ma chair! » Jésus essaie, bien sûr, de rétablir l’équilibre, en déclarant qu’une femme peut aussi renvoyer son mari et en épouser un autre, et se rendre ainsi également coupable d’adultère… Mais Il reprend aussi le modèle de fusion proposé dans la Genèse : « Tous deux ne feront plus qu’un ». J’ai quant à moi toujours refusé d’être appelée la « moitié » de mon mari et proclamé que j’étais une « entière », avec mon identité propre!!!…  Comment alors comprendre ces textes à la lumière d’aujourd’hui? Est-ce parce qu’on reste ensemble physiquement que l’on est fidèle pour autant? Comment comprendre la fidélité après de nombreuses années de mariage? N’y a-t-il pas une forme de fidélité, même quand on est divorcé?… Nous vous proposons deux réflexions sur le thème : d’abord celle de Françoise Tesson, mariée depuis 36 ans. Puis la mienne, divorcée depuis 21 ans…

Françoise :

« Je suis fidèle comme un dogue
Au maître, le lierre au tronc... »

Ainsi parle Apollinaire, le Mal aimé. Deux images qui me permettront de parler de ma mère, puis de moi et de montrer l’évolution des mentalités en ce qui concerne la fidélité.

C’est tardivement, en fait au moment de sa mort, que j’ai découvert et compris les choix faits par maman. Mes parents se sont mariés en 1939, quelques mois avant le déclenchement de la guerre. Mon père est allé au front, puis a été fait prisonnier, laissant ma mère enceinte de ma sœur. C’est seulement en 1945 que mes parents reprendront la vie commune, après les 5 ans de captivité de mon père, et feront deux autres enfants.

Pendant ces 5 ans, ma mère a mené une vie autonome : elle travaillait et exerçait de nombreuses responsabilités, présidant, par exemple l’Association des femmes de prisonniers. Au retour de mon père, elle s’est effacée pour lui laisser la place : elle a laissé son travail pour le seconder dans le sien, renoncé à ses responsabilités pour devenir « femme au foyer »… Qu’y avait-il de commun entre ces jeunes mariés qui n’avaient partagé que quelques semaines de vie commune  et ces « presque étrangers » qui se retrouvaient après avoir vécu chacun de leur côté ces années difficiles? J’ai le sentiment que maman a sacrifié une part d’elle-même pour rester fidèle à ses engagements et pour permettre à mon père de reprendre sa place et de paraître à ses enfants comme le maître de la maisonnée. Fidèle comme le lierre au tronc? Qui a été étouffé ou nourri? Qui a été protégé ou exploité? Qui a le plus aimé l'autre?

En ce qui nous concerne, Denis et moi, nous nous sommes mariés jeunes et naïfs, il y a 36 ans, juste avant de venir au Québec. Si nous avons partagé, durant toutes ces années, au cœur de notre vie commune, beaucoup de joies et d’épreuves, nous avons aussi eu chacun notre cheminement propre et je m’étonne souvent de voir à quel point nous sommes différents de ce que nous étions alors. Je dis parfois à Denis qu’il m’a trompée sur la marchandise : j'ai épousé un intellectuel, portant nœud papillon et fanatique de bridge; me voilà la fidèle compagne d'un homme des bois!

Mais ce que nous sommes devenus, nous le devons aussi à l’autre. Denis m’a justement donné l’assurance dont je manquais dans ma jeunesse pour revendiquer mon autonomie, ou, prétend-il, il m'aurait dévêtue de la fragilité que je feignais pour l'émouvoir, en même temps qu'il laissait s'écailler son propre vernis. Au-delà des apparences nécessaires à la séduction initiale, j’ai découvert chez Denis, et en profondeur, de nouvelles et sans doute de meilleures raisons de l’aimer. Il en a été certainement de même pour lui lorsqu’il a insisté pour que, après 20 ans de vie commune, nous renouvelions nos engagements devant le prêtre qui nous avait mariés.

Il me semble ainsi que ma fidélité réside dans ce difficile équilibre, toujours menacé, entre le respect de l’évolution de mon mari et la recherche, jamais terminée, de ma propre identité.

Monique :

J’ai été mariée pendant 22 ans et je suis divorcée depuis 21 ans. Je ne me suis pas remariée, non par conviction religieuse, mais simplement parce que l’occasion ne s’en est pas présentée… Je pense cependant que, même si j’en avais eu la possibilité, je n’aurais pas pour autant demandé l’annulation de mon mariage, pour me mettre « en règle » avec l’Église. J’aurais en effet, si je le faisais, le sentiment de renier ce que nous avons accompli ensemble, mon ex-mari et moi, durant nos 22 années de mariage. Nous avons vécu pas mal de choses durant cette période : nous avons émigré au Québec, nous avons dû nous adapter à un nouvel environnement, nous avons lutté contre la maladie, les difficultés conjugales, nous nous sommes maintes fois disputés et réconciliés… Mais ce que nous avons réussi le mieux, c’est d’avoir donné naissance à nos trois enfants et de les avoir élevés! Et nous continuons encore à nous soucier d’eux, maintenant qu’ils sont adultes et qu’ils ont eux-mêmes des enfants. Nous en parlons assez régulièrement ensemble et nous nous sentons concernés par ce qui leur arrive et par la relation qu’ils continuent à entretenir avec chacun d’entre nous. Nous ne sommes effectivement plus des conjoints, mais nous continuons d’être des « co-parents » coresponsables!… Et j’estime que ce serait renier ce vécu commun que de demander l’annulation de mon mariage pour pouvoir me remarier « religieusement »… Je reproche d’ailleurs à mon Église de condamner  les divorcés remariés, comme s’ils étaient de grands pécheurs, alors qu’elle pardonne à ceux qui commettent des « crimes » bien plus graves. Je lui reproche aussi de ne pas accompagner les personnes lors d’une séparation, événement qui se révèle douloureux pour toute la famille… Certes, j’aurais aimé qu’il en fût autrement et je me réjouis pour les couples qui vivent ensemble depuis 30, 40 ou 50 ans… tout en ressentant un pincement au cœur pour ce qui aurait pu être et ne s’est malheureusement pas produit… J’estime donc que ce refus de renier ce qui a été (et ce qui continue d’être d’une autre manière) est une sorte de fidélité à notre union, à l’engagement contracté il y a 43 ans maintenant…

Trois formes de fidélité, trois façons de la vivre en fonction des situations et des circonstances de la vie... Si l’on posait la même question à Jésus aujourd’hui, il est vraisemblable qu’il donnerait la même réponse… mais il ne condamnerait certainement pas les conjoints qui se séparent.et qui se remarient. L’épisode de la femme adultère en est la preuve : « Que celui qui n’a jamais rien fait de mal lui jette la première pierre », dit-il, avant d’ajouter :  « Moi non plus, je ne te condamne pas! »


Intentions de prière

1 – Nous te prions, Seigneur, pour ces couples qui vivent ensemble depuis plusieurs années : que leur union continue d’être une source d’épanouissement et de bonheur pour eux et pour ceux qui les entourent.

2 – Nous te prions, Seigneur, pour ces personnes qui vivent une séparation difficile : qu’elles trouvent du support autrour d’elles et sortent grandies de l’épreuve.

3 – Nous te prions, Seigneur, pour notre Église : qu’elle ne condamne pas ceux et celles qui vivent une seconde union, mais qu’elle les aide plutôt à en faire un chemin de vie.

4 – Nous te prions enfin pour chacun, chacune d’entre nous : donne-nous la force de rester fidèles à nos engagements.


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