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Le Bon Pasteur

7 mai 2006
4e Dimanche du temps pascal (Année B)

Jean-Claude Breton

Je dois vous faire une confidence au début de cette homélie : il me fait plaisir d’avoir à préparer une homélie du temps pascal qui part du portrait du bon pasteur plutôt que d’un récit d’apparition de Jésus. Pour parler de la résurrection, de Jésus ou éventuellement de la nôtre, on part en effet très souvent de ces récits d’apparition qui essaient de nous donner une idée de ce qui se passe après la mort. Comme si la résurrection offerte par Jésus ne concernait que la vie après la mort et n’avait pas d’importance ni de signification pour notre vie actuelle. Avec le portrait du bon pasteur, on est encore du bon côté du gazon, comme me disait un ami et cela nous invite à comprendre la pâque de Jésus dans sa signification pour notre aujourd’hui.Le bon pasteur

Mais vous m’objecterez tout de suite que je fais fausse route et que le récit du bon pasteur n’a pas été conçu pour nous instruire sur la résurrection, mais pour nous montrer comment Jésus s’occupe de chacun et chacune d’entre nous. À la limite, ce récit n’a rien à voir avec la pâque de Jésus et je me trompe sérieusement en voulant y découvrir un peu de ce que signifie ressusciter pour nous.

À mon tour, de formuler une objection à cette lecture et de faire remarquer que le récit de ce matin se termine avec les propos de Jésus sur le don de sa vie. Le bon pasteur est celui qui donne sa vie pour ses brebis et Jésus de continuer en ajoutant que  « sa vie personne ne la lui enlève, mais que c’est lui qui l’offre librement ». Il me semble que nous sommes bien au cœur du mystère pascal, au cœur de cet échange merveilleux où Jésus offre sa vie terrestre pour accéder, et nous faire accéder à une vie qui ne passe plus.

Dans ce contexte, il me semble que nous sommes autorisés à comprendre le récit du bon pasteur comme un récit authentiquement pascal, qui nous dit quelque chose de particulier sur le sens de ce qui est arrivé à Jésus dans sa mort  résurrection. Le bon pasteur œuvre en effet pour un troupeau tout à fait terrestre. C’est dans notre monde que son action se passe et cela nous le comprenons, que nous ayons vu ou pas des pasteurs dans notre vie. L’image parle d’elle-même et il n’est pas nécessaire d’avoir connu personnellement l’attachement d’un pasteur pour ses brebis pour comprendre ce que cela peut signifier.

Cet attachement du pasteur pour ses brebis n’est toutefois pas que l’écho d’un cours qu’on aurait pu entendre à l’école vétérinaire de Saint-Hyacinthe. Parce que ce récit parle aussi des raisons pour lesquelles le bon pasteur donne sa vie, des raisons pour lesquelles Jésus a offert sa vie pour nous, l’attachement du bon pasteur pour ses brebis nous dit aussi que la résurrection apportée par Jésus concerne notre vie actuelle, notre vie de tous les jours.

J’aurais le goût d’illustrer cela à même le récit de guérison lu dans les Actes des apôtres, ce matin. Quand Pierre est amené à s’expliquer pour son geste de guérison à l’égard d’un paralytique, il se contente de dire qu’il a fait cela au nom du Christ ressuscité. En d’autres mots, Pierre dit à sa manière qu’un des fruits de la résurrection de Jésus est de lui permettre aujourd’hui de guérir quelqu’un qui est de ce côté ci de la mort. On peut difficilement dire plus clairement que les fruits de la résurrection de Jésus sont déjà à notre disposition dans notre vie terrestre et qu’ils ne concernent pas que la vie après la mort.

Comment se fait-il alors que cela ne soit pas plus visible et que l’on continue de penser à la résurrection comme d’une réalité d’après la mort? Serait-ce que nous avons de la difficulté à nous convaincre que Jésus nous a donné accès à cette vie qui ne passe plus? Serait-ce que nous n’osons pas accueillir cette vie offerte pas Jésus, que nos yeux sont fermés à sa fécondité et que nous préférons tout remettre après la mort? Serait-ce finalement que nous faisons obstacle au travail de cette vie dans la nôtre et que nous refusons de vivre en ressuscités?

C’est Nietzsche, je crois, qui a dit qu’il n’y a eu qu’un vrai chrétien dans l’histoire et qu’il en est mort. En admettant que le philosophe allemand avait le don pour les formules percutantes et qu’il ne craignait pas de provoquer par ses affirmations fracassantes, on peut retenir de sa phrase une invitation à nous interroger sur la conviction que nous mettons à vivre de la vie offerte dans et par la résurrection de Jésus. Qu’est-ce que nous attendons pour faire une place à la résurrection dans notre vie?

Et je ne suis pas le seul à suggérer que la résurrection devrait déjà porter des fruits dans notre vie de tous les jours. L’évangéliste Jean le dit ailleurs et encore plus clairement que dans le récit de ce matin. L’apôtre Paul affirme de son côté : « Ressuscités, vous l’êtes déjà… »

Peut-être faudrait-il nous remettre à réfléchir sur le portrait du bon pasteur. Il nous apparaîtrait sans doute plus clairement qu’un pasteur qui va jusqu’à donner sa vie pour ses brebis doit bien le faire pour leur communiquer quelque chose qui en vaut la peine. En sortant un peu des images idylliques du pasteur qui porte son petit mouton sur ses épaules comme Brigitte Bardot rêve de porter un bébé phoque, en pensant davantage au don de sa vie que le bon pasteur consent de faire, serions-nous plus à même de comprendre que Jésus nous donne déjà accès à une vie sans fin, à sa vie?

Cela n’est pas évident et il y a tellement d’événements et de circonstances qui donnent à notre vie un goût de mort qu’il n’est pas facile de nous convaincre que nous sommes déjà ressuscités. N’est-ce pas oublier que pour Jésus le chemin de la résurrection est passé par la mort et que dans notre cas aussi la résurrection s’accompagne de cette réalité. Contrairement aux propos de certains curés qui, dans leurs homélies de funérailles, effacent du revers de la main la réalité de la mort « qui a été anéantie par la résurrection », il nous faut découvrir notre état de ressuscités dans notre vie mortelle. La résurrection n’est pas un raccourci pour éviter la mort, mais l’ouverture à une vie féconde au-delà de la mort. En tout cas, c’est la conviction qui semble être celle du bon pasteur qui donne sa vie pour que ses brebis vivent en abondance…


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