Pourquoi Saint-Albert
Chaque dimanche ou presque, je participe aux
célébrations
de notre communauté chrétienne de St-Albert-le-Grand. J’y
communie, mais je dois bien reconnaître qu’il s’agit
là trop souvent d’un geste au mieux respectueux et au pire
machinal. À la queue leu leu, nous venons recevoir le pain sans
nécessairement partager après coup ce que nous avons ressenti
(ou pas ressenti). Une sorte de respect humain ou un excès
de discrétion m’empêchent de partager le
bonheur que nous avons eu de participer à une eucharistie vivante.
Les enfants sont moins « coincés » que nous
lorsqu’ils nous font part des temps forts de leur propre célébration.
J’aime St-Albert parce que je sens que nous sommes heureux de nous
rassembler chaque dimanche; nous nous sentons réellement proches
les uns des autres, nous prenons parfois un verre dans l’église à l’issue
de la célébration, les enfants sont au cœur de
la fête, nous échangeons des nouvelles, nous prenons connaissance
des différentes possibilités d’engagement social ou
politique, en un mot nous avons le sentiment de faire partie d’une
véritable communauté, tout imparfaite soit-elle. Il faut
signaler, à ce propos, l’abus de vocabulaire que constituent
les appellations du type « communauté chrétienne
de St-X…» alors que la plupart des paroisses actuelles sont
tout sauf une communauté. Il faut arrêter de jouer sur les
mots.
À St-Albert, ces rassemblements du dimanche sont partie intégrante
d’une célébration qui, en d’autres lieux, aurait à mes
yeux beaucoup moins de sens. C’est souvent le cas d’autres
paroisses où je ne me sens guère enclin à m’ouvrir à mon
voisin. Nous nous y plaçons les uns à côté des autres,
mais nous ne sommes pas réellement rassemblés, à la différence
d’un stade ou d’une salle de théâtre qui parfois amènent
les spectateurs à se sentir unis et solidaires. C’est la raison
pour laquelle je n’ai nulle envie d’assister à une messe,
privée de cette dimension communautaire qui seule peut assurer une
dimension universelle à ma foi.
Si je me suis peu à peu dégagé de la vieille et traditionnelle
obligation d’assister tous les dimanches à une messe traditionnelle,
c’est pour faire le choix délibéré de
participer, en communion avec beaucoup d’autres, à une célébration
tant communautaire que personnelle et non pas pour me contenter d’assister à un
rituel plus ou moins anonyme . Lorsque je ne leur suis pas fidèle
ou pour toute autre raison, ces rendez-vous du dimanche
me manquent, même si les distractions de toutes sortes l’emportent
souvent sur le recueillement, même si les gestes machinaux
côtoient des temps de ressourcement. Mais cela n’est pas si
grave, car ces partages en assemblée ne se limitent pas à la
célébration proprement dite et lorsque je m’attarde à penser à ce
que j’ai pu vivre au cours de la célébration, il me
semble que la messe se prolonge tout au long de la semaine et ma
pensée ne quitte pas ceux et celles que j’ai rencontrés
le dimanche. Je les imagine aux prises avec leurs peines ou leurs joies,
j’essaie de deviner ce qu’ils vivent dans leur tête et
dans leur cœur; ils m’apportent force et courage et,
chacun à sa façon, constitue l’embryon de la communauté que
nous tentons de former. Dans la vie quotidienne, je me sens oppressé par
beaucoup de souffrances autour de moi, et ces souffrances, je suis sûr
qu’elles étreignent également les cœurs et
les âmes de la famille de St-Albert. Il y a aussi les joies,
bien sûr, grandes et petites, mais il y a surtout le besoin d’être
compris, d’être accompagné, consolé même.
Je sens que chaque dimanche, l’Évangile des Béatitudes,
en alternance avec celui de l’enfant prodigue, pourrait être
le nôtre; nous pourrions nous en nourrir, nous en repaître
même, car notre fragilité est aussi grande que notre espérance.
Ils sont nombreux ceux qui ont faim et soif de justice, ceux que la vie
n’a pas ménagés. J’en côtoie régulièrement,
et il m’arrive fréquemment de me sentir l’un d’entre
eux.
St-Albert hors-les-murs peut alors poursuivre sa mission communautaire
et être ce lieu de paix et de sérénité qui
se prolonge et s’amplifie après les célébrations,
nous rendant ainsi plus proches et solidaires les uns des autres.
Hubert
de Ravinel