Ainsi s’en va la vie
À vous que j'accompagne dans les derniers temps de votre vie,
vous qui cherchez le sens de la vie, des pertes et des souffrances,
vous qui scrutez l'horizon pour savoir où va votre vie, j'offre
mon cheminement.
Ainsi s'en va la vie de la Voie Lactée, pleine de vie avec ses
cent milliards d'étoiles.
Que de vie ! Et pourtant dans notre galaxie errent actuellement dix milliards
d'étoiles éteintes, ayant terminé leur voyage cosmique.
C'est la vie.
Ainsi s'en va la vie de notre étoile lumineuse, le soleil, qui
d'un rayon d'un million de kilomètres passera dans cinq milliards
d'années à un rayon d'environ mille kilomètres, pas
plus grand que la lune. C'est la vie.
Ainsi s'en va la vie de notre cerveau
dont les douze milliards de neurones ont besoin du sommeil de chaque nuit
pour que la pensée retrouve
sa clarté dans la lumière du jour, pour que les sens soient
régénérés et retrouvent leur acuité,
mais ils s’éteignent progressivement avec des pertes jusqu'au
grand repos de la dernière nuit. C'est la vie.
Ainsi s'en va la vie
de notre corps toujours en quête de rénovation
par des activités physiques et une bonne alimentation pour garder
en santé ses soixante milliards de cellules. Mais graduellement
elles vieillissent, s'épuisent, perdent leur élasticité et
meurent. C'est la vie.
Ainsi s'en va la vie sur terre, dans les mers et
dans les airs où des
milliers de grandes et grosses espèces animales luttent depuis le
début de leur règne pour assurer leur domination. Mais elles
disparaissent pour laisser tout l'espace à des espèces de
plus en plus petites. C'est la vie.
Ainsi s'en va la vie pour les innombrables
insectes qui font leur tour de piste et partent, parfois sans être estimés à leur
juste valeur, considérés comme une nuisance. C'est la vie.
Ainsi
s'en va la vie pour les multitudes de fleurs. Une courte vie, surtout pour
les fleurs d'un jour, pour dire leur beauté. Une existence
de solitude pour les fleurs du désert, cherchant leur utilité dans
ce sol aride. C'est la vie.
Et ainsi s'en va la vie des hommes et des femmes
que j'accompagne, ballotés
dans le tourbillon de la vie cosmique et planétaire, dans la vie
qui s'en va.
Alors, quel sens, quelle direction prend la vie au moment où elle
atteint son point final ou plutôt son point d'arrivée ? Elle
se dirige là où tout commence pleinement, là où une
indéfectible liberté nous définit. Enfin libres !
Et
c'est cela mourir dans ce grand mouvement cosmique, affranchis que nous
sommes des pertes, des maladies et des souffrances. Ce mourir pour vivre
est déjà commencé en chaque être humain
dans ses luttes pour la liberté, la paix, la justice et l'amour.
Ainsi
donc filent les étoiles, le soleil, les neurones, les cellules,
les animaux, les fleurs. Ainsi filent les êtres humains vers la galaxie
de la liberté.
Ainsi s'en va la vie ! Ainsi s'en vient la vie !
François
Lapierre
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