C'était en 1967. Marlene et moi revenions de France après un séjour de deux ans. J'y avais fait un stage post doctoral au laboratoire de physique théorique de l'école normale. Marlene, elle, avait beaucoup aimé ce séjour : elle y avait lancé dans la vie nos fils Pierre et Philippe.
Au retour, à l'occasion d'un colloque, Paul Lemaire (dominicain) nous propose de nous inscrire à Vie Nouvelle, mouvement inspiré du personnalisme communautaire d'Emmanuel Mounier. À Vie Nouvelle, nous rencontrons Yves Gosselin, dominicain, qui faisait partie de notre petit groupe.
À l'époque, nous allions à la messe au Centre Communautaire de l'Université de Montréal. Un jour Yves nous propose de faire partie d'un groupe de chrétiens qui allaient démarrer une communauté de base.
Pour fonder cette petite communauté, Yves emmène ses amis, André Gignac en emmène quelques-uns et finalement Guy, tu emmènes les tiens. Alors une vingtaine de jeunes chrétiens et trois dominicains se lancent dans cette aventure. Au moment de la création de cette petite communauté, nous étions, Marlene et moi, les seuls à avoir des enfants ; c'est dire que nous étions tous jeunes.
Rapidement, des liens se créent parmi les membres de la communauté de base.
Nous t'y avons connu avec André et Yves comme des amis et cette amitié avait une telle solidité que plusieurs années après, nous nous sentions très près de vous.
À l'occasion d'un week-end, nous avons posé les fondations de notre communauté. Trois lignes de force, élection de deux animateurs (un dominicain et un laïc). Yves Gosselin et Louis Rousseau furent élus. Par la suite, toi et André, vous nous avez quittés pour laisser Yves plus libre d'exercer son leadership.
Cela a eu pour conséquence que nous avons alors un peu perdu le contact avec toi et André.
Après quelques années, les membres de la petite communauté décidèrent que l'expérience était terminée.
Alors, nous avons décidé de nous joindre à la communauté chrétienne de Saint-Albert. À ce moment, André Gignac nous avait malheureusement quittés, mais nous t'y avons retrouvé : un bonheur.
Pendant ces quelque quarante ans, nous avons tissé des liens avec toi. Nous avons eu le bonheur de t'avoir souvent avec nous pour nos célébrations dans notre famille.
À l'Université, tu étais professeur à la Faculté de Théologie et j'étais professeur au Département de physique. Nous nous sommes souvent croisés aux réunions de l'Assemblée Universitaire dont nous étions tous deux membres.
Il y a quelques années tu nous invitais, Marlene et moi, à participer à la création du Centre Culturel Chrétien de Montréal. Tu y jouas le rôle de bougie d'allumage, souvent de façon discrète.
À plusieurs occasions, nous avons abordé différents problèmes de la vie avec toi et nous avons toujours été enrichis d'écouter ce que tu avais à nous dire. Nous pouvions aussi nous confier à toi avec confiance, sachant que tu avais une écoute intelligente et accueillante.
Quand nous avons décidé de célébrer nos cinquante ans de mariage dans le cadre de la Communauté Saint-Albert, tu as accepté avec plaisir de présider cette célébration (avec le père Benoît Lacroix). Voici le texte que tu avais prononcé à la fin de cette célébration :
« Marlene et Jean Robert, je veux vous dire combien nous sommes heureux de célébrer avec vous vos noces d’or. Quand on vous regarde, on reste avec l’impression que vous paraissez encore si jeunes, qu’on se croirait plutôt au temps de vos noces d’argent. Mais la réalité est là : il y a bien cinquante ans que vous vivez ensemble, surtout quand je regarde vos enfants et vos petits-enfants. La vie fut bonne pour vous et votre famille. Cela se voit et ça s’entend.
D’abord, je tiens à vous remercier d’avoir choisi d’ouvrir, avec votre famille et vos ami/es, la célébration de vos noces d’or dans la Communauté chrétienne Saint-Albert-le-Grand à laquelle vous participez très activement et de toutes sortes de manières, depuis plusieurs années. Depuis un an, vous avez, tous les deux, pensé le sens et la dynamique de cette célébration liturgique. Et vous l’avez, vous-mêmes mise en œuvre. Je suis convaincu que les membres de la communauté sont très heureux de souligner votre présence active parmi nous.
Comme vous l’avez mentionné dans votre prière d’ouverture, cinquante années de vie conjugale, c’est toute une aventure vécue à même les jours de lumière et les jours plus nuageux qui font partie de toute vie. Vous avez semé la vie à travers vos enfants et vos petits-enfants que vous adorez et que vous désirez retrouver souvent où qu'ils soient. Merci pour ce que vous êtes et représentez pour nous.
Je vous souhaite encore de bonnes et nombreuses années de vie commune, la santé, une vieillesse pleine de joie et l’ouverture d’esprit que vous avez toujours manifesté. »
Cher Guy, à chaque fois que tu acceptais une invitation de te joindre
à nous pour une fête ou pour un simple repas,
cela nous procurait toujours un grand plaisir.
Nous avons toujours considéré que tu faisais partie de notre famille.
Quand Monique Gélinas vivait ses derniers jours, toi et Marlene alliez la visiter ensemble. Aux retours de ces visites, dans la voiture de Marlene, tu lui confiais comment tu voyais les derniers moments d'une personne. Marlene en a éprouvé un profond sentiment de reconnaissance pour ta façon d'affronter la mort.
Bien sûr, c'est terminé les parties de badminton pour toi et le squash pour moi, mais nous avons bien profité de la vie, heureusement.
Marlene et moi vivons maintenant ce qu'il est convenu d'appeler la vieillesse et c'est avec une grande tristesse que nous t'avons vu nous quitter. En espérant qu'un jour, dans un autre monde, nous nous reverrons.
Nous avons vécu des années heureuses en te sentant toujours près de nous. Ça nous fait chaud au cœur de te savoir encore, d'une certaine manière, pas très loin de nous-deux.
Jean-Robert