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« DÉFIS À LA MISSION DU TROISIÈME MILLÉNAIRE »

« Voulez-vous comprendre la mission actuelle des disciples de Jésus dans le monde d’aujourd’hui ? » C’est à partir de cette question que le site Web des Missionnaires de la Consolata (1) présente le livre « Défis à la mission du troisième millénaire ». Ce livre écrit par leur confrère Jean Paré, de l’Université Urbanienne de Rome, a été achevé d’imprimer à Montréal en 2002. Iris Diffusion, les Éditions Paulines et Médiaspaul en font la distribution.

Il s’agit d’un essai interdisciplinaire sur le renouveau dont la mission a encore besoin pour se comprendre et s’arrimer au profond changement humanitaire en cours. Tout au long de la recherche l’hypothèse de départ est constamment rappelée, à savoir que « l’humanité est en train de vivre un changement de paradigme. » (2) Ce sont précisément les indices ou symptômes de ce changement que l’auteur analyse ici, tenant compte d’un grand nombre d’autres chercheurs scientifiques, philosophiques, sociologiques et inter-religieux. Cette analyse des signes des temps veut déboucher sur la perception d’un « visage nouveau pour la mission ». La difficulté rencontrée, de l’aveu de l’auteur, « n’est pas la lecture de ces signes, ce n’est pas non plus leur compréhension. et leur interprétation, c’est leur articulation avec la mission… reconnaître les conséquences que cela a dans notre conception et dans notre pratique de la mission. » (3)

Tout au long de sa recherche, l’auteur ne quittera pas ces deux pôles : les indices de changement de vision du monde et leurs effets sur la mission. Il ne prétend pas trouver réponse à tout, cependant le lecteur-disciple, quant à lui, se voit offert une opportunité d’approcher davantage les racines des questions qu’il rencontre dans l’expérience de sa mission. Le contenu du livre s’organise donc autour de ces pôles en ayant soin de consacrer les 50 premières pages au paradigme missionnaire généralement admis depuis 1850 et comment il fut modifié ou non par la réflexion du Concile Vatican II.

   PARADIGME ADMIS ET QUESTIONNÉ

Parmi les caractéristiques détaillées en cette première partie, relevons par exemples celles-ci « qu’aller en mission, c’était presque toujours aller auprès de peuplades dites primitives pour leur apporter aussi les bienfaits de la civilisation, et, par civilisation, on entendait celle de l’Occident ; souvent des colons accompagnaient les missionnaires. Les missionnaires étaient des prêtres, des religieuses et des religieux, faisant partie de l’Église enseignante. » (4) Il est possible de remarquer depuis les quelques décennies d’après concile qu’au contraire  « tous les disciples de Jésus sont missionnaires, y compris les laïques et qu’on ne doit pas réduire la définition des missions à des territoires géographiques, mais la présenter comme cette œuvre de l’Église pour annoncer l’Évangile et pour établir des communautés chrétiennes. » (5)

Dans le contexte de la fin d’un millénaire, Jean Paré a observé les lendemains conciliaires à travers trois textes principaux du magistère. D’abord, l’Évangélisation dans le monde moderne avec Paul VI en 1975, où se trouvait démasqué le compromis entre la proclamation de l’Évangile et celle de l’Occident. Ensuite, la lettre encyclique de Jean-Paul II, La Mission du Christ Rédempteur en 1991, « marquait une avancée sur les trois points suivants : La description des rapports entre le Royaume de Dieu, l’Église et la mission, l’importance qu’il attribue au dialogue interreligieux et en ce qui concerne l’animation missionnaire reliée à la coopération missionnaire. » (6) Dans la même foulée, l’année suivante, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux en collaboration avec la Congrégation pour l’Évangélisation des peuples publiait son document « Dialogue et Annonce » qui proposait le dialogue interreligieux comme l’activité missionnaire à privilégier. Jean Paré exprime son avis qu’il s’agit là « d’un des documents romains qui manifestent le plus l’influence déjà existante du nouveau paradigme sur la théologie de l’Église catholique romaine. » (7)

Pour terminer cette première partie, l’auteur résume, avec le théologien David J. Bosch, la nouvelle conception de « la » mission avec ses incidences sur la pratique « des » ministères variés au sein des groupes humains les plus divers. Dans ce paradigme, « la mission, c’est d’abord la mission de Dieu » où Jésus de Nazareth a un rôle essentiel, où tout le peuple de Dieu est missionnaire, où l’Église, comme une communion d’Églises particulières, joue un rôle déterminant. Si la pratique n’a pas progressé au même rythme que le discours, l’auteur est d’avis que la cause en est à la profondeur du changement que le monde était en train de vivre. En conséquences, c’est ce qu’il va observer en deuxième partie.

                            ÉLÉMENTS PROVOCATEURS DE CHANGEMENT

Jean Paré jette d’abord un regard du côté des sciences et de la philosophie en tentant d’y discerner des signes et des expérimentations qui ont provoqué ou provoquent toujours le « vieux paradigme » où « la science était déterministe, matérialiste, réductionniste et réaliste. » (8) Après une intéressante exploration de découvertes et prises de consciences, l’auteur en dégage cinq traits caractéristiques qui sont devenues des clés qui l’accompagnent tout au long de son analyse :

  • « La science ne pourra jamais décrire toute la réalité. Il y a une place pour

le mystère. » 2. « La réalité n’est pas un tout composé de ses parties … elle

forme un tout dans son ensemble et à tous ses niveaux. La vision holistique du

monde s’impose sur toute conception réductionniste, substantialiste ou fonda-

tionniste de la réalité … Ce n’est que dans la complémentarité que nous nous

approchons de la réalité. » 3. « La réalité étant à la fois matière et plus que

matière, il y a encore place pour un long parcours de découvertes. » 4. « La

réalité est aussi totalement changeante. » 5. « Les changements du monde

n’obéissent pas toujours à des lois éternelles et immuables que la science

réussirait à formuler. » (9)

De ces caractéristiques du changement en cours, l’auteur pointe déjà des conséquences théologiques inévitables. D’abord, les concepts de révélation, de religion et de gestion des organisations sont à revisiter. Dans un tel contexte, où tout dualisme est exclus, Dieu lui-même est à redécouvrir ainsi que le salut à resituer. Enfin, Jean Paré montre « comment le nouveau paradigme ouvre à une nouvelle conception de la création. » Reprenant l’expression de Jean-Paul II, quand il a parlé de « diaconie de la vérité », il décrit aussi quelques conditions pour un ministère de la culture qu’il considère devenir pour demain une « dimension essentielle de la mission. » (10) Un ministère s’exerçant dans une approche interactive, interdépendante et dialogale.

Après ce dépaysement scientifique, Jean Paré a entrepris d’examiner les phénomènes ou évolutions importantes en douze domaines différents, (pour autant de chapitres) celui des religions, des cultures avec leur diversité et changement perpétuel, des valeurs de l’urbanisation, de la nouvelle culture médiatique, des axes principaux du continuum de la vie, d’une nouvelle éthique sexuelle, du politique, des démocraties, de l’économie, du néolibéralisme, de mondialisation et d’écologie. Pour l’espace offert ici, il serait trop considérable de rendre compte de chacun de ces chapitres, mais nous nous attarderons succinctement aux deux derniers reliés à l’économie :

                            Apport d’une mondialisation interpellante et interpellée.

Au-delà des définitions des économistes sur la mondialisation/globalisation et l’apport des théologiens avec l’expression d’universalité, l’auteur parcourt des phénomènes de la mondialisation à travers l’expérience des gens où, affirme-t-il, « rien n’est totalement négatif, rien n’est tout à fait positif, le bien et le mal s’entremêlent toujours. » (11) En effet, le vécu cité dans le Rapport sur le développement publié par les nations Unies en 1995, démontrerait comment les résultats de la mondialisation oscillent entre un apport pour plus d’unité dans le monde et une contribution à l’augmentation de la division et de la fragmentation. Des propositions du Groupe de Lisbonne, Jean Paré y dégage quatre contrats en protection des effets les plus destructeurs de la mondialisation. Ce sont « le contrat des besoins de base, le contrat culturel, le contrat de la démocratie et le contrat de la terre. » (12) Les attitudes correspondantes à ces contrats formeraient « les éléments clés de ce que nous entendons par travailler ensemble à l’établissement d’un contrat mondial et à l’avènement d’un gouvernement mondial de type coopératif. » (12) Le chapitre se termine avec des conditions proposées à l’Église si elle veut être un signe et un instrument d’universalité pour l’humanité qui ferait ce choix. « Humilité, dialogue, capacité de coopération et forte identité, ce sont les caractéristiques nécessaires à la mission de demain. » (14)

                            Nouvelle relation avec l’environnement et la nature.

Un certain nombre de faits pourraient nous amener à nous demander si nous n’allons pas tout droit vers un désastre planétaire. En même temps, d’autres indices semblent militer pour une spiritualité écologique. Ces faits, ces indices, Jean Paré en explore quelques uns à partir des analyses de la Déclaration et du Programme des Nations Unies pour le développement. En effet, une réflexion courageuse et pratique est engagée en plusieurs instances pour contrer les conséquences catastrophiques de la mauvaise gestion de la terre. Trois aspects du néolibéralisme causeraient le disfonctionnement de notre manière de produire et de consommer, à savoir : «  L’absurdité de l’objectif de croissance à l’infini, le mythe du marché autorégulateur et l’irrationalité de l’externalisation des coûts environnementaux. » (15) Dans la foulée de cette prise de conscience, le Directeur du programme des Nations Unies propose une évaluation détaillée des diverses dimensions de l’écologie pour terminer en affirmant que le débat éthique n’a pas encore réellement commencé. En commentant, Jean Paré suggère que cette interpellation s’adresserait directement aux « personnes qui sont expertes en philosophie, en religion et en spiritualité » et qu’il y aurait là une piste obligée pour une mission de « service que nous devons rendre au monde que nous avons oublié. » (16) Sur cette lancée, l’auteur propose, avec d’autres collègues, six valeurs impliquées dans les choix environnementaux. Il s’agit de « la durabilité, l’équité et la suffisance, la frugalité, la biodiversité, la capacité d’entrer en relation et à s’adapter et finalement l’humilité. » (17) Enfin, en relation avec l’Esprit qui remplit l’univers, l’auteur élabore trois étapes que comprendrait une spiritualité écologique : une éco-contemplation, une éco-théologie et un éco-engagement.

                        TRAITS D’UN NOUVEAU VISAGE POUR LA MISSION

L’auteur fait d’abord un premier tour d’horizon autour de cinq anciennes catégories de la missiologie confrontée au paradigme émergeant. Par contraste donc et premièrement, « les missionnaires ne seront pas envoyés par une religion ou par une Église, » mais étant tous considérés comme des envoyés de Dieu, ils suivront le mouvement de l’humanité qui avance vers de nouveaux horizons et accepteront « d’accompagner l’humanité dans sa quête d’un plus être. » (18) Deuxièmement, l’Évangile que le missionnaire annoncera ne sera pas un ensemble de croyances, mais « avant tout une nouvelle expérience humaine, une nouvelle manière de vivre, » (19) vécue et proposée par Jésus de Nazareth et toujours en mouvement. Troisièmement et en conséquence, l’humanité reconnaîtra qu’elle n’a jamais atteint l’objet de sa quête spirituelle, car la réalité des valeurs du Royaume recherché est toujours au-delà de la pratique. Quatrièmement, d’une interprétation honnête de la réalité, une vision holistique s’impose et porte ses conséquences sur l’action du missionnaire. Elle ne doit pas demeurer cantonnée dans les dimensions théologiques, liturgiques et éthiques, mais « viser l’amélioration de toutes les dimensions de la réalité. » (20) Cinquièmement, « le missionnaire n’a pas à se déplacer pour aller vers des païens, des infidèles ou des non-chrétiens, » puisque « la frontière entre le bien et le mal ne passe pas entre nous et les païens, entre nous et les infidèles, entre nous et les non-chrétiens, cette frontière passe en nous. » (21)

Jean Paré lance ensuite un débat autour de dix aspects précis et constituants du nouveau paradigme. Il s’agit de la pluralité des religions, de l’institutionnalisation des religions, de l’ouverture de la Révélation, de la Vérité devenue historique, sociale et linguistique, de l’expérience comme fondement des théologies et des discours religieux, du Salut compris à travers une nouvelle relation au mal, d’une unicité non-réduite à l’exclusivité et impliquant l’égalité.

Il s’agit aussi de l’universalité du christianisme dont les visions sont rendues suspectes aujourd’hui, parce que très liées à l’occidentalisation. Sur la même lancée que les théologiens protestants, James E. Engel et William A. Dyrness, Jean envisage « que le mouvement de la mission nouvelle suive un cheminement semblable (à celui de Paul) et qu’elle parte de toutes les régions qui aujourd’hui sont périphériques à la politique et à l’économie mondiales et qu’elle se rende jusque dans les centres actuels du pouvoir. » (22) L’auteur note aussi cette proposition des mêmes chercheurs, à savoir que « le meilleur modèle pour concevoir cette mission qui émerge en même temps que la postmodernité, est celui de multiples centres d’influence qui constituent un réseau d’échanges et de supports mutuels. » (23) Au lieu de parler d’universalité, il conviendra donc de parler de complémentarité.

Il s’agit enfin de la participation de tous et des manières de vivre la mission de Jésus de Nazareth, qui s’est toujours voulue inclusive et participative. « Les communautés missionnaires doivent aussi engager le dialogue non seulement entre elles, mais aussi avec tous les groupes humains, avec toutes les philosophies et visions du monde, avec toutes les cultures, avec toutes les religions et spiritualités, même avec celles et ceux qui n’en ont pas ou qui leur sont opposés … Aujourd’hui la mission doit être conversation et collaboration globales. » (24)

                                         CONTRIBUTION PERTINENTE DE CE LIVRE

Écrit dans le cadre d’un semestre de cours universitaires, ce livre peut inviter à poursuivre la recherche systhématique, tout en constituant déjà une somme considérable de références utiles pour une meilleure compréhension des remises en question actuelles. La diversité des phénomènes généraux observés peut apporter une vue d’ensemble utile à la personne engagée dans un domaine particulier.

À un niveau plus personnel, le lecteur attentif est dans l’occasion de découvrir la part de l’ancien et du nouveau paradigme qui est la sienne. Si ce lecteur est en même temps impliqué avec plusieurs personnes de plusieurs milieux, il percevra sans doute plus facilement les différents paradigmes en présence. Il pourra plus facilement interpréter cette réalité comme étant une situation idéale pour l’ouverture, le respect, la simplicité et l’humilité dans un dialogue intervisionnel. Par exemples : Les situations de familles interculturelles et interreligieuses, les projets en faveur de la paix vécus au sein de groupes interreligieux, l’effort de partage de « spiritualité au quotidien » vécu en groupes intergénérationnels, l’effort généralisé de renouveau pastoral vécu en groupes ecclésiaux nouveaux.

En tant que sœur missionnaire de l’Immaculée-Conception et de surcroît impliquée dans ce ministère de l’animation missionnaire en plusieurs régions du Québec, ce livre m’apporte un éclairage face aux défis humains et pastoraux que je rencontre régulièrement. Deux remarques sont susceptibles d’intéresser les animateurs et animatrices missionnaires. La première est située à l’occasion de l’étude de l’encyclique de Jean-Paul II, en 1990. L’auteur relève que « pour la première fois dans un document officiel apparaît l’expression « animation missionnaire », (25) qu’il définit comme « un ensemble de services et de ministères qui sont rendus avec les objectifs de sensibiliser les fidèles à leur devoir de collaborer à la mission. » (26) À son tour, l’auteur n’accomplit-il pas une première en mentionnant des cours d’animation missionnaire offerts par lui-même sur trois continents ? (27)

PAULINE BOILARD, M.I.C.

(1) www.consolata.qc.ca/servicesofferts/livres

(2) Paré, Jean  Défis à la mission,  pp. 63.311.                         (14) IBID.,  P. 297.

(3) Ibid.,  p. 313.                                                                        (15) Ibid.,  p. 301-302.

(4) Ibid.,  p. 12.                                                                        (16) Ibid.,  p. 303.

(5) Ibid.,  p. 24.                                                                        (17) Ibid.,  p. 305.

(6) Ibid.,  p. 54.                                                                        (18 et 19) Ibid.,  p. 314.

(7) Ibid.,  p. 57.                                                                        (20) Ibid.,  p. 316.

(8) Ibid.,  p. 63.                                                                        (21) Ibid.,  p. 317.

(9) Ibid.,  p. 75-76.                                                                        (22) Ibid.,  p. 351.

(10) Ibid.,  p. 80-81.                                                                        (23 et 24)  Ibid.,  p. 352.

(11) Ibid.,  p. 290.                                                                        (25) Ibid.,  p. 56.

(12) Ibid.,  p. 294.                                                                        (26) Ibid.,  p. 47.

(13) Ibid.,  p. 295.                                                                        (27) Ibid.,  p. 289.

 


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