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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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  La compassion, détecteur de prochain

Raymond Latour


Dt 30, 10-14 Col 1, 15-20 Lc 10, 25-37  

       Durant les vacances estivales, plusieurs personnes choisissent d’aller à l’étranger. La situation qui règne dans des pays assez lointains ne nous est pas toujours familière, aussi, le gouvernement canadien publie-t-il quelques recommandations en fonction des dangers qu’une destination ou l’autre peut représenter. À l’époque de Jésus, la route de Jérusalem à Jéricho était assez périlleuse. Les voyageurs risquaient de tomber aux mains de brigands, comme en fait foi l’évangile du jour. Un itinéraire à éviter, du moins il aurait été prudent de ne pas s’y aventurer seul.             
      Au pays, une destination semble attirer un bon nombre de touristes. Ces jours derniers, le téléjournal nous présentait ces masses de glace, les « icebergs » qui dérivent au large de Terre-Neuve. Leur formation remonte à des milliers d’années. Ce spectacle est devenu une grande attraction au fil des ans. Il y a de quoi impressionner, même si leur nombre ou leur grosseur viennent encore nourrir les préoccupations quant aux changements climatiques. Le reportage ne manquait pas non plus de rappeler le naufrage du Titanic qui, tragiquement, n’avait pu contourner un iceberg qui se trouvait sur sa trajectoire.       
      L’Évangile nous met en état d’alerte quant au prochain. Il n’est pas toujours signalé ou annoncé. Il peut se trouver à tout moment sur notre chemin. Il n’est jamais une catastrophe appréhendée, mais il importe de bien détecter sa présence. Toutefois, le voir ne suffit pas, il faut encore s’en approcher. Le risque serait de s’en écarter. Quel risque ? Celui de passer à côté de sa propre humanité. Sérieux naufrage.  
La parabole qui veut illustrer l’amour du prochain nous présente d’abord deux personnages reliés au monde religieux, un prêtre et un lévite. Pour ne pas rencontrer le prochain qui se présentait à eux comme un obstacle, ils ont décidé de passer tout droit. On s’attendait à mieux de leur part ! Le blessé n’était pas sur leur radar ! Voilà qu’un Samaritain s’amène. Va-t-il aussi changer de trottoir ? Non, il s’approche de l’homme laissé pour mort et lui prodigue tous les soins. Il l’a vu et est devenu son prochain.           
      C’est la rencontre avec un docteur de la loi qui a provoqué ce récit imagé. Notre homme connaissait la Loi et était résolu à tendre un piège à Jésus en lui soumettant cette question : « que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? ». Au premier abord, on comprend mal en quoi cette question pouvait mettre Jésus à l’épreuve. Peut-être n’y avait-il qu’une seule réponse autorisée, par exemple, se conformer à la Loi en tous points. Les deux s’entendent sur le double commandement de l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Rien à redire. Mais le scribe ne lâche pas sa proie et lui demande « Et qui est mon prochain ? » Question extrêmement pointue : pour un docteur de la loi, le prochain entre dans des catégories bien définies, qui n’ont rien de flottantes. L’étranger, le païen, le Samaritain et les pécheurs publics en sont exclus. Quiconque s’en approcherait perdrait sa sainteté, sa justice. Toute la parabole consiste à mettre de l’avant un « non-prochain » pour répondre à la question « qui est mon prochain ? » Jésus a le sens des retournements. L’histoire ne dit pas si le docteur de la loi a finalement réussi à aligner son paquebot conceptuel sur le prochain en chair et en os.   
Ne nous occupons pas trop de celui-là, ni des deux autres. Pourquoi le Samaritain a-t-il été bon ? Parce qu’il disposait de cet instrument précieux, la parole de Dieu, tout près de lui, dans son cœur. Parce qu’il était doté d’un détecteur de prochain qui s’appelle « compassion ». C’est elle qui donne de voir et d’agir, même quand aucun appel à l’aide ne parvient à nos oreilles. La compassion n’est pas qu’un sentiment. Elle informe le cœur pour lui désigner une priorité absolue qui peut bousculer tous nos plans, y compris des projets de vacances. Elle nous remue pour mettre nos forces au service d’une personne en situation de détresse, peu importe qui elle est : elle n’a pas à démontrer sa dignité.                 
      Ignorer le blessé, le laissé pour compte, le prochain virtuel, n’est que la pointe de l’iceberg qui révèle les profondeurs d’un cœur de glace. Jésus a voulu démontrer que l’amour véritable ne connaissait ni frontière, ni critères d’acceptabilité. Le seul partage d’une commune humanité suffit. Le docteur de la Loi était invité à découvrir et l’amour, et le prochain, pour ainsi comprendre qu’on ne peut pas passer à côté de l’amour du prochain. C’est le Samaritain qui lui administrait la leçon et lui donnait le moyen d’éviter le naufrage, d’avoir la vie éternelle.  
« Va, et toi aussi, fais de même. » En avant toute !