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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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Aux amis de la paix

Raymond Latour


Is 66, 10-14c    Ga 6, 14-18   Lc 10, 1-12. 17-20    

  

   Nous nous affligeons de ces guerres qui sévissent actuellement entre la Russie et l’Ukraine, Israël et le Hamas et quelques autres points chauds sur la planète. Selon une étude norvégienne publiée le mois dernier, en 2024, la planète a connu le nombre de conflits armés le plus élevé depuis 1946, dépassant l’année record de 2023. La plupart des gens peuvent mentionner deux ou trois de ces zones de combat, assez médiatisées. En 2024, on répertoriait 61 conflits répartis dans 36 pays, l’Afrique étant le continent le plus touché. On y dénombre 28 conflits. Notre monde, observe-t-on, est de plus en plus violent et fragmenté. Les règles du droit international sont souvent bafouées mettant en danger les populations civiles. Comment expliquer cette prolifération, alors que partout les victimes directes et indirectes s’additionnent, que des pays dévastés prendront des décennies à se reconstruire, que des espoirs seront brisés à jamais ?            
      Les conflits déferlent sur notre planète, et nous entendons aujourd’hui cette parole de Dieu par le prophète Isaïe qui annonce une paix qui « coule comme un fleuve », « comme un torrent débordant ». Dieu offre sa paix de façon généreuse, impétueuse. Elle sortirait en cascades de son cœur. Et pourtant, selon l’étude mentionnée de l’Institut de la recherche sur la paix à Oslo, la paix ne gagne pas de terrain, bien au contraire, c’est la guerre qui agrandit son territoire.       

                 
                 
Alors, faut-il conclure que les humains n’en veulent pas de cette paix ? Le psalmiste disait déjà : « Mon âme a trop vécu parmi des gens qui haïssent la paix. Si je parle de paix, eux sont pour la guerre » (Psaume 120,6-7).          
Le cœur humain est vraiment insondable. Pourquoi les gens qui aiment la paix sur cette planète sont-ils mis en échec ? Encore récemment, les pays de l’OTAN soumis à la pression américaine ont résolu de cibler à 5 pourcents du produit intérieur brut (PIB) leurs dépenses militaires. L’actuelle configuration géopolitique n’augure rien de bon pour des pays en situation vulnérable. Les ressources naturelles seront également de plus en plus convoitées et les appétits des grandes puissances vont toujours grandissants. Les politiques isolationnistes et/ou populistes ne sont pas de nature à favoriser les échanges diplomatiques. Par ailleurs, les risques planétaires liés aux changements climatiques vont encore exacerber les mouvements migratoires. Rien en vue pour diminuer les tensions. Jusqu’où ira notre logique destructrice et meurtrière ?              
L’Église, avec la notion de guerre juste, a longtemps toléré que les êtres humains aient recours aux armes pour se défendre contre un agresseur et diverses circonstances qui justifieraient ce type de réponse. Toutefois, plus récemment, elle a plutôt promu la non-violence ou la défense de la vie, une sorte « d’anti-guerre ». Léon XIII et Benoît XV ont qualifié la guerre de « fléau » et de « massacre inutile ». Vatican II est allé plus loin avec Gaudium et spes pour qui « tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation ». Cette déclaration constitue la seule condamnation explicite du Concile qui invitait à préparer le jour où « toute guerre pourra être absolument interdite ».
Dans cet esprit, le pape François s’était fait l’apôtre de la non-violence. C’est lui qui, en 2016, disait : « Jamais le nom de Dieu ne peut justifier la violence », et encore : « seule la paix est sainte, pas la guerre ». En fonction de l’évolution récente de la pensée sur le sujet, il ne serait pas étonnant que Léon XIV publie une encyclique sur la non-violence, plus de 60 ans après « Pacem in Terris » de Jean XXIII, pour établir une politique de la paix, comme François a pu le faire pour l’environnement.                                  
L’instauration d’une culture de la paix, c’est l’appel incessant de notre Dieu qui retentit à nouveau dans notre assemblée. Nos petits conflits personnels sont un indice de la difficulté à réaliser ce rêve à l’échelle planétaire, mais c’est une mission à laquelle nous ne pouvons renoncer : malgré nos propres contradictions, dire non à la violence, non à la guerre, non aux armes, quitte à désamorcer tous ces mécanismes logés en nos cœurs. La non-violence est aussi un style de vie à pratiquer à petite échelle. Nous ne sommes pas dans la tactique mais dans le commandement de l’amour du prochain. Seules les armes de la non-violence peuvent contribuer au désarmement.

                 
                 
Les disciples-missionnaires envoyés par Jésus n’avaient pas un long discours à retenir. Les paroles de leur prédication étaient déjà prescrites : vous direz « Paix à cette maison ». Pas de menace. Pas d’appel à la conversion. Une bénédiction. Accompagnée d’une annonce : « Le Règne de Dieu est proche ! ». Une annonce à prendre ou à laisser. La Bonne Nouvelle n’est pas une vente sous pression. Pas de contrainte. La réponse déterminera à qui on a affaire : l’ami de la paix lui fera bon accueil.                 
La paix sera une composante essentielle de ce Règne à venir, et déjà-là, dans nos maisons qui ont résolu d’y abriter ce don de Dieu. Au moment de se quitter, le président de l’assemblée invite à « aller dans la paix du Christ ». Ce message imprègne toute notre célébration aujourd’hui. Il n’a peut-être pas une saveur estivale, mais c’est dans ce climat que Dieu souhaite que nos passions nos jours, été comme hiver.