CCSA






Communauté chrétienne St-Albert le Grand





Exultant de joie

Troisième dimanche de l'Avent

Raymond Latour  

So 3, 14-18a         Ph 4, 4-7            Lc 3, 10-18   
     
 

                     Aujourd’hui, dimanche de la joie, dimanche rose ! Si par hasard, quelqu’un complètement étranger à notre foi, s’avisait de prendre part à notre rassemblement, quelle serait sa réaction ? Cette personne pourrait penser que les chrétiens et chrétiennes ont résolu de mettre leurs lunettes roses pour colorer le gris de l’existence, que de façon un peu volontariste, ils accrochent un sourire comme on mettrait une boule de Noël dans le sapin.
Mais entre nous, qu’est-ce que c’est que cette joie que nous affichons au cœur de l’Avent? Cette expression de notre espérance n’est pas un déni des réalités de ce monde, mais de l’extérieur, elle pourrait être vue comme une provocation. On nous dira : « y a pas de quoi se réjouir ! ». Il faudrait avoir une joie discrète, le moins publique possible, éviter d’en faire étalage.   
Au contraire, la liturgie du jour, toutes lectures confondues, commande à des gens qui ne vont pas très bien d’être dans la joie, de se réjouir de ce qui n’est pas encore là et qui viendra. C’est une Bonne Nouvelle pour tous! Sophonie justement s’adresse aux pauvres, à ceux-là qui ne se sentiraient pas concernés, pour les convier à la fête. Dit autrement, Sophonie avait en tête le « petit reste d’Israël » dont le cœur avait été purifié par les épreuves nationales. Pour le prophète, ce petit reste ayant redécouvert son Dieu, vivrait désormais dans sa joie. Sophonie invite le peuple à chasser toute crainte. Les sentences ont été levées. Cela semble définitif : « tu n’auras plus à craindre le malheur », assure le prophète. Il annonce une présence actuelle qui sera vécue dans une joie mutuelle entre Dieu et son peuple. Un amour partagé. Une fête d’alliance.               
                  Normalement, la joie est liée au moment présent. Une réalité intervient et nous cause un certain bonheur. Parfois, l’événement a un tel retentissement que nous voulons le célébrer par une fête. Quelle serait l’intention de la liturgie en nous invitant à la joie avant même le jour de fête pour lequel nous nous préparons ?               
                 
Le premier dimanche de l’Avent nous faisait l’impératif de relever la tête. C’était le point de départ d’une démarche d’endurance, de persévérance, de patience et de résilience. L’espérance difficile. Difficile à porter. Mais inséparable de l’espérance joyeuse qui nous soutient jusqu’au jour où les promesses sont comblées, les attentes réalisées. Dieu attend avec nous.   
                  Les trois groupes de gens venus à Jean Baptiste avaient  peut-être compris qu’une démarche toute formaliste ne suffirait pas. « Que devons-nous faire ? », demandent-ils à Jean. Ce dernier leur répond en fonction de ses propres convictions selon lesquelles l’apparition du Messie sera aussi la manifestation de la justice de Dieu. Il exige donc de chacun, selon sa situation, d’éviter le mal et de faire le bien, aussi simple que cela ! Il n’y a pas à se casser la tête pour savoir ce que Dieu réclame de nous. Jean le Baptiste fait une réponse typiquement prophétique qui ressemble à celle d’un Michée, ou d’un Amos : aimer la miséricorde, rechercher la justice. Chacun doit se restreindre pour ne pas abuser de son pouvoir ou de son autorité. Ils doivent au contraire disposer de cette force pour le soutien des gens de leur entourage. Plutôt que d’accaparer les richesses, les partager. Pour Jean, ce qui importe, c’est la juste relation à l’autre. Aucune démarche formelle ne peut en dispenser, même pas le baptême qu’il administre et qui sera surpassé par celui qui doit venir. Cette exigence de justice fera bientôt place à un message encore plus radical de la part de Jésus avec son commandement : « Aimez-vous les uns les autres ».  
Des joies, nous avons peut-être le bonheur d’en avoir plusieurs. Comme des pierres qui nous permettraient d’enjamber des ruisseaux. Éphémères, passagères, peut-être, mais qui nous aident à vivre. La joie, au singulier, venue de Dieu et qui soulève de l’intérieur, c’est autre chose. C’est un état de joie qui fait retentir cette vérité inouïe que proclamait Sophonie : « le Seigneur est en toi ». La joie nous confirme que, quelles que soient les difficultés, nous sommes sur la voie de l’espérance, la Bonne Nouvelle qui, à la fois, nous précède et nous accompagne. Un jour, joie et espérance se dissocieront. Il n’y aura plus que la joie. C’est l’espérance qui nous y aura acheminés, en nous faisant goûter déjà le bonheur qui nous est promis.              
D’ici là, en bon prophète, Jean Baptiste nous invite nous aussi à vivre en cohérence avec l’espérance qui nous anime. Les actions que nous posons seront un indice de l’accueil de la présence de Dieu au milieu de nous. Ainsi, notre joie ne sera pas confondue avec un enthousiasme religieux fanatique. Une joie authentique est vraiment communicative, un don qui se donne. Notre monde en a bien besoin !