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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





L’espérance : un acte de résistance

Premier dimanche de l'Avent

Raymond Latour  

Jr 33, 14-161 Th 3, 12 – 4,2Lc 21, 25-28. 34-36
     
 

      Il faut avoir un certain cran aujourd’hui pour parler d’espérance. Inutile de plomber l’atmosphère en décrivant la morosité ambiante : rares sont les gens qui se diraient satisfaits de l’état du monde, et le plus grand nombre serait aussi à la peine de détecter des signes encourageants vers un avenir meilleur. « Voici venir des jours »…  
Oserions-nous un discours d’espérance si le temps de l’Avent ne nous en faisait pas la commande ? À entendre la proclamation de l’évangile du jour, l’espérance chrétienne est bel et bien un acte de résistance, un appel à la résilience, qui n’a d’autre motif que Dieu et ses promesses, d’autre appui que sa puissance de salut manifestée dans le passé, d’autre assurance que cette fidélité indéfectible à travers les âges et aussi pour les temps à venir.          
      Nous qui marchons peut-être un peu la tête penchée, les épaules courbées, dans un monde que l’on décrit à tort ou à raison comme « désemparé », dans une époque que l’on dit « troublée », le temps de l’Avent nous invite à nous convertir à l’espérance, à nous ressaisir : « Redressez-vous ! Relevez la tête !»         
Cela serait déjà un geste de courage… Pourquoi baissons-nous la tête sinon pour ne pas voir certaines réalités trop dérangeantes, déstabilisantes, inquiétantes, redoutables. Que verrions-nous en redressant la tête ? Autant la garder baissée comme pour se protéger de je ne sais quelle menace. Parce que l’espérance est aussi un passage parfois difficile à emprunter pour qui craint de recevoir des coups, pour qui n’attend rien qui vaille et demande seulement que sa situation n’aille pas en empirant.  
           
« Redressez-vous ! Relevez la tête ! » C’est Jésus Christ, notre espérance qui ordonne de sortir d’un double abaissement. Sa voix qui retentit, c’est celle de l’espérance. Elle qui n’a pas le pouvoir de donner dans l’immédiat la paix et la sécurité nous commande de nous redresser. Elle, cette pauvre petite espérance, comme dirait Péguy, elle qui paraît si fragile, nous demande de réclamer notre dignité, de relever la tête ! Ne connaît-elle pas toutes ces peurs qui nous habitent et nous paralysent ? Quel front elle a, quelle audace elle a, cette petite espérance, pour parler avec une telle autorité aux populations d’Ukraine, de Haïti, du Moyen-Orient, de toutes les zones de pauvreté et de guerre. Elle s’adresse aussi aux enfants pour qu’ils voient grand et aux femmes qui, en certains milieux, se font infantiliser. Elle aborde aussi les sans-abris, les malades. Elle se tourne vers tous les désemparés de la terre : « Redressez-vous et relevez la tête ! ».      
Et que verrons-nous en relevant la tête ? Le salut, oui, mais pas tout à fait. Le salut est « proche », nous assure l’évangile. Il n’est pas là, nous concède-t-on, mais il est proche. Absence et proximité… c’est l’inconfortable état d’espérance ! Nous caressons des espoirs, ces biens auxquels nous aspirons et qui sont à courte portée, à notre mesure. Mais l’espérance, c’est autre chose, une affaire d’endurance, de persévérance, de patience et de résilience… un mot pour chaque dimanche de l’Avent ! Et aucun d’eux ne tiendrait sans la confiance que nous misons en Dieu, et la joie qui témoigne de l’accomplissement de ses promesses.   Puisqu’il s’agit des promesses de Dieu, nous pouvons vivre au présent comme si nous étions déjà en possession de ce que nous attendons. Avec la venue de Jésus, il y a plus qu’un début de réalisation. L’espérance qu’il nous donne ne saurait faillir. Elle ne déçoit pas.    
L’espérance pose un défi au réalisme, au monde comme il est. Elle nous amène aussi à être réalistes envers nous-mêmes, à avoir la sagesse de ne pas compter sur nos propres forces ou celles des puissances de ce monde.
Nous nous dirigeons vers la fête de la Nativité du Seigneur, l’accueil de la nouveauté de Dieu et de son absolue gratuité. L’Avent, c’est la période où notre désir tente de s’ajuster à celui de Dieu, où nos petits espoirs cèdent la place à la grande espérance qui a été mise en nos cœurs. La lumière progressive que nous recevrons au long de cette saison liturgique nous invite à tendre toujours plus vers celle qui nous comble et qui s’est manifestée en Jésus Christ.          
       Saint Paul nous rappelle que l’intensité de notre amour est un bon indice de notre degré de préparation à la venue définitive que nous attendons. C’est par cet amour que nous nourrissons l’espérance, que nous faisons développer le germe de justice déjà semé par la naissance de Jésus et appelé à emplir la terre.    
       « Redressez-vous et relevez la tête ! ». Être debout, maintenant. C’est un travail d’espérance, jusqu’au jour où nous nous tiendrons debout devant le Fils de l’homme. Quittons la mentalité victimaire, abandonnons le fatalisme, renonçons à la résignation. Entrons dans ce temps de l’Avent, entrons en résistance à tout ce qui voudrait faire taire la voix de l’espérance, elle qui ne dit jamais « à quoi bon ? », elle qui avec douceur nous secoue pour que nous restions éveillés au rêve de Dieu.