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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





Dimanche de Pâques

Bruno Demers

Il vit et il crut

C’était le premier jour de la semaine, de grand matin pour Marie-Madeleine… Notre récit de Pâques commence par cette notation temporelle qui évoque un autre récit, lui aussi, situé à un moment décisif : Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Les premiers chrétiens nous présentent l’événement de la résurrection en rapport avec, rien de moins, que la création du monde par Dieu au début de la Genèse. Oui, la résurrection a été vite comprise comme le début d’une création nouvelle.
           
Autre notation importante de notre récit de ce matin : les deux réactions contrastées de Pierre et de l’autre disciple. Tous les deux courent. À l’entrée du tombeau, l’autre disciple s’arrête et laisse à Pierre, celui qui deviendra le chef des apôtres, le privilège d’entrer le premier. Pierre voit les linges posés à plat, mais sans plus. L’autre disciple se décide enfin à entrer. Lui aussi constate les linges bien places mais lui « Il vit et il crut. » Comment se fait-il que ce dernier croit et non pas Pierre? Le seul élément que nous fournit le texte est cette précision donnée un peu avant : celui que Jésus aimait. Comme pour nous dire que, pour découvrir le ressuscité, il est nécessaire d’aimer. Nous avons donc ici deux notations pour nous faire entrer dans le mystère de la résurrection : la nouvelle création et l’amour.      
           
Nous le savons, la première création est imparfaite, elle recèle une énigme. La nature peut présenter de magnifiques paysages. Les quatre saisons ont chacune leurs beautés. Mais cette première création est depuis toujours sous le signe de l’incomplétude, de la souffrance et donc, des larmes. Depuis longtemps, les humains disent non à cet aspect de la création avec une folle espérance. Nous attendons une métamorphose, c’est-à-dire un ciel nouveau et une terre nouvelle, une création neuve où il n’y aura plus ni pleurs, ni cris, ni tristesse.
           
C’est sur l’arrière-plan de cette attente que se comprend le mystère de la Croix et de la Résurrection que nous avons célébré ces derniers jours. Nous avons re-vécu les derniers instants d’une vie consacrée à annoncer et à faire advenir le Royaume de Dieu. Un Royaume qui cherche à s’établir, non pas par la violence mais plutôt par l’amour, la patience, le pardon. Face à l’adversité rencontrée, Jésus est resté fidèle à sa mission jusqu’au bout, sans jamais utiliser la force, le dénigrement, la manipulation.       
           
C’est cet agir que Dieu a approuvé en ressuscitant Jésus. La Pâques que nous célébrons n’est pas seulement la simple succession d’une mort et d’une résurrection. Elle est le passage, le dynamisme d’une mort qui fleurit en résurrection. La Croix est déjà glorieuse parce qu’elle est la manifestation suprême de l’amour de Dieu pour nous, le don de sa vie. Si Dieu a choisi le mystère de la Croix pour répondre aux insuffisances de la première création, c’est parce qu’il a opté pour la discrétion en nous laissant de la place.       
           
Nous n’avons pas à attendre de Dieu des signes et des prodiges qui métamorphoseraient comme par enchantement le monde ancien en monde nouveau. Le silence du Crucifié, qui meurt victime de la violence des humains, nous renvoie au silence et à la discrétion de Dieu. La toute-puissance du Dieu de Jésus Christ n’est pas celle d’un Seigneur qui triomphe miraculeusement de la violence de l’histoire. C’est la toute-puissance de l’amour qui peut prendre la forme paradoxale de la faiblesse et de l’humilité.
           
L’ultime vérité du mystère de Pâques, c’est que la seule réponse à l’excès du mal et de la violence qui marque encore la première création, est l’excès de l’amour qui va jusqu’au don de la vie. Et cet excès d’amour a été ressuscité, approuvé par Dieu, inaugurant ainsi une nouvelle création. Une nouvelle création habitée par l’Esprit du Christ qui continue à travailler le monde par les engagements et les actions de tous les croyants en vue de faire advenir le Royaume de Dieu.   
           
Il vit et il crut. L’autre disciple a compris que Jésus était ressuscité parce qu’il voyait avec les yeux de l’amour. Un de nos grands compositeurs québécois nous a laissé une très belle chanson qui se situe tout-à-fait dans cette perspective : Aujourd’hui, je vois la vie avec les yeux du cœur. J’suis plus sensible à l’invisible. À tout ce qu’il y a à l’intérieur. En cette fête de Pâques, demandons à l’Esprit du Ressuscité de nous aider à voir la vie avec les yeux du cœur pour faire grandir l’amour autour de nous et continuer à faire advenir la nouvelle création.