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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





La Veillée Pascale

André Descôteaux

 

« Qui nous roulera la pierre? »

Question bien pratique que se posent les trois femmes. Elle était grande et lourde. Qui pourra leur donner accès à ce Jésus qu’elles ont vu crucifié, mort et déposé dans ce tombeau? Elles sont quand même courageuses, ces femmes! Alors que, la nuit de la Passion, trois hommes, Pierre, Jacques et Jean ont été incapables de veiller une heure avec Jésus, au matin de la Résurrection, éveillées, très tôt, au lever du soleil, elles prennent la route du tombeau. À la nuit de la mort, succédera un nouveau jour, le jour qu’a fait le Seigneur, jour de fête et jour de joie!    
        
Trois femmes. L’évangéliste les nomme au tout début de notre texte alors qu’il venait de le faire à la fin du rite de l’ensevelissement de Jésus qui précède immédiatement. Une façon pour lui d’insister sur leur présence. C’est donc à des femmes que la Bonne Nouvelle sera adressée en premier ce qui fait dire aux spécialistes de l’Évangile que leur présence doit avoir un fondement historique, car il faut savoir qu’à l’époque le témoignage de femmes n'était jamais retenu. Malheureusement, la pierre du patriarcat viendra, en peu de temps, à bout de la place accordée aux femmes par Jésus dans son ministère.
        
Qui roulera la pierre des esprits et des cœurs de ces femmes?   
        
Leurs cœurs, leurs pensées, leurs conversations sont habitées par les événements douloureux qui se sont passés il y a à peine quelques heures. Celui qu’elles suivaient, celui en qui elles avaient cru et espéré, celui qu’elles avaient aimé, n’est plus. Il est mort. Elles viennent pour compléter les rites funéraires et pour honorer sa dépouille. Qui roulera la pierre?      
        
Premier choc : la pierre est roulée! On ne sait trop comment! Deuxième choc : au lieu de Jésus, elle voit un homme bien mystérieux vêtu de blanc proclamant « Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié? Il est ressuscité : il n’est pas ici ».  Il est ressuscité, littéralement, il a été relevé.
        
Elles sont effrayées. Le messager divin essaie de les rassurer. Mettons-nous à leur place. Oublions les couches de 2000 ans de christianisme! Elles peuvent bien être abasourdies. Heureusement qu’elles le sont : ce ne sont pas des lunatiques, des hystériques qui acceptent n’importe quoi.  
        
À cette annonce, s’ajoute une mission. Se rendre auprès de Pierre et des disciples. Malgré son reniement et, malgré leur fuite, à tous, l’avenir avec ce Jésus ressuscité est possible et ouvert. Qu’ils aillent en Galilée. Le lieu des commencements deviendra le lieu des recommencements. C’est là qu’il les avait choisis, au bord du Lac. C’est là qu’ils avaient commencé à le suivre. Aujourd’hui, c’est encore là qu’ils continueront à le suivre, mais sous un autre mode. Et c’est de là qu’ils devront partir et proclamer le message entendu par les femmes : « Jésus de Nazareth, le Crucifié, il est ressuscité! »    
        
Qui roulera la pierre des esprits et des cœurs des disciples?        
        
Il semblerait que ce ne sera pas les femmes. Elles sortent du tombeau et nous dit Marc « elles s’enfuient, toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne disent rien à personne, car elles avaient peur ». Ce petit verset a tellement scandalisé qu’un auteur a ajouté, vers le début du IIe siècle, une autre finale à l’Évangile de Marc qui a été retenue. Ce verset continue de scandaliser même aujourd’hui au point que le texte officiel de l’Évangile pour cette célébration l’omet! 
        
La panique semble avoir le dernier mot. Pourtant tout a été dit et sera redit. Les disciples qui rencontrent ces femmes se rendront compte que quelque chose s’est passé, mais au lieu d’inventer une histoire pour combler ce qui nous semble un vide, pourquoi ne pas voir dans cette finale, qui n’en est pas une, un appel à écrire notre propre accueil de la bonne nouvelle de la Résurrection?    
        
Comme dit un commentateur : « la dernière page de l’Évangile est faite pour être tournée. Marc a l’audace de la laisser en suspens, avec du blanc, pour nous, pour que notre liberté soit totale d’y inscrire la suite de l’Évangile ». Et encore : « L’épilogue de l’Évangile constitue donc un prologue au travail du lecteur. Là où s’achève le travail du narrateur, celui du lecteur commence en quelque sorte. Il est requis de s’engager, de prendre position ».
        
Qui roulera la pierre de nos esprits et de nos cœurs?   
        
Il n’est pas facile de croire en la Résurrection, surtout devant la force du mal qui ne cesse de causer destruction et mort. La vérité est encore bafouée. Des hommes, des femmes, des enfants meurent encore à cause de la méchanceté humaine.   
        
Il faut être un peu fou pour croire que justement une brèche est survenue, que la pierre du tombeau a été roulée et que le sépulcre de mort et de ténèbres est inondé de la lumière du Ressuscité. La lumière peut être vacillante comme celle de notre cierge pascal, mais elle est appelée à s’étendre comme un grand feu.      
        
Hier soir, je lisais un article sur le cheminement de cinq catéchumènes français qui ont été baptisés, il y a quelques heures. Vous savez que selon le magazine La Vie ils sont, cette année, 7 135 adultes à être baptisés, 1 672 de plus qu’en 2023! Eux aussi poursuivent l’écriture de l’Évangile. Dans les témoignages que j’ai lus, toujours une longue démarche. Une parole qui interroge, qui questionne, qui aiguillonne et qui met en marche. Par exemple, ce père et son fils. Ce dernier à l’âge de 6 ans commence à inonder son père de questions sur Jésus. « Papa, c’est qui Jésus? » « C’est vrai qu’il était le Fils de Dieu? »  Après quelques années, ils sont baptisés ensemble cette nuit! Une autre, une adolescente, vit de grandes amitiés au lycée avec des copines musulmanes. Une d’entre elles lui dit « Tu sais qu’il y a un verset du Coran qui parle de la Bible? » Et c’est parti. Tout ne se fait pas du jour au lendemain. Longue recherche qui se conclut par l’accueil de la Bonne Nouvelle de la Résurrection.  
        
Comme l’évangéliste Marc, croyons que l’Esprit poursuit son œuvre dans le monde et en nous. Chacun des disciples qu’il soit d’hier ou d’aujourd’hui, homme ou femme, doit vivre une conversion : il a peut-être peur, il a peut-être fui, ou encore s’est-il tu. Par la foi, il passe, jour après jour, de la crainte à l’amour, de la fuite à la rencontre et du mutisme au témoignage!  
        
C’est à notre tour d’entendre cette parole « Jésus de Nazareth, le Crucifié, est ressuscité! Allez en Galilée! » C’est à notre tour d’ouvrir notre cœur et notre esprit par la puissance de l’Esprit du Ressuscité et d’ajouter notre page à ce livre de l’Évangile qui débute par ce verset : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, Fils du Dieu vivant! » Frères et sœurs, nous n’en sommes encore qu’au commencement!