Jn 12, 20-33
Jr 31,31-34
He 5, 7-9.
Nous avons commencé le carême, en évoquant l’alliance conclue entre Dieu et Noé. Dieu promettait de ne plus détruire l’humanité. L’arc de la destruction devenait l’arc-en-ciel signe de cette alliance. Le dimanche suivant, Dieu réitérait à Abraham, son alliance : de son fils Isaac, que celui-ci n’avait pas hésité à offrir en sacrifice, naîtrait une grande nation qui sera le peuple de Dieu. Au troisième dimanche, Dieu concluait avec son peuple l’alliance en donnant à Moïse les Tables de la Loi. Dimanche dernier, nous avons vu la terre d’Israël dévastée, la population réduite en esclavage, car nous dit le livre des Chroniques « ils tournaient en dérision les envoyés de Dieu, méprisaient leurs paroles, finalement, il n’y eut plus de remède à la fureur grandissante du Seigneur contre son peuple ». Mais, Dieu, par l’entremise du roi perse Cyrus ramène les survivants des déportés à Jérusalem. Mais, comme toujours, après le retour de l’exil, le mal revint gangréner le comportement du peuple élu.
Aujourd’hui, le prophète Jérémie nous fait part du bilan que Dieu tire de cette longue histoire de fidélités et d’infidélités. Dieu se rend bien compte que quelque chose ne fonctionne pas. Il y va de sa suggestion : une nouvelle alliance. Pour autant, il n’envisage pas de changer le contenu de la Loi en la rendant moins exigeante, plus facile. C’est le cœur même de l’être humain qu’il propose de changer de sorte que la Loi sera inscrite non sur des tables de pierre ou des parchemins, mais dans les cœurs. L’être humain sera transformé du dedans : son vouloir et celui de Dieu connaîtront une complicité intime, comme certains couples qui n’ont pas besoin de se parler longuement pour se comprendre. Le comportement de l’être humain n’obéira plus à la loi du bâton et de la carotte. Cette complicité entre Dieu et l’être humain sera telle que chacun, chacune, du plus petit au plus grand, connaîtra Dieu. Tous et toutes seront des « théodidactes », des enseignés par Dieu lui-même.
Prophétie d’une importance capitale qui constitue un sommet dans l’ensemble du Premier testament. Cette vision de l’Alliance sera reprise par le prophète Ézéchiel, au chapitre trente-sixième : « Je vous prendrai du milieu des nations, je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles. Vous, vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu » (Ez 36, 24-28).
« Voici venir des jours, oracle du Seigneur ». Voici venir des jours où je conclurai une alliance nouvelle. Quand? Voici venir des jours! Ces jours ne sont-ils pas venus avec Jésus qui vit dans l’attente de son heure, de cette fameuse heure dont il parle si souvent? Son heure ne serait-elle pas le moment de l’établissement de cette nouvelle alliance? En effet, cette alliance qui promet un changement radical du cœur de l’être humain, ne se réalise pas par un simple décret, fût-il divin. Elle s’instaure d’abord dans un cœur humain réel : celui de Jésus Nazareth comblé de l’Esprit qui n’a cessé de proclamer la présence d’un Dieu qui veut non seulement maintenir son alliance, mais que celle-ci devienne une noce (rappelez-vous Cana, premier signe de Jésus) où tous et toutes seront en profonde communion avec lui. Malheureusement, pour être vraie, pour être humaine, l’instauration de cette nouvelle alliance devra affronter le mal du cœur humain.
Ainsi, Jésus sera jeté en terre, comme un grain de blé. Il mourra de la haine, de la violence humaine pour que naisse cet être nouveau, cet être humain avec un cœur de chair, cet être humain capable de paix, de pardon, de justice et d’amour. Félix Leclerc chantait : « C’est fou la mort, plus méchant que le vent […] c’est grand la mort, c’est plein de vie dedans ». La mort du Christ, parce que don, est grande, pleine de vie dedans au-delà de tout ce qui est imaginable !
Car c’est dans la profondeur des ténèbres du monde que plonge la lumière du monde; c’est dans les entrailles de la haine et de la vengeance que s’enracinent le pardon et la miséricorde; c’est dans la révolte du cœur humain que se noue l’alliance nouvelle. Oui, c’est l’heure!
Heure où enfin le Christ se révèle en révélant le Père. Heure où Dieu se révèle Père en révélant son Fils. Heure où l’amour éclate : amour du Fils de l’homme qui demeure fidèle à ses frères et à ses sœurs même s’ils le rejettent. Amour du Fils qui accepte, malgré tout ce qui lui en coûte – Père, sauve-moi de cette heure!’ – d’être le signe de l’amour invraisemblable, bouleversant et saisissant de Dieu pour l’humanité. Amour du Père pour son Fils qui le relève d’entre les morts au point d’en faire celui vers lequel toute l’humanité est attirée. Amour du Père pour nous, qui sommes pardonnés au point de devenir dans son Fils Jésus, ses enfants d’adoption, car habités par son Esprit.
Cette alliance nouvelle a été véritablement inaugurée par le Christ dans le don de lui-même. Ses bras étendus dressent pour l’éternité le signe indélébile de cette alliance nouvelle entre Dieu et l’humanité que rien ne pourra détruire. Elle s’enracine dans l’amour du Christ pour son Père et réciproquement. La victoire est telle que « le prince de ce monde, le menteur, est jeté dehors ». Il nous est alors possible de nous engager dans cette nouvelle alliance en prenant, comme le Christ, la route de l’amour, la route du don de soi, la route du prochain. Suivre Jésus qui va nous enseigner comment vivre avec lui et comme lui, pour, avec lui, entrer dans l’alliance nouvelle au point de devenir enfant du Père. « Si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ».