CCSA






Communauté chrétienne St-Albert le Grand





3e Dimanche du Carême

Hubert Doucet

Ex. 20, 1-3.7-8.12-17

  Cor., 1, 22-25

Jean, 2, 13-25

Notre Dieu, est-il celui de Jésus?

Lorsque je préparais l’homélie de ce midi, je suis allé voir les nombreux exemples qu’on retrouve sur Internet. J’ai été étonné de constater que de multiples homélistes avaient orienté leur présentation sur la question suivante : puisque la colère est un péché, Jésus s’était-il vraiment mis en colère? Cette petite recherche m’a laissé sur ma faim, au contraire de la belle discussion que nous avions eue dans le groupe de préparation de la célébration. Dans notre équipe, nous avions compris que cet événement nous concernait au premier chef. En effet, Jésus nous posait une question : « Qu’avez-vous fait de Dieu? »
Jusqu’à la préparation de cette homélie, j’avais toujours pensé que Jésus avait chassé les vendeurs du Temple dans les derniers jours de sa vie et que cette action forte était un des facteurs qui avaient conduit à son arrestation et à sa mort. À lire l’évangile de Jean, on constate une autre perspective. Selon l’évangéliste, l’événement a lieu au tout début de l’engagement public de Jésus. Quelques jours auparavant, aux noces de Cana,  il avait même dit à sa mère : « Mon heure n’est pas encore venue ». Et voilà qu’à peine une semaine plus tard, en pleine fête de la Pâque dans le Temple à Jérusalem, il affirme vigoureusement : « Ne faites jamais plus de la maison de mon père, une maison de commerce. »     
Après réflexion, je me demande si toute la scène de l’agir de Jésus dans le Temple n’est pas comme son discours inaugural, le lancement public du programme qu’il nous invite à faire nôtre. « Qu’avez-vous fait de Dieu? » Ce n’est pas une colère passagère, une réaction subite sous le coup de la surprise. Non, Jésus proclame l’engagement de sa vie . On sent dans ses paroles beaucoup d’idéalisme, de pureté, mais aussi de souffrance face à ce qu’on a fait de Dieu.      
Et sa critique à ce propos va très loin. Son pessimisme paraît profond. On le voit bien à la toute fin de cet évangile. Relisons les dernières phrases : Pendant la fête de la Pâque, « beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait. Mais Jésus ne leur faisait pas confiance parce qu’il les connaissait et qu’il n’avait besoin de personne pour savoir ce qu’il en est de chacun. » Quel défaitisme concernant l’humanité!          
Et pourtant, le Père envoie son Fils rencontrer l’humanité et vivre avec elle. Pourquoi fait-il cela si l’être humain est si peu fiable? Ne perd-il pas son temps? Il ne me semble pas puisque tout au cours de sa vie, Jésus a rencontré des hommes et des femmes, religieux ou pas, juifs ou païens, dont il a fait l’éloge. Il admirait leur richesse intérieure, leur capacité d’accomplissement dans les conditions concrètes et difficiles de la vie. La beauté intérieure que Jésus découvre chez ces personnes, c’est ce qu’il voudrait voir éclore chez chacun/chacune. Jésus est venu pour rejoindre le désir le plus profond qui est au cœur de toute personne et lui permettre de s’accomplir.           
Faut-il alors donner congé à la religion organisée car elle nous cacherait la vraie présence de Dieu qui est au cœur de nous-mêmes? Je ne crois pas. Jésus lui-même se rendait au Temple de Jérusalem tout en reconnaissant que viendrait un autre temple. Pour Jésus lui-même, la religion a ses faiblesses lorsqu’elle ne favorise pas le désir le plus profond de l'être humain, désir d'accomplissement qui nous met dans une paix et une joie profondes.          
Le thème de départ de la réflexion a été « Quel est notre Dieu? » Après réflexion sur cet évangile, je préciserais la question : « Notre Dieu, est-il celui de Jésus? » Qu’en pensez-vous?