CCSA






Communauté chrétienne St-Albert le Grand





3e Dimanche du Temps Ordinaire
Unité des Chrétiens

André Descôteaux

Mc 1, 14-20

Rm 8, 14-25

«  Les temps sont accomplis  »


Jésus entre en scène. Aujourd’hui, il commence sa prédication. Nous pourrions avoir l’impression qu’il prend le relais après l’incarcération de Jean le Baptiste. Ce dernier arrêté, Jésus serait-il celui qui poursuit sa mission? Pourtant, Jean invitait à se préparer à l’avènement du Royaume alors que Jésus proclame sa proximité.  « Le règne de Dieu est tout proche ». D’ailleurs, comme le dit Jésus lui-même : « les temps sont accomplis ».       
        
Oui, enfin, c’est le temps, le temps tant attendu où la promesse de Dieu se réalise. Dieu se fait proche de son peuple. Il entre dans le temps, dans notre temps. Un commentateur de cet évangile met dans la bouche de Jésus ces paroles. « Le temps est rempli, le moment présent est plein comme un œuf, attention, l’instant est à son comble, à ras bord; si vous saviez comme est pleine la seconde que nous vivons, comme elle est pleine de vie, et pleine de ma vie, comme il nous est possible d’y rejoindre, tout proche, Dieu qui règne, le roi de notre vie, le Roi de toute vie; c’est cela qui la rend pleine. Dieu n’est pas loin de vous, dans un ciel inaccessible. Il est tout proche, si du moins vous lui prêtez attention, si vous lui ouvrez la porte de votre cœur »1 .      
        
Je pourrais poursuivre, le temps est à ce point rempli de l’Esprit de ce Dieu que non seulement nous devenons libres mais enfants de Dieu, pouvant l’appeler en toute vérité « Abba », Père. Le temps est à ce point rempli de l’Esprit que « la création est dans l’attente de la révélation des enfants de Dieu et que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous », comme l’affirme Paul. 
        
Ces paroles de Jésus, ce temps du Royaume ne sont pas soumis à la durée chronologique. L’éternité de Dieu est au cœur de notre temps pour faire de nos vies, aujourd’hui, des commencements. Ce commencement du ministère de Jésus peut devenir commencement de chaque être humain qui s’y ouvre et choisit, comme les premiers disciples qui ont accepté de suivre Jésus.       
        
C’est ainsi que cette parole nous rejoint aujourd’hui même, dans cette eucharistie. Je n’ai pas lu un texte vieux de deux mille ans mais j’ai essayé de proclamer une parole toujours vivante, celle du Christ, celle de celui qui nous rassemble, celle de celui qui nous nourrit de son pain, celle de celui qui nous associe à sa victoire sur la mort. Quand nous acclamons la Parole de Dieu, c’est une parole bien vivante que nous acclamons : la Parole même du Christ ressuscité et présent. Ainsi, ce midi, dans cette liturgie, le commencement du ministère de Jésus devient notre propre commencement et pour parler plus vrai notre recommencement.  Nous sommes comme ces premiers disciples qui ont répondu positivement à l’invitation de Jésus à tout quitter. Ils ont accepté de se mettre à sa suite et d’entreprendre un long voyage avec leur Maître, un voyage, où, chaque jour, ils entendront cette parole toujours nouvelle et découvriront cette plénitude du temps de Dieu immergée dans le leur. De commencement en recommencements.        
        
Si Jésus les choisit, ce n’est pas seulement pour qu’ils soient ses disciples mais, comme il leur dira, pour qu’ils deviennent pêcheurs d’hommes. Ce choix demeure étrange. Pourquoi Jésus n’a-t-il pas choisi des membres de sa communauté de Nazareth? De ses cousins? Ou encore des gens du bâtiment comme lui? Et ils étaient nombreux, car Hérode faisait reconstruire Sepphoris à quelques kilomètres de Nazareth. Pas de cultivateurs non plus, ni de bergers comme à Noël. Je peux essayer de répondre en observant que Jésus est au bord de la mer. La mer avec son horizon ouvert, son appel au grand large. Le but de Jésus n’est-il pas que la Bonne Nouvelle soit proclamée au-delà des mers? Lui et ses disciples entreprennent un long voyage qui ne sera pas toujours facile. Mieux vaut être des personnes avec le pied marin pour affronter les dangers de la mer, autrement dit, des personnes ne craignant pas les milieux hostiles qu’ils risquent de rencontrer.    
        
Mais le métier de pêcheurs a une caractéristique très importante : la solidarité. Tout d’abord, il n’y a qu’un capitaine à qui il faut obéir. « Sachez que vous n’avez qu’un seul Maître, le Christ », comme dira Jésus un jour à ses disciples. En outre, toutes les manœuvres doivent être coordonnées. Pas de place pour la vedette qui s’amuse à garder la rondelle pour épater la galerie. Tous sont ensemble pour le meilleur et pour le pire. De plus, tout est commun : le bateau, les filets, les outils de travail et même le produit de la pêche. Ne peut-on pas y discerner derrière cette barque une image de cette Église unie autour de son Maître, idéal auquel la semaine de prières pour l’unité ne cesse de nous rappeler?     
        
Une autre caractéristique importante : la grâce. Alors que l’agriculteur voit ses efforts couronnés par une récolte à moins de catastrophes, rien ne garantit au pêcheur le succès. Il peut avoir pêché toute la nuit sans avoir rien pris. Mais, rappelez-vous, après une longue nuit sans avoir rien pris, sur l’ordre de Jésus, les filets sont relancés. La pêche est alors miraculeuse. C’est ainsi que travaillera l’Église « sans aucune assurance de profit, au risque également de l’excès, d’une surabondance ingérable ». La plénitude sera au rendez-vous au moment quelquefois le plus inattendu.    
        
Nous sommes dans l’ordre de la grâce, de cette présence mystérieuse du temps de Dieu dans notre temps qui, même dans les épreuves, permet l’espérance. « Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance. Or, voir ce qu’on espère n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment l’espérer encore? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec persévérance », dit encore saint Paul.   
Espère. Recommence! Jette le filet encore une fois! Comme le dit si admirablement le frère Roger de Taizé : « Qui avance vers Dieu va d’un commencement à un autre commencement. Seras-tu de ceux qui osent dire : Recommence ! Quitte le découragement ! Que ton âme vive »!  
        
Amen.        

1 D’Harmonville, David-Marc. Marc – L’histoire d’un choc