En préparant cette homélie, j’ai appris que c’est au Québec, au 17ième siècle, que la fête de la Sainte Famille s’est d’abord développée avec Mgr de Laval. Il faudra attendre le 20ième siècle, précisément 1920 pour que cette célébration soit étendue à toute l’Église. Le but de cette fête : donner la Sainte Famille en modèle pour que toutes les familles du monde agissent comme Joseph, Marie et Jésus. Un esprit critique aura plaisir à faire remarquer que cette sainte famille ne rentre pas beaucoup dans les normes d’une famille dite régulière. Et cela vaut pour le fils, la mère et le père. En quoi cette famille peut-elle vraiment servir de norme de comportement, d’autant plus que le Nouveau Testament ne dit pas grand-chose de la vie réelle de cette famille?
Je vous propose d’aborder la question autrement. Je ne veux pas discuter en quoi cette famille serait le modèle idéal. Son histoire est trop complexe. Le sujet qui m’intéresse est plutôt : comment cette famille cherche-t-elle à s’accomplir dans la situation concrète qui est la sienne?
La vérité à propos de la situation réelle de cette famille est qu’elle se retrouve sans cesse devant l’imprévu, l’inattendu comme c’est le cas pour bien de nos familles. Et vous pouvez imaginer tous les défis qui peuvent advenir. Joseph, en particulier, ne choisit pas grand-chose : tout le long de sa vie, il a été mis devant le fait accompli. C’est un peu différent pour Marie; à elle au moins, on lui a demandé son avis. Joseph lui, n’a pas eu beaucoup de choix. Et comme dans bien de nos familles, les deux acceptent les événements, ils font face pour rester famille avec l’enfant. Et toute cette situation, comme dans bien de nos histoires de famille, est restée à l’abri des regards indiscrets des gens de ce temps-là, un peu comme le sont « les secrets de famille ».
L’imprévu, c’est aussi ce qu’ont vécu Abraham et Sara. Depuis longtemps, tous les deux se conformaient au plan de vie qu’ils s’étaient vus tracés au début de leur vie de couple. Mais rien ne se passait comme prévu, au point où Abraham avait dû se résoudre à une profonde déception : laisser tout son héritage à un serviteur et non à un fils pour lequel il avait quitté son pays pour suivre la voie que Dieu lui traçait. Et pourtant, Abraham qui était un aventurier et Sara une sceptique tenaient bon, assumant tant bien que mal la réalité qui s’imposaient à eux.
Tous ces personnages qui nous sont présentés dans les textes d’aujourd’hui sont différents les uns des autres. Mais tous font au mieux avec ce que la vie leur envoie. Ils tiennent bon dans leur union parce qu’ils assument tant bien que mal ce qui est imprévu et qu’ils n’ont pas choisi. Cette expérience de l’imprévu, c’est aussi le défi de la plupart de nos familles : maladie d’un enfant ou d’un conjoint, naissance imprévue, difficulté scolaire d’un enfant, tension dans le couple, et j’en passe.
Comment accueillir l’imprévu, le douloureux, comme le dira le vieillard Syméon à Marie? Marie et Joseph étaient étonnés du destin qu’on leur annonçait. Il en va de même pour Sara et Abraham. Nous aussi, il en va de même dans certaines circonstances.
Les différents personnages de l’évangile d’aujourd’hui ont fait face à la dure réalité de la vie et ils l’ont intégrée. C’est qu’ils étaient habités d’une force vitale, celle d’une confiance dans la vie que leur donnait l’amour de Dieu qui était pour eux une puissance dynamique. Je nous souhaite qu’il en soit de même pour nous et nos familles, quelle que soit leur forme.