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Communauté chrétienne St-Albert le Grand




 

 


Jésus, l’Enfant Dieu, naissant dans une mangeoire!

André Descoteaux

Lc 2, 22-35,39-40

Gn 15, 1-6; 21, 1-3

He 11, 8.11-12


En ce Noël, nous célébrons le 800e anniversaire de la première crèche. En effet, on attribue à Saint François d’Assise l’initiative d’avoir créé à Greccio, un petit village du centre de l’Italie, la première crèche. Certains historiens font toutefois remarquer qu’avant saint François, il y avait déjà des représentations de la Nativité par exemple sur les parvis des cathédrales. Quoi qu’il en soit, saint François a certainement contribué à la diffusion de cette belle coutume. Quelle fut cette première crèche? Écoutons le compte-rendu qu’en donne son biographe, Tommasso Da Celano : « Ayant appelé un de ses amis le bienheureux François lui dit : "Si tu veux que nous célébrions le Noël de Jésus à Greccio, précède-moi et prépare ce que je te dis : je voudrais représenter l'enfant né à Bethléem, et voir […] comment il a été couché dans une crèche et comment il s'est couché sur le foin entre le bœuf et l'âne" ». 

C’est ainsi que cet ami trouva une grotte, y déposa du foin, y amena un bœuf et un âne et plaça bien en vue une mangeoire.  Mais où sont Marie, Joseph, les bergers et même l’Enfant Jésus? Eh bien, ils n’y sont pas. Seulement la crèche et les animaux. Plutôt surprenant, n’est-ce pas? Pourquoi? Laissons la parole à son biographe : « Dans cette scène émouvante, la simplicité évangélique brille, la pauvreté est louée, l'humilité est recommandée. Greccio est devenu comme un nouveau Bethléem ».

L’incarnation est certes un sujet d’étonnement. Comment le Dieu tout-puissant a-t-il pu consentir à se faire tout petit? Comment le Très-Haut a-t-il pu devenir le Très-Bas? Comme le dit le pape François, « Celui qui embrase l’Univers a besoin d’être tenu dans les bras. Celui qui a fait le soleil a besoin d’être réchauffé. La tendresse en personne a besoin d’être choyée. L’amour infini a un cœur minuscule, aux faibles battements. La Parole éternelle babille, incapable de parler. Le Pain de vie doit être nourri. Le Créateur du monde est sans demeure. Aujourd’hui tout est renversé : Dieu vient petit dans le monde. Sa grandeur s’offre dans la petitesse ».       

C’est justement cette petitesse, cette pauvreté que saint François veut mettre de l’avant. Jésus ne naît pas dans un palais comme les grands mentionnés par l’évangéliste, Auguste ou Quirinius. Au contraire, Joseph ne trouve qu’une grotte ou une étable pour que Marie y accouche. Jésus naît comme un sans-abri, comme un réfugié dans sa propre terre. Il naît pauvre et le sera toute sa vie. « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête » (Lc 9, 58). Toute sa vie, il ira itinérant, marchant de village en village pour mourir pauvre, nu sur une croix.  François qui a suivi pauvrement le Christ pauvre a voulu que – et je reprends ses mots – « nous voyons avec les yeux du corps les difficultés dans lesquelles Jésus s'est trouvé par manque des choses nécessaires à un nouveau-né ».       

C’est dans cette pauvre crèche que saint François proclamera l’Évangile de la Nativité comme l’a fait ce soir notre frère Daniel. Dans la pauvreté naît le Fils de Dieu!     

Si nos crèches sont bien propres, y compris celle de saint François, on peut imaginer l’état d’une étable ou d’une grotte avec des animaux. Comme disait un de mes oncles cultivateurs « ça devait sentir la vache »! et être pas mal crotté! Qu’à cela ne tienne. Jésus y naît. La crèche avec sa saleté et sa mauvaise odeur n’est-elle pas un symbole de notre monde? « La terre craque, elle est à bout de souffle » avons-nous entendu dans la réflexion du concert avant la messe. Les guerres ne cessent de se multiplier avec leurs horreurs, avec ces innocents assassinés, kidnappés, torturés et avec ces milliers d’enfants périssant sous les bombes. On n’a jamais vu autant de réfugiés! Sans parler, ici, de nos grèves, de nos désarrois personnels, psychologiques des plus petits et aussi des plus grands.    

Notre bonne vieille terre sent mauvais et est crottée! Alors que certains jeunes désespèrent de l’humanité au point de se demander s’ils veulent transmettre la vie, c’est dans ce monde tel qu’il est que naît l’enfant de Bethléem. Comme le rappelle le pape François, « Jésus naît encore dans la mangeoire de l’exclusion et de la pauvreté […] Il naît dans les refuges souterrains pour échapper aux bombardements, sur les trottoirs d’une grande ville, ou au fond d’une embarcation surchargée de migrants ». Oui, Il est le Dieu-avec-nous, pour toujours, dans les souffrances et les douleurs de notre histoire. Il est à nos côtés pour qu’apparaissent les cieux nouveaux et la terre nouvelle non par la force ou en l’imposant par sa puissance et la violence, des méthodes qui nous enferment et nous enfoncent toujours plus profondément dans le cercle vicieux de la haine. Au contraire, il offre à l’humanité un nouveau départ par son amour, sa miséricorde et sa pauvreté. Allons-nous enfin comprendre?

Cela vaut aussi pour nos vies individuelles qui comportent leur racoin nauséabond, crasseux et dégoûtant. Comme il le fera toute sa vie, Jésus n’hésite pas à s’inviter chez les exclus. Rappelez-vous les publicains Matthieu et Zachée, ou encore, Marie-Madeleine, la prostituée. Jésus n’attend pas que nous sentions bon ou que nous soyons bien propres pour se donner à nous. « Il n’y a rien qu’il dédaigne », nous dit le pape François. « Quels que soient nos qualités et nos défauts, les blessures et les échecs du passé, les peurs et les inquiétudes pour l’avenir » il naît, en cette nuit de Noël, pour se faire notre frère et partager notre chemin de vie afin que nous ayons la vie et la vie en plénitude.

Il nous est alors simplement demandé d’ouvrir nos bras et nos cœurs et d’accueillir ce petit enfant pour renaître avec lui. Oublions nos mérites. Oublions nos richesses. Oublions nos courses folles de cadeaux! Accueillons le seul cadeau de Noël qui vaille la joie en cette nuit : être aimé par l’enfant de la crèche.  En sommes-nous capables? Sommes-nous assez humbles pour accueillir l’humilité de l’Enfant Jésus? L’humilité de Dieu? Laissons-nous convertir par sa pauvreté « pour le visiter là où il se trouve : dans les pauvres mangeoires de ce monde? » Est-ce que, comme saint François d’Assise, nous pouvons nous laisser guider par l’amour de ce Dieu pauvre qui nous apporte la véritable paix? Est-ce que nous serons bouleversés comme les habitants de Greccio qui, selon l’histoire, « se sont réjouis d’une joie qu’ils n’avaient jamais goûtée auparavant […] au point qu’ils rentrèrent chez eux remplis d’une joie ineffable »? Qu’après 800 ans, devant notre crèche, il en soit de même pour nous!  Joyeux Noël! Amen.