Vous vous souvenez peut-être de cet évangile du carême qui racontait la guérison de l’aveugle-né que Jésus avait réalisée. Cet aveugle n’avait pas demandé sa guérison; Jésus s’était tout simplement approché de lui, avait posé ses mains sur ses yeux et cet aveugle avait vu pour la première fois de sa vie. Les pharisiens avaient été particulièrement choqués puisque, selon eux, Jésus s’était attribué le pouvoir de Dieu. Dieu ayant créé aveugle cet homme, il fallait absolument respecter l’ordre établi par Dieu. Rendre la vue à cet homme naturellement aveugle était un très grave péché.
Cet événement où l’homme aveugle reçoit le don de la vue, en quelque sorte la grâce d’une toute nouvelle vie, nous révèle qui est Jésus et résume le sens de son engagement. Pour expliquer aux Pharisiens pourquoi il a agi comme il l’a fait, Jésus leur dit qu’il s’est simplement comporté comme l’aurait fait tout berger qui remplit bien sa tâche, i.e. à l’avantage de la bonne vie de ses brebis. De fait, l’évangile d’aujourd’hui est la réponse de Jésus à tous ceux et celles qui se donnent comme tâche de « voler, égorger, détruire » la vie, comme le dit saint Jean. Cette prise de position illustre, d’une part, combien Jésus veut s’engager à notre égard et, d’autre part, comment cette façon d’être et d’agir constitue un véritable défi qui va d’ailleurs lui coûter la vie. Dans le verset qui suit l’évangile d’aujourd’hui, Jésus dit aux pharisiens : « Le bon berger se dépouille corps et âme pour ses brebis. »
Pour les pharisiens, le geste de Jésus à l’égard de l’aveugle-né constitue un véritable scandale, alors que cette action représente plutôt une authentique bénédiction pour cet homme handicapé à qui Jésus enrichit sa capacité de vivre. Cette histoire nous montre qu’avant même sa résurrection, Jésus visait à offrir la vie en abondance à toute personne, quelle que fût sa condition.
Le rappel de cette histoire au cœur même du temps de Pâques met en relief l’invitation que représente la vie de Jésus : nous engager à oser la vie en abondance. La description qu’il fait de son engagement déborde de vie : « Si quelqu’un passe par moi, il rentre et il sort, il trouve un pâturage. […]. Moi je viens pour qu’on vive, qu’on ait la vie en abondance. » Quel engagement de vie !
En terminant, permettez-moi une confidence. Pendant longtemps, l’image du bon pasteur célébré dans notre Église m’attristait. Elle me paraissait toxique; pour vivre, je me faisais un devoir de m’en détacher. La manière de célébrer ici à Saint-Albert nos rencontres dominicales m’a fait découvrir, depuis quelques années, une autre manière de vivre en pâturage. Le thème que l’équipe de préparation a choisi en est un magnifique exemple : Oser la vie en abondance. C’est vraiment réjouissant de découvrir qu’à l’image de Jésus, chacun, chacune est invitée à être berger de l’autre, se donnant totalement pour que l’autre trouve la voie qui lui permet de vivre en vie.