CCSA






Communauté chrétienne St-Albert le Grand





5e Dimanche du Temps Ordinaire

« Être lumière ? »

5 février

Mt 5, 13-16

Is 58, 7-10

 Co 2, 1-5

Martin Lavoie

 

Êtes-vous du genre bec sucré ou bec salé? Préférez-vous la lumière tamisée de l’automne ou la lumière éblouissante de l’été ? Le passage de l'Évangile de Matthieu que nous venons d’entendre se situe au début du discours sur la montagne, aussitôt après les Béatitudes que nous avons entendu dimanche dernier. Matthieu écrit essentiellement pour des chrétiens d'origine juive, et la communauté à laquelle il s'adresse traverse un certain nombre de difficultés, tout particulièrement la question de l'ouverture de la jeune communauté chrétienne aux non-juifs. Pour aider les uns et les autres à cheminer dans ce sens, Matthieu utilise deux courtes métaphores, celle du sel et celle de la lumière.

« Vous êtes le sel de la terre ». Le sel! L’aliment mal aimé de la nutrition dite ‘’santé’’. Et pourtant, certains grands chefs appellent le sel ‘’l’or blanc de la cuisine’’. Moins obsédés que nous le sommes par la santé de nos artères, les anciens n’avaient pas de répulsion à l’égard du sel. Bien au contraire. Voici quelques exemples.

Dans le livre des Nombres, Aaron parle d’une alliance par le sel devant Yahvé, c'est-à-dire une alliance indestructible. Dans le livre du Lévitique, on dit que toutes les offrandes présentées à Dieu doivent être salées avec le sel de l'alliance de ton Dieu. On baignait les nouveau-nés dans de l’eau salée pour leurs garantir une longue vie. Lors de la fête de la Pâque, on présentait un verre d’eau salée et qui représentait les larmes et la sueur des Hébreux lors de leur esclavage en Égypte. Ce sont toutes ces références que les auditeurs de Matthieu, des chrétiens d’origine juive, ont en tête lorsqu’ils entendent Jésus leur dire qu’ils sont le sel de la terre.

Pourquoi Jésus dit-il à tous ceux et celles qui l’écoutent qu’ils sont le sel de la terre? Être sel de la terre, c’est faire sien les Béatitudes, c’est harmoniser sa vie avec les exigences de l’Évangile telles que Jésus vient de les présenter dans les Béatitudes. Mais Jésus veut aussi leur montrer qu’il y aura un ‘’après Jésus’’, un temps où il ne sera plus là et que leur vocation, autrement dit leur manière d’être dans le monde, ne sera plus jamais la même. Ils sont le sel de la terre. Quand nous trouvons que nos plats n’ont pas assez de goût, nous y ajoutons du sel. Les disciples sont ce sel qui donne de la saveur au monde et cette saveur, ce sont les Béatitudes, i.e. cette manière nouvelle de vivre son humanité à la suite de Jésus. En Égypte et en Palestine, il y avait une pratique agricole que les auditeurs de Jésus connaissaient bien. On ajoutait du sel au fumier afin de le rendre plus apte à féconder la terre. Être sel de la terre c’est aussi, par notre présence et notre manière d’être dans le monde, ce qui aide les autres à porter les fruits des Béatitudes, à faire surgir le bonheur là où il ne semble plus possible.

Et Jésus ajoute : « Vous êtes la lumière du monde. Voyant ce que vous faites de bien, les hommes rendront gloire au Père qui est aux cieux. » Les disciples, c’est par leurs actions que la lumière est vue dans le monde, et cette lumière c’est le Christ. Par notre baptême, nous sommes cette lumière que cherchent ceux et celles dont il est question dans les Béatitudes pour que leur pauvreté, leurs larmes, leur soif, leur faim, leur souffrance deviennent lumière et que cette lumière les conduisent au Christ. Est-ce que le mot ‘’parpaillot’’ vous dit quelque chose ? Le parpaillot est d’abord et avant tout un papillon de nuit mais le mot parpaillot était aussi le surnom que l’on donnait aux protestants après l’Édit de Fontainebleau en 1685, une période durant laquelle ils étaient menacés et persécutés. Et pourquoi appelait-on les protestants les parpaillots? Cela faisait allusion au fait qu’on voyait les protestants sortir la nuit pour se rendre à des assemblées clandestines et nocturnes. La nuit tombée, on pouvait voir des files de lanternes clignotant à travers les arbres et tenues par ces fidèles marchant en silence jusqu’à leur lieu de culte. On disait qu’ils étaient comme les papillons de nuit attirés par la lumière, et cette lumière vers laquelle ils se dirigeaient était le Christ présent au cœur de leur assemblée. Je trouve cette histoire très significative. Les chrétiens, dans un monde comme le nôtre, un monde souvent rébarbatif, voire même hostile à la foi chrétienne, sont en quelque sorte des parpaillots, des papillons nocturnes, qui convergent vers LA LUMIÈRE, le Christ.

« Vous êtes le sel de la terre ». « Vous êtes la lumière du monde ». Ces paroles ouvrent la première prédication de Jésus et elles nous donnent immédiatement notre mission qui est d’être sel de la terre, donner du goût à la vie de ceux et celles qui nous entourent. Comme le sel que l’on ajoute dans la nourriture pour en rehausser le goût, nous avons vocation de mettre en valeur ce qui est bon chez l’autre. Claudel disait non sans humour que l’Évangile c’est du sel, et vous en avez fait du sucre. C’est un grave danger qui nous guette tous et toutes. À trop vouloir toujours tout concilier, on devient fade, on perd la force corrosive du sel de l’évangile dans nos vies. Et on passe alors à côté de notre vocation. Comme le disait le pape François : Ne soyons pas des « chrétiens de pâtisserie », mais ayons de la consistance en vivant en harmonie avec ce que nous dit et nous demande l’évangile. Nous avons aussi besoin de lumière parce qu’elle nous permet de voir autour de nous, parce qu’elle nous rend capables de travailler et de faire nos activités. La lumière est bonne pour notre santé. Elle est nécessaire à la vie. Nous avons vocation d’être lumière du monde, i.e. vivre de telle sorte que ceux et celles qui ne connaissent pas le Christ le découvrent avec nous et par nous. « Vous êtes la lumière du monde », dit Jésus. Et il ajoute aussitôt : « Voyant ce que vous faites de bien, les hommes rendront gloire au Père qui est aux cieux ». Nous sommes ainsi dans le droit-fil de la parole du prophète Isaïe que nous avons entendu dans la première lecture : « Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l'aurore…

Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi » (Isaïe 58, 7-8.10). Il est important que cette lumière brille à travers nos paroles et nos œuvres bonnes. Nous avons vocation d’éclairer de la lumière de l’Évangile les espaces d’obscurité de notre monde. Être sel de la terre. Être lumière du monde. Un bien gros programme! Jésus ne nous oblige pas à saler et à briller, mais il dit que ce serait vraiment, mais vraiment dommage pour le monde, pour l’Église, pour nos familles, pour notre communauté chrétienne, si nous ne le faisions pas, ce serait un bien grand gâchis si le sel que nous sommes perdait sa saveur ou si notre lumière ne brillait plus pour personne, comme une lampe sous le boisseau, et que nous laissions le monde souffrir d’une obscurité et d’un manque de saveur. « Vous êtes le sel de la terre ». « Vous êtes la lumière du monde ». Je reprends les mots du pape François et je m’adresse tout particulièrement à nos jeunes du Chemin de foi : Ne soyons pas des « chrétiens de pâtisserie ». Soyez le sel de la terre et la lumière du monde. Nous comptons sur vous.