Joyeux Noël! En fait, j’ai l’impression que pour être politiquement correct j’aurais dû vous souhaiter « Joyeuses Fêtes! ». Il n’en demeure pas moins que, selon le résultat d’un sondage publié dans le Devoir, près de 70 % de la population canadienne préfère le « Joyeux Noël » au « Joyeuses fêtes! »
Quoi qu’il en soit, Joyeux Noël! Toutefois, en y pensant bien, n’est-il pas étrange de se souhaiter un Joyeux Noël? N’est-ce pas un peu redondant? Est-ce que Noël, le Noël chrétien, peut être autre chose que joyeux? La joie éclate partout dans l’Évangile de la naissance de Jésus. Le ciel resplendit de lumière. Les anges annoncent une bonne nouvelle qui sera, disent-ils, une grande joie pour le peuple. Et les anges de chanter la gloire de Dieu comme nous venons de le faire avec emphase! Noël, c’est la joie. D’ailleurs dans le chapitre précédent, Marie, lors de sa rencontre avec sa cousine Élisabeth, s’écrie : « Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon sauveur ».
Nous baignons dans une atmosphère de joie comme celle du couple au moment de la naissance de leur enfant! Nous l’avons chanté 'Un enfant nous est né, un fils nous est donné'! « Sur les habitants du pays de la mort, une lumière a resplendi! Tu as multiplié leur allégresse. Tu as fait éclater leur joie! » En cette nuit, l’imaginable se produit, Dieu nous dit son mot le plus beau : lui-même. Il se donne en nous donnant Jésus, Dieu sauve, l’Emmanuel, Dieu avec nous.
En cette nuit, c’est la Vie, avec un V majuscule, qui s’offre à nous sous les traits d’un petit bébé avec toutes ses promesses. Au début de la célébration, nous avons entendu :
Dieu vit la Création Et se prit d’espérance.
Dieu vit la créature et résolut de naître.
Ayant lancé le monde
Comme on jette le grain,
Dieu vient s’y enfouir
Pour des noces nouvelles.
Entre les bras tendus de Marie.
Voici l’enfant d’éternelle présence.
Jésus vient dans la nuit
Et l’obscur s’illumine,
Et les petits exultent.
Naissance ! Naissance !
Une respiration nouvelle
Un cœur nouveau redonne aux choses La fraîcheur des commencements.
Que de joie ! Mais surtout que d’espérance ! Dieu s’enfouit dans notre monde pour que l’obscur s’illumine. L’enfant d’éternelle présence vient dans la nuit, dans nos nuits pour redonner aux choses un cœur nouveau. Fraîcheur des commencements !
En souhaitant « Joyeux Noël », ne voulons-nous pas partager cette joie qui nous est donnée et tout particulièrement avec ces personnes qui, d’une manière ou d’une autre, vivent une nuit, comme celle du deuil, de la maladie, de l’âge, de la solitude, de la séparation, de l’exil, de la guerre ?
À cet égard, comment ne pas évoquer le peuple ukrainien ? Depuis quelque temps, la Russie ne vise plus des cibles militaires, mais des installations assurant le bien-être de la population. Cette semaine, la Presse + a publié une caricature poignante d’André-Philippe Côté. On voyait le Père Noël, descendu de son traîneau. Il était songeur devant une maison détruite où il ne pouvait passer par la cheminée pour distribuer ses cadeaux. Elle n’était que ruine et recouverte d’un drapeau ukrainien.
Malgré tout, lundi, le maire de Kiev a tenu à procéder à l’illumination d’un sapin de Noël décoré avec de nombreuses colombes. Il a alors prononcé ces paroles : « Les Russes essaient de priver nos citoyens d'une vie normale, mais nous ne leur laisserons pas voler les plus grandes fêtes de nos enfants ». « Ils ne nous voleront pas Noël ». Ils ne nous voleront pas Noël !
Évidemment pour lui, c’est un cri, un cri d’espoir et un cri de résistance, mais qu’il a raison ! « Ne nous laissons pas voler la joie de Noël ! » Parce que Noël, c’est d’abord et avant tout, une présence, un tout petit enfant, fragile qui vient transformer le monde non par la force, la puissance – nous savons trop où cela mène – mais dans la pauvreté, par le partage, le pardon et finalement par l’amour.
À la question, « Comment pouvez-vous éprouver la moindre joie dans cette situation ? », le primat de l’Église gréco-catholique ukrainienne a répondu : « Nous fêterons la joie de Noël, pas celle des hommes, mais celle de Dieu. Il s’agira d’accueillir cette joie qui vient d’ailleurs, et de la partager. Même dans le froid et dans le noir ».
Accueillir la joie de Noël, accueillir l’enfant de l’éternelle présence. Accueillir la joie de Dieu. À travers même nos épreuves se joue une naissance, la gestation des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. Un enfantement se réalise : le nôtre, nous qui devenons frères et sœurs du Seigneur Jésus, fils et filles du Père. Non, ne nous laissons pas voler Noël même lorsque nous traversons des épreuves. C’est justement à Noël que s’ouvre le ciel sombre et triste pour qu’en jaillissent une lumière et un chant de paix et de joie ! Nous les bien portants, ne nous laissons pas non plus voler la joie de Noël en le vivant à la surface des choses. Louis Cornellier dans sa chronique du Devoir de ce matin cite un écrivain italien Dino Buzatti qui soutenait tout incroyant qu’il était. « Noël, cette fête tendre et émouvante a fini par se changer en une fièvre frénétique. […] Encore une fois, on reste stupéfaits devant l’impressionnante imbécillité de l’Homme qui a réussi à transformer en supplice l’une des plus belles choses qu’il avait été capable d’inventer ».
Que nous estimions ce jugement trop sévère ou non, ne nous laissons pas voler la joie de Noël, la vraie joie de Noël, la joie profonde de Noël. Que cette joie vous illumine, vous et tous les vôtres ! Joyeux Noël ! Et quant à y être, Heureuses Fêtes !
PRIÈRE
Dieu notre Père,
plus haut que la voix des prophètes,
s'élève aujourd'hui le silence d'un enfant qui dort :
ton amour a percé nos ténèbres. Dans cet enfant nouveau-né,
fais-nous reconnaître en vérité
ta Parole vivante, reflet resplendissant de ta gloire Dieu, pour les siècles des siècles.
Amen.