Permettez-moi d’abord de dire quelques mots à propos de la première lecture tirée du livre du prophète Isaïe. L’événement se passe au 8ième siècle avant Jésus-Christ. La royauté juive est entourée de deux grands empires qui veulent s’emparer de Jérusalem et de ses environs. La capitale sera bientôt encerclée. Pour protéger le royaume, Yahvé dit au roi : « Fais-moi confiance, je protégerai mon peuple. Demande un signe qui témoignera de mon engagement. » Le roi refuse sous prétexte qu’il ne veut pas tenter Dieu. Pour dire vrai, Acaz ne fait pas confiance à Dieu, il ne se fie qu’à ses propres politiques et à ses quelques conseillers royaux.
Le prophète Isaïe annonce alors au roi que Dieu lui-même va lui donner un signe : « voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils dont le nom est Dieu-avec-nous. » Cette parole prophétique aura une grande résonnance tout au long de l’histoire d’Israël. De fait, quelques années plus tard, une jeune reine donnera naissance à un futur roi. Cette naissance est considérée comme un signe prophétique que Yahvé se soucie de son peuple; elle nourrira son espérance et sa confiance durant des centaines d’années.
La confiance à laquelle Isaïe invitait Acaz qui la refusa, voilà que, sept siècles plus tard, deux jeunes gens en devinrent les acteurs centraux de son accomplissement. Au plan de leur culture religieuse et politique, ces deux jeunes avaient pourtant toutes les raisons de ne pas se laisser entraîner dans l’aventure étrange qui devint le cœur de leur vie.
Au départ, ce jeune couple, Marie et Joseph, voulait agir en conformité avec la tradition de leur peuple. Et voilà que soudain tout chavire, Joseph se rendant compte qu’il y a quelque chose d’irrégulier dans la situation de Marie. Lui, un homme juste et fidèle à la Loi juive n’a-t-il pas alors l’obligation de mettre fin à leur engagement mutuel? Mais ce Joseph est aussi un homme bon, sensible. Ne comprenant pas trop ce qui est arrivé à la femme qu’il a choisie, il cherche à lui faire le moins mal possible, d’où la décision de la renvoyer en secret. Mais agir ainsi, n’est-ce pas aussi entrer dans une impasse, tout finissant par se savoir ?
La première partie de l’évangile nous montre donc comment Joseph va chercher à résoudre son défi. Ce qu’on retient c’est qu’il réfléchit, cherche ce qui semble juste, et forme un projet. La deuxième partie nous fait plutôt voir qu’il se détache de son projet en le remettant entre les mains de Dieu : il s’endort. Nous entrons dans le mystère, comme nous le voyons à plusieurs reprises dans l’Ancien Testament lorsque Yahvé choisit quelqu’un pour une tâche particulière : « L’ange du Seigneur lui apparut en songe. ». Dans cette annonciation qui lui est faite, Joseph perd le contrôle et laisse éclore la voie de Dieu, à la différence d’Acaz qui n’avait confiance qu’en lui-même. Le songe conduit Joseph à accueillir une parole qui le dépasse absolument et qu’il n’aurait jamais pu imaginer.
L’expérience spirituelle que l’évangéliste Luc nous raconte à propos de l’annonciation faite à Marie, nous la connaissons bien; elle est beaucoup célébrée dans l’Église. Aujourd’hui, avec l’évangile de Matthieu, on voit que Joseph a aussi vécu son annonciation. Il me semble que pour Joseph, on la célèbre beaucoup moins. En ce quatrième dimanche de l’Avent, je me réjouis que l’Annonciation soit devenue une expérience de couple.
Alors que la naissance de Jésus est tout proche, nous aussi sommes appelés à accueillir l’enfant issu du couple Marie et Joseph et qui a le nom de « Dieu-avec-nous ». Que faisons-nous de ce mystère ? Comment l’accueillons-nous ? Qu’est-ce qu’il signifie dans nos vies ? Voilà quelques questions que nous suggère la rencontre d’aujourd’hui.