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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





 

Homélie pour le premier dimanche de l'Avent (A)

27 novembre 2022

 Matthieu 3, 1-12

Isaïe 11, 1-10 

 lettre de Paul aux Romains 15, 4-9  


Martin Lavoie


Décidément, le bon Dieu nous en veut. Comme c’est le cas depuis quelques semaines, l’évangile de ce dimanche est hyper déprimant : un déluge qui engloutit une grande foule, un voleur qui perce le mur de votre maison, le Fils de l’homme, sous-entendu, Jésus, qui nous saute dessus à l’heure où nous n’y penserons pas et la liste pourrait être encore longue. Pour reprendre le titre d’un film : « Mais qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu? » Et pourtant, le prophète Isaïe annonçait le début imminent d’une ère de paix et de fraternité durant laquelle plus jamais nation contre nation ne lèvera l’épée, plus aucun enfant n’apprendra de ses parents ou de ses grands-parents à faire la guerre, et Paul, lui, qui nous dit que le jour est proche, que le salut est tout près de nous. Et pourtant, nous l’attendons toujours CE JOUR. Les catastrophes climatiques, économiques, militaires, sanitaires, etc. sont bien loin d’être chose du passé.

Nous sommes le premier dimanche de l’Avent et Noël est à notre porte, Noël, fête à laquelle sont associés les mots paix, joie, partage, espérance. Or, quel que soit le continent sur lequel nous habitons, nous vivons tous dans une époque tumultueuse! Et c’est franchement déprimant ou anxiogène! Je me suis dit : il y a sûrement un texte d’un père de l’Église qui pourrait nous remonter le moral et nous ramener au sens profond de l’Avent, celui de l’attente joyeuse de la venue du Sauveur. En fouillant dans la littérature patristique, j’ai découvert que Grégoire de Nazianze, en 380, avait écrit un texte destiné à l’édification des fidèles pour la préparation à la fête de Noël. Je me suis dit : ç’est bon. J’ai trouvé notre antidépresseur spirituel. Je le cite : « Préparons-nous à ce jour avec une pleine joie, non pas vulgaire, mais spirituelle ; [jusque-là, ça va. Je continue ma lecture] ne parons pas l'entrée de nos maisons de guirlandes; ne formons pas de danses; ne décorons pas nos rues; [ni nos églises!] ne nous amollissons pas en des habits moelleux et flottants; fuyons toutes ces futilités que sont l'or et les bijoux; point de festins, ni de beuveries qui finissent, je le sais bien, en luxure et en scandale; ne dressons pas pour le contentement du ventre des tables de délices; dédaignons les parfums capiteux des vins et les sorcelleries des cuisiniers. » J’ai pris un grand respire et je me suis dit : je crois qu’il vaut mieux oublier notre ami Grégoire de Nazianze et revenir à l’évangile de ce dimanche et nous demander quelle en est la Bonne Nouvelle ? Évidemment, Mathieu n’a pas écrit cette page d’évangile à saveur apocalyptique en pensant au temps de l’Avent, mais, malgré tout, il faut nous demander en quoi cet évangile peut-il nous aider à cheminer vers la fête de Noël ? J’en suis arrivé à la conclusion suivante : le retour du Christ n’est pas à chercher dans le calendrier de l’histoire. Jésus est venu une fois pour toutes. Il est le Christ, le Messie, et tout est déjà accompli, sans quoi ce serait affirmer que Jésus n’a fait les choses qu’à moitié et qu’il doit revenir pour achever ce qu’il n’a pu terminer. Matthieu, et beaucoup de ses contemporains, est de ceux et celles qui ont annoncé et cru de tout leur cœur au retour imminent du Christ. Mais, après avoir attendu un an, dix ans, vingt ans, cette génération des témoins directs qui a cru que Jésus était le Messie attendu disparait peu à peu et force est de constater que, durant toutes ces années d’attente, le monde a continué à tourner comme avant. Or, Jésus EST le Christ attendu et TOUT est déjà accompli. Il nous a déjà sauvés. Il n’y a plus à attendre ni sa venue, ni son retour. Pourquoi? Parce que le salut est comme une graine semée : tout est là et cette graine petit à petit va germer, pousser et donner des fruits. C’est tout le sens de la mort et de la résurrection de Jésus. Ce que nous attendons et espérons maintenant, c’est que son salut prenne corps en nous, en chacun et chacune de nous, dans chaque communauté chrétienne et partout sur la terre. Comme le dit saint Paul : l’heure est venue de sortir de notre sommeil et de nous revêtir du Seigneur Jésus Christ, de nous revêtir de notre habit de jardiniers du Royaume. L’Avent est un temps qui nous est donné pour nous préparer à la célébration de Noël même si, pour nous, Jésus est déjà venu. L’Avent garde néanmoins tout son sens et toute sa force car il est un temps où nous nous faisons plus que jamais solidaires avec tous ceux et celles qui espèrent toujours que s’incarnent dans leur vie la joie d’être sauvés. Et cela prend du temps. Ce que nous attendons, ce n’est pas le Messie mais que s’accomplisse pleinement ce que le Messie est venu semer dans le cœur de chacun et chacune. Notre attente est là. Celle du fruit à venir. La philosophe Simone Weil écrivait : « attendre implique toute la tension du désir, une tension acceptée à perpétuité. Attendre, c’est obéir au temps, la soumission totale au temps oblige Dieu à envoyer l’éternité. » Notre plus grand défi est d’apprendre à attendre avec un cœur rempli de joie et à vivre au rythme de l’Église qui est une société à respiration lente. L’Avent de l’Église est le temps long de l’histoire. Le temps de l’Avent est le temps de l’attente vigilante, un temps où nous sommes appelés à être tout particulièrement attentifs à la plainte des opprimés et à l’arrogance des oppresseurs et à leur faire entendre le message de Jésus, pour donner espoir aux premiers et changer le cœur des seconds, pour que l’on cesse de lever l’épée nation contre nation, que l’on ne s’entraîne plus pour la guerre, pour que les instruments de guerre et d’oppression deviennent des instruments de paix.