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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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Noël (C)

25 décembre 2021

Être bergers aujourd'hui

Isaïe (52, 7-10)

Luc (2, 6-19)

Jean (1, 1-5)


Martin Lavoie

C’est Noël, une journée où tout le monde est gentil et aimable. Je voudrais donc commencer mon homélie par des remerciements, des remerciements non pas à des personnes proches de nous mais à tous les aubergistes et les hôteliers de Bethléem qui ont refusé d’accueillir Joseph et Marie dans leur établissement le soir de Noël. Leur manque d’accueil a permis à Jésus d’entrer dans l’histoire. Qui d’entre eux aurait accepté de laisser entrer dans son auberge des bergers avec leurs moutons crottés qui leur collaient aux talons? 
Rappelons-nous qu’à l’époque de Jésus, les bergers faisaient partie de la classe des pauvres et ils vivaient en marge de la société.           
Il ne nous est pas facile, nous qui vivons à Montréal et sa grande région, de bien saisir ce que pouvait impliquer le métier de berger à l’époque de Jésus.  
Aujourd’hui, être berger, c’est l’exaltation du grand retour à la terre, c’est l’achat local, c’est l’éloge des produits du terroir. Aujourd’hui, dans nos campagnes, les bergeries, c’est beau, c’est propre, ça sent bon! Mais à l’époque de Jésus, on était beaucoup moins ‘’vert’’ et ‘’local’’.    
Si Luc écrivait son évangile aujourd’hui, au lieu des bergers, le chœur des anges apparaîtrait à un groupe de sans-abris qui dorment dans la rue sur des morceaux de carton avec à leur côté non pas des moutons mais leur chien ou qui campent sommairement sous des bretelles d’autoroute. Eux aussi, les aubergistes et les hôteliers d’aujourd’hui, refuseraient de les accueillir comme l’ont fait leurs confrères de Bethléem à l’époque de Jésus. La scène se déroulerait probablement dans un centre d’accueil de nuit pour itinérants.    
Mais, en définitive, cela ne changerait rien à la réalité et à la grandeur de ce que l’ange a dit à ces bergers, à la grandeur de ce qui était en train de se passer : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » Permettez-moi d’emprunter les mots de Pierre Emmanuel qui, en 1961, a écrit un livre intitulé « Évangéliaire » et qui va nous aider à entrer dans cette expérience unique de la nuit de Noël, quelque part, sur une colline, près de Bethléem :    
      
[Les bergers] contemplent comme on fixe le feu
la musique éblouissante de Dieu    
et la flamme monte droit dans leurs yeux    
comme l'échelle des anges,     
il advient qu'un messager partage un instant leur veille  
et leur silence et leur pain.      
Celui-ci est un Ange, ils le savent, ils s'émerveillent 
sans bouger, se recueillent dans la gloire de Dieu    
qui tout emplit tel un raz de marée, tel un vent d'étoiles, 
tel un murmure, à la mesure du cœur   
se mettent en marche les siècles derrière eux     
chantant à Dieu un chant plus vaste que la voûte des mondes.
     
      
Après que l’ange du Seigneur, soutenu par une troupe céleste innombrable, eut fait résonné son chant de louange, plus rien ne le retenait sur cette terre. Ils quittent les bergers pour le ciel.   
Peu habitués au déplacement urbain, les bergers ont reçu de la part de l’ange deux indices pour trouver ce nouveau-né : il est couché dans une mangeoire, et cette mangeoire ils devront la chercher dans la ville de David. Habitués de vivre dehors et de passer la nuit dans les champs, les bergers sont livrés à eux-mêmes pour trouver cette mangeoire et c’est avec empressement qu’ils se mettent en route. Ils ne sont peut-être pas de grands spécialistes de leur religion qu’ils pratiquent peu ou mal ou pas du tout, mais ils savent que la Ville de David à laquelle l’ange leur dit de se rendre, c’est Bethléem, en Judée.  
Arrivés sur place, devant cet enfant qui vient tout juste de naître, Marie et Joseph sont là, devant eux, sans mot. Ils entendent de la bouche même des bergers ce qu’ils ont eux-mêmes entendu dans leur face à face avec un ange du Seigneur, neuf mois plus tôt.
« Ne crains pas, Joseph, de prendre chez toi Marie, ton épouse : elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus. » (Mt 1, 21-22) 
« Ne crains rien, Marie, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. » (Lc 1, 31)
Aujourd’hui, la visitation des bergers marque la fin des annonciations. Joseph, Marie et les bergers ont repris leur route et sont retournés à leurs activités habituelles, à la vie de tous les jours. Comme le seront les disciples d’Emmaüs, de nuit, ils sont repartis le cœur brûlant, chacun et chacune habités par ce que l’ange du Seigneur leur avait annoncé : cet enfant, c’est le Christ, le Seigneur.  
Après être retournés sur leurs collines de Judée, les bergers se mirent à témoigner de ce qu’ils avaient entendu et ce qu’ils avaient vu. Ce sont les premiers disciples de Jésus, les premiers à dire à d’autres que Jésus est le Christ, le Seigneur. Après quoi, plus personne ne parlera d’eux.      
Quant à Marie, « elle retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » Je crois sincèrement que Joseph, lui aussi, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. Marie et Joseph méditaient les évènements dans lesquels ils liront, tout au long de leur vie, la signification profonde de ce qu’ils venaient de vivre, de ce que ces évènements, l’annonce et la naissance de Jésus et cette visite des bergers, pouvaient signifier à la lumière de ce que les Écritures avaient jadis annoncé. Saint Augustin disait : « Dieu habite dans notre mémoire, et c’est dans notre mémoire que nous trouvons Dieu. » C’est dans le souvenir de ces événements que Marie et Joseph pourront continuer de grandir dans leur foi et continuer de s’émerveiller devant la grandeur du mystère d’amour qu’ils ont vécu le soir de Noël.