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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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33e Dimanche du Temps Ordinaire (B)

14 novembre 2021

«  Mes paroles ne passeront pas  »

Dn 12, 1-3

Mc 13, 24-32

Martin Lavoie


Ce matin, j’aimerais commencer cette homélie en citant le Président Jacques Chirac qui, lors de son discours devant l'assemblée plénière du 4ième Sommet de la Terre, en septembre 2002, à Johannesburg, a proclamé cette phrase tout autant prophétique qu’apocalyptique : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »       
Les lectures de ce dimanche sont, elles aussi, tout autant prophétiques qu’apocalyptiques. Elles peuvent même nous donner froid dans le dos, car, semble-t-il, il y est beaucoup question de la fin des temps.     
Belle coïncidence! Au terme de la rencontre de la COP 26, je constate que le langage utilisé aujourd’hui pour parler de la crise climatique ressemble beaucoup au langage apocalyptique du temps de Jésus, ce à quoi il faut ajouter que nous avons cette fâcheuse habitude de faire un trait d’égalité entre apocalypse et événements catastrophiques. Or, dans la Bible, le mot grec ‘’apocalypse’’ signifie non pas catastrophe mais « révélation », révélation non seulement du sens et de la portée des événements qui se déroulent sous nos yeux et sur leur finalité mais aussi de notre part à nous dans ces événements. Les textes apocalyptiques sont porteurs, eux aussi, d’une bonne nouvelle! On nous promet une terre nouvelle. Ce n’est pas rien! Une terre nouvelle! Exactement ce que réclament tous ceux et celles qui se sont réunis à Glasgow durant les deux dernières semaines. Les dizaines de milliers de jeunes qui ont manifesté lors de la COP 26 sont au sens strict du mot des apocalypticiens. Ils dénoncent ce que nous appelions autrefois le péché d’omission i.e. pas seulement le mal que nous faisons mais aussi le bien que nous pourrions faire ou que nous devrions faire. Ces jeunes et aussi beaucoup de moins jeunes n’utilisent peut-être pas les mêmes mots que le prophète Daniel ou ceux de Jésus, mais ils nous rappellent que notre monde est une denrée périssable et, en même temps, ils nous disent qu’il y a de l’espoir si nous posons les bons gestes. Ce qui est en cause, c’est la finalité de notre planète et de notre vivre ensemble.     
Le livre de Daniel, que nous avons entendu dans la première lecture, a été écrit dans une période douloureuse de l’histoire d’Israël, une période de grandes et cruelles persécutions. Nous sommes en l’an 165 avant Jésus. Le roi Antiochus Épiphane veut forcer les juifs à renier la religion de leurs ancêtres. Certains obéissent au roi et d’autres refusent. Le prophète Daniel s’adresse aux juifs qui refusent de renier leur foi et il leur promet que leur fidélité sera récompensée. Pour Daniel, en dépit des apparences, Dieu est tout proche de ceux qui sont dans la détresse. Dieu est proche de son peuple. Dieu ne va pas abandonner ceux qui ont accepté de mourir pour lui, ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour ne pas trahir leur Dieu. Ils sont morts, c'est vrai, mais ils ressusciteront. Daniel est le premier, dans toute la littérature biblique, à parler d’une vie auprès de Dieu après la mort. Il n’avait jamais été question de résurrection jusqu’à maintenant. Pour le moment, Daniel n'envisage la résurrection que pour les justes; les autres connaîtront la mort éternelle.       
Jésus, lui, vient briser cette conception restrictive de la résurrection, une résurrection réservée aux seuls membres du peuple juif. Quand Marc écrit son évangile, il s’adresse aux juifs ayant embrassé la foi en Jésus, des juifs rejetés à la fois par la Synagogue et par la puissance romaine. Il leur dit : vous avez vécu l’effondrement de ce qui semblait le plus solide, le plus vénérable monument du monde juif, la destruction du Temple de Jérusalem, mais vous verrez plus, plus effrayant encore. Vous verrez l’obscurcissement de la lune et du soleil, la chute des étoiles et l’ébranlement des puissances des cieux. Tous vos repères, y compris les plus fondamentaux, la succession du jour et de la nuit, le cours des astres, tout cela sera ébranlé. Mais il ajoute aussitôt : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. » À tous ceux-là, Marc leur dit qu’il faut faire preuve de courage. En dépit des apparences, Dieu ne les a pas abandonnés. Marc veut les soutenir dans leur souffrance et les encourager à ‘’s’accrocher’’ à la Parole de Jésus, à son message, pour non seulement résister aux persécutions mais pour y trouver des pistes de solution pour que le monde, et plus concrètement, leurs communautés de vie et leurs communautés de foi soient un lieu où tous les hommes et les femmes puissent y vivre en paix, païens, juifs, ou chrétiens de la première heure. Marc veut les convaincre que Jésus est bel et bien le Fils de l’Homme par qui arrivera la fin de ce que le monde a de mauvais, par qui arrivera le monde nouveau, cette planète terre telle que les jeunes manifestants à la COP 26 la rêvent, notre maison commune, comme l’appelle le pape François, une planète terre où il est encore possible de voir des branches de figuier devenir tendres et voir des feuilles annonciatrices d’un été tout proche. Cette maison commune c’est notre planète mais aussi notre Église!  
Ce n’est pas lui, Jésus, qui va faire ces changements. Il n’est plus là mais il nous a laissé sa Parole en héritage. C’est nous, nous avec pour seule arme la Parole de Jésus qui pouvons et devons donner à nos communautés un printemps nouveau et annonciateur de beaux fruits. La Parole de Jésus ne passera pas, seulement, et seulement si, nous sommes là pour la faire résonner par nos actes bien concrets. Par fidélité à notre parole donnée au Christ lors de notre baptême, il nous faut travailler à faire de ce monde la première ébauche de ce que sera le royaume de Dieu en y instaurant plus de justice : de quoi marger, de quoi se vêtir, de quoi se loger, de quoi travailler, de quoi vieillir et mourir dans la dignité, et en luttant contre toutes les forces du mal, et tout particulièrement celles qui ont fait dévier notre planète de sa vocation première d’être notre paradis, notre jardin d’Éden. À tous ces discours catastrophiques qui polluent les esprits, à toutes ces paroles qui ne suscitent que la peur, il faut leur substituer la Parole de Jésus, une parole qui ne passera pas, une parole qui nous donne le droit de rêver encore. Jésus, c’est l’histoire d’une parole de celui qui chemine encore avec nous comme il a cheminé avec ses disciples sur la route vers Emmaüs après les terribles événements qui les ont profondément bouleversés. Tous ceux et celles auprès de qui Jésus s’est arrêté ont été touchés par sa parole comme pour nous dire que dans ce chaos de l’histoire, la seule chose stable sur laquelle il est possible de bâtir fermement notre maison commune, c’est la Parole de Jésus, le Christ.
Une question se pose aujourd’hui et je nous la pose : Sommes-nous de ceux et celles qui regardent ailleurs pendant que leur maison commune brûle?