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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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La Toussaints (B)

31 octobre 2021

Mc 5, 1-12

Les 'béatitudinables'

Martin Lavoie  

    

La semaine dernière, un article intéressant publié dans le Devoir, un journal très respectable et très respecté, est venu nous rappeler que Dieu était en train de perdre la bataille, et nous avec Lui. En quatre titres et sous-titres, tout était dit : Un Québécois sur deux ne croit pas en Dieu ; La jeunesse athée ; L’euthanasie de Dieu ; Le catholicisme culturel en perdition. Et l’article se terminait ainsi : « une fracture générationnelle s’ouvre avec les jeunes, plus athées que leurs parents. »      
Tout cela ne m’a pas surpris et en même temps m’a beaucoup interpellé et bouleversé. Force est cependant de constater que l’auteur a tout à fait raison. On ne peut nier ou même contester ses conclusions.  
À l’époque de Jésus, nous pouvions dire : le soleil n’est pas encore levé, mais c’est déjà l’aube. Et aujourd’hui, je crois qu’il faut dire : le soleil n’est pas encore couché, mais c’est déjà le crépuscule. Les résultats de cette enquête sont vrais pour le Québec en général mais ils le sont aussi pour nous, la Communauté chrétienne Saint-Albert-le-Grand. Je suis prêt à parier que dans un bon nombre de nos familles, nos enfants et nos proches, à des degrés variés, font partie de ces statistiques. Cela m’a rappelé une réplique célèbre du film 'Gladiateur' : « Tes fautes de fils sont mes défaillances de père. »   
La communauté chrétienne St-Albert vient de franchir le cap de ses 50 ans d’existence !
Peut-être que, de guerre lasse, nous sommes passés d’une foi de résistance à une foi de subsistance ? Et pourtant, nous sommes là dimanche après dimanche, communauté de foi et communauté de vie pour qui la Parole de Dieu est une référence essentielle, vitale. Et elle est peut-être là la petite fenêtre laissant entrer un peu de lumière et de bonheur dans nos vies et, par ricochet, dans la vie de nos enfants, nos proches, nos amis, ces sans-Dieu ! Je pourrais même dire que nous avons beaucoup de chance.  
La Presse canadienne a publié en 2019 un article intitulé : « La géographie du bonheur au Canada » et c’est au Québec où les personnes sont les plus heureuses. Évidemment, dans cette géographie du bonheur il n’est pas question de Dieu. Mais le bonheur, bien avant M. Legault ou M. Trudeau,  
Jésus en avait déjà beaucoup parlé. On le voit bien dans tous les Évangiles. Jésus s’est souvent mis à risque pour défendre le droit au bonheur de ceux et celles qui en étaient injustement privés. Ce sont les béatitudes que nous venons d’entendre. Que recherchent les hommes d’hier et ceux d’aujourd’hui si ce n’est le bonheur, avec ou sans Dieu. Peu importe. Jésus l’avait très bien compris et il ne dit jamais que pour être heureux, il faut croire en Dieu. Il nous le suggère mais il ne nous l’impose pas ! D’ailleurs, le mot grec (makarios) qui est traduit par 'heureux' dans les Béatitudes était presque exclusivement réservé au bonheur durable et profond des dieux. Ce bonheur que les grecs réservaient à leurs dieux,  
Jésus le rend accessible à tous. Et surtout, il le revendique pour tous.      
Évidemment, le contexte est totalement différent du nôtre. Lorsque Matthieu écrit les Béatitudes, il le fait dans le but de réconforter la première génération de chrétiens qui étaient livrés aux persécutions  
et les encourager à résister dans les difficultés. Avec la résurrection de Jésus, quelque chose de grand et de bon devait leur arriver. Un monde nouveau leur était promis.
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus faire ce lien entre le bonheur et la promesse du Royaume de Dieu. Par contre, nous sommes en totale harmonie avec notre société, et tout particulièrement les jeunes, lorsque nous rappelons et revendiquons ce bonheur qui nous engage tous et toutes.   
Quand Jésus, dans les versets qui précèdent immédiatement le texte des béatitudes, dit que nous sommes le sel de la terre, lorsqu’il dit que nous sommes la lumière du monde, même celui ou celle qui se déclare athée peut et doit se sentir concerné par cette manière d'être dans le monde.    
Les béatitudes sont simplement la manière la plus concrète d'être ce sel de la terre et cette lumière du monde, une terre ou un monde avec ou sans Dieu.
Et, d’après Jésus, qui sont les 'béatitudinables' ?
Ce sont ceux et celles qui sont prêts à tout pour un peu plus de paix ; ce sont ceux et celles qui n’hésitent jamais à ouvrir leur cœur à la misère des autres ; ce sont ceux et celles qui ne mettent jamais de frein à l’amour de l’autre, quel qu’il soit ; ce sont ceux et celles qui ne baissent ni la voix ni les bras devant l’injustice ; ce sont ceux et celles qui font barrage à la violence et à l’instinct de dominer ; ce sont ceux et celles qui résistent au réflexe de condamner quiconque en raison de sa religion, son orientation sexuelle, son pays d’origine.    
Les 'béatitudinables', ce sont ceux et celles qui, à l’image de Jésus ou de leur super héros, acceptent de risquer leur vie pour la vérité ; ce sont ceux et celles qui n’ont pas peur d’être insultés, menacés ou diffamés à cause de leur foi au Christ ou de leur foi en l’humanité.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car Dieu, bien malgré vous, vous offrira bien plus encore dans cette vie ou dans l’autre.