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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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29e Dimanche du Temps Ordinaire (B)

17 octobre 2021

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«  Que voulez-vous que je fasse pour vous  ?  »

Sœur Catherine Aubin

    

Que voulez-vous que je fasse pour vous ? Interroge Jésus aujourd’hui.     
Nous est-il souvent arrivé que l’on nous pose cette question ?
Par exemple dans ma congrégation religieuse : est-il arrivé lors d’un chapitre que notre responsable nous pose cette question à toutes : que voulez-vous que je fasse pour vous ?     
Ou encore en famille, est-ce que des parents, un père ou une mère demandent-ils parfois à leurs enfants : que voulez-vous que je fasse pour vous ?      
Soyons honnêtes, cela ne nous est pas souvent arrivé, de même que cela non plus ne nous est pas arrivé devant un groupe de personnes, d’amis, de connaissances de leur demander : que voulez-vous que je fasse pour vous ?        
        
Une des raisons, me semble-t-il, c’est que cette question met celui qui la pose en état de dépendance et de service voire aussi d’incertitude et surtout de grande disponibilité (peut-être même de fragilité).        
Poser cette question à des proches, c'est s’exposer à une réponse que l’on n’attend pas forcement et à laquelle on ne pourra peut-être pas répondre.    
C’est aussi montrer à quel point le besoin ou le désir de l’autre passe avant le mien.      
C’est, d’une certaine façon, se situer derrière et non devant comme protagoniste.
        
Cette question de Jésus est une réponse à l’identité de Jésus, Il est, Il incarne cette demande, il est en service d’être à disposition de ses disciples et de chacun, il montre une capacité à recevoir l’inattendu. Il fait toujours ce qu’Il est, et Il est ce qu’Il fait.       
        
Dans notre Évangile aujourd’hui   
Que voulez-vous que je fasse pour vous ?
La question de Jésus sonne comme en écho à l’Évangile de la semaine dernière,     
Bon Maitre, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ?      
        
Que faire ? Quoi Faire ? Apparemment nous sommes dans l’ordre de l’action voire d’une certaine efficacité. Étonnante question à laquelle Jésus avait répondu précédemment la semaine dernière par un regard d’amour, davantage que par des prescriptions. Car le faire dans l’Évangile est le miroir de l’être. Je suis ce que je fais, et je fais ce que je suis.    
        
Que voulez-vous que je fasse pour vous
 ?     
Vous, mes disciples Jacques et Jean, que voudriez que je fasse ce que vous allez me demander…
L’attitude de Jacques et Jean pourrait ressembler à celle des enfants qui voudraient absolument une réponse positive, à une demande qu’ils savent inadéquate, incongrue voire déplacée. Et pourtant Jacques et Jean ne sont pas immatures, ils viennent d’entendre leur rabbi et leur maitre, leur annoncer pour la troisième fois l’annonce de sa mise à mort et de sa résurrection. 
        
Verset 33 Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort et le livreront aux païens, ils se moqueront de lui… ils le tueront et trois jours après il ressuscitera… 
        
Qu’ont-ils compris de cette annonce ? Que Jésus allait être persécuté et par conséquent eux aussi pensent-ils. C’est juste après cette annonce que le texte précise, qu’Ils s’approchent, eux qui sans doute étaient éloignés, ils viennent tout près de Jésus, certes pour une demande étrange à nos yeux, mais sans doute motivés par un certain aveuglement et une forme de doute mêlé de crainte et de peur. Finalement cherchent-ils une explication ? Un éclaircissement ? Une place et un siège ? Ou bien une Parole ? Et c’est à ces hommes-là, ses proches, que Jésus sachant ce qui habite leur cœur, leur pose cette question :   
Que voulez-vous que je fasse pour vous ?     
        
Une question qui révèle son désir de proximité et son intimité avec Jacques et Jean, et sa volonté de leur tendre la main. Il veut que ces hommes ses frères, expriment, formulent et révèlent ce qui les habite dans leur tourmente ou incertitude. Dans cette question Jésus agit comme une mère et un père et un frère et un ami. Il ne veut pas qu’ils se perdent, qu’ils ignorent, qu’ils se désespèrent.         
Que voulez-vous que je fasse pour vous ? Ou êtes-vous ?   
La question de Jésus fait aussi écho à celle du Seigneur Dieu à Adam dans le livre de la genèse :   
Où es-tu Adam ? que veux-tu que je fasse pour toi Adam ?         
Il s’agit toujours de la même recherche de Dieu pour l’homme, c’est Lui qui nous cherche, nous attend, nous accueille et nous interroge non comme pour un interrogatoire, mais pour un dialogue et pour une communion intime celui de l’Ami avec l’ami.  
        
Car : Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis, dira-t-il à ses proches quelques heures avant Sa Passion, lui qui aujourd’hui nous dit « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Servir, ce mot si souvent entendu que nous ne savons plus à quoi il correspond vraiment.     
        
Dans cet Évangile Jésus nous indique une piste, en effet voici ce qu’il dit juste avant : « ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous ».     
        
Servir est mis en opposition avec une attitude : celle de commander en maîtres, ou de faire sentir un pouvoir et donc d’abuser des autres dans un soi-disant service qu’il soit politique, économique ou institutionnel et ecclésial.
Servir ou abuser ? Mettre la main sur les autres, le monde, les biens, la création ? Ou bien être dans la participation, le don, la rencontre, le partage et la parole ?   
Abuser de l’avoir et s’en servir pour soi, abuser du pouvoir et dominer et emprisonné les autres sans parler de l’abus sexuel qui vient en dernier, car celui-ci est la conséquence de tous ces abus d’avoir et de pouvoir.    
        
S’interroger sur le service permet de discerner où l’on en est de l’essentiel, et de ce que Dieu veut.         
Jésus sert et n’abuse jamais ni de ses disciples, ni de sa parole, ni de sa réputation. Il préfère être abusé par d’autres. Le service comme l’abus sont révélateur d’une société, ou d’une communauté : comme on traite une femme ou un homme on traite Dieu…     
Servir c’est se positionner intérieurement dans l’écoute, dans la dépossession, dans la déprise totale dans l’ouverture et la disponibilité radicale.     
        
Frère André de l’Oratoire, Charles de Foucault en Algérie, Dorothy Day aux États Unis, Thérèse de Lisieux dans son carmel, avec eux nous avons un arc en ciel de possibilités pour servir avec Jésus. Ils enseignent le service et sa fécondité. Tous ont vécu une intimité profonde, quotidienne, enracinée dans le concret le plus concret, dans le quotidien le plus quotidien, ils ont tous écouté, des appels intérieurs, des appels de leurs sœurs et de leurs frères, et ils ont inventé, cherché et servi chacun à leur manière.
Que voulez-vous que je fasse pour vous ?     
Etty Hillesum renverse la question et interroge Dieu, Elle écrit : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon cœur que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous.