CCSA






Communauté chrétienne St-Albert le Grand





Imprimer

Voir le déroulement de ce dimanche

28e Dimanche du Temps Ordinaire (B)

10 octobre 2021

Mc 10, 17-30

Tout est possible à Dieu

Martin Lavoie  

    

« Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »      
      
Pour beaucoup de personnes, cette parole de Jésus a quelque chose de rassurant. Tout est possible à celui qui croit. Dieu y pourvoira… Je ne sais pas pour vous, mais moi je vois dans cette phrase une sorte de défaitisme. S’avouer vaincu ou incapable, ne devrait pas nous troubler puisque Dieu est là pour combler le vide ou le manquement. Ce que je ne peux, Dieu le peut. Vraiment, et je vous le dis comme je le ressens, ça me gêne. Je me demande si Jésus n’a pas été mal cité par saint Matthieu, saint Marc et saint Luc qui racontent tous cette même histoire de cet homme riche, qu’il soit jeune ou pas. Il me semble que, compte tenu de tout ce que Jésus a lui-même vécu tout au long de sa vie, il aurait dû dire que tout est possible non pas à Dieu mais avec Dieu. Tout est possible avec Dieu, y compris tout abandonner pour suivre Jésus.    
      
À chaque fois que nous entendons cet évangile, on focalise beaucoup sur le fait que cet homme était riche et qu’à cette richesse il voulait y ajouter un autre bien, beaucoup plus grand encore que tous les autres : « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle. » Et c’est là où ça dérape.
      
Il faut reconnaître que Jésus le ménage un peu. Il lui demande s’il connaît les six commandements les plus élémentaires pour la vie en société : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas parler ou agir mal envers les autres, aimer ses parents et n’aimer que son épouse. Non seulement cet homme connaît bien ces six commandements mais il les a observés depuis sa jeunesse. Donc, le problème n’est pas là, pas au niveau de ce qu’il a toujours fait. 
      
Si vous le voulez bien, oublions pour un moment que cet homme est riche et qu’il est un bon citoyen ayant toujours observé les principales règles du vivre ensemble. Oublions aussi pour un moment cette énigme du « comment diable un chameau peut-il passer par le trou d’une aiguille ». Oublions tout cela !      
      
Il y a devant nous deux hommes : un homme, riche, et Jésus. Je vous pose maintenant cette question : Que s’est-il passé de particulier entre le moment où l’homme riche a demandé à Jésus ce qu’il devait faire pour avoir la vie éternelle en héritage et le moment où les disciples ont demandé à Jésus qui pouvait être sauvé ? Que s’est-il passé ? « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima… L’homme riche devint sombre et s’en alla tout triste. » Prenons le temps de visualiser cette scène. « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima… L’homme riche devint sombre et s’en alla tout triste. »    
      
Une scène très touchante, pleine de ce que l’être humain a de plus beau et de plus souffrant en lui : l’amour offert et l’amour inatteignable.       
      
Est-ce que vous vous souvenez d’un autre texte dans les évangiles, où, comme ici, deux regards se sont croisés ? Nous sommes dans l’évangile de Luc. Nous sommes au jardin des Oliviers. La nuit est tombée. Jésus vient d’être arrêté et Pierre va le renier trois fois. Je vous cite le verset de saint Luc : « Jésus se retournant, posa son regard sur Pierre. Pierre sortit et pleura amèrement. »   
      
Je crois que, dans un cas comme dans l’autre, chez l’homme riche et chez Pierre, la tristesse ou les pleurs sont essentiellement dû au fait que ni l’un ni l’autre ne peut suivre Jésus comme il le voudrait. Il y a encore en eux, au plus profond de leur cœur, un espace à combler et où il est plus difficile d’y entrer que ce ne l’est à un chameau de passer par le trou d’une aiguille. Ils savent, d’expérience, que le regard de Jésus est un regard plein d’amour et, quand on aime ou quand on est aimé, on est prêt à tout laisser, on est prêt à tout par fidélité. Ce qui rend triste l’homme riche, ce n’est pas le fait qu’il devrait vendre tout ce qu’il a. Ce qui le rend triste c’est le fait qu’il ne peut suivre Jésus. Dans son face à face avec Jésus, il a compris que la vie éternelle n’est pas au-delà de lui mais qu’elle est là, devant lui, et qu’il pourrait la recevoir immédiatement en héritage. Sa vraie perte et la vraie cause de sa tristesse est sa relation avec Jésus qui est soudainement interrompue, inachevée, comme Pierre qui, après avoir renié Jésus trois fois, se retrouva seul dans la nuit.   
      
« Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima.… L’homme riche devint sombre et s’en alla tout triste. » Cette tristesse est pour moi le signe que cet homme riche avait vraiment senti en son cœur que le regard que Jésus a posé sur lui était un regard plein d’amour, de tendresse et de compassion. Lanza del Vasto (1901-1981) disait : « un regard d’amour est un miroir où l’on se voit vu. » La tristesse de cet homme est le signe que la grâce l’a touché. Il n’a certes pas suivi Jésus mais je me plais à croire que sa tristesse lui a permis de prendre conscience de la richesse de ce qu’il est en train de refuser.     
      
Je conclus en vous citant un texte de Benoit XVI, ce vieillard au regard toujours plein de lucidité nous rappelle que le regard de Jésus peut nous traverser pour se porter sur nos frères et sœurs : « Au-delà de l’apparence extérieure de l’autre jaillit son attente intérieure d’un geste d’amour, d’un geste d’attention. Je vois avec les yeux du Christ et je peux donner à l’autre bien plus que les choses qui lui sont extérieurement nécessaires. Je peux lui donner le regard d’amour dont il a besoin.   
      
« Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. »