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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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27e Dimanche du Temps Ordinaire

3 octobre 2021

Marc 10, 2-12

Lynn Barwell

   

Le récit de Marc est déroutant et ne peut pas nous laisser indifférents. Il serait facile de le réduire à un simple débat sur le mariage et le divorce, tout en tenant compte du contexte social et culturel particulier à l’époque de Jésus. Un tel débat ne pourrait que nous mener dans un cul-de-sac.  
« C’est en raison de votre endurcissement qu’il a formulé cette loi. » (Mc 10, 5). Voilà la clé du récit! Mais que signifie avoir un « cœur dur? » En faisant une petite recherche, j’ai découvert que la notion de « cœur dur » apparaît environ une centaine de fois dans la Bible, ce qui indique que c’est une piste intéressante à suivre. Par exemple, dans sa lettre aux Éphésiens (4, 17-19), Paul suggère que l’endurcissement du cœur résulte de l’ignorance des humains, les rendant étrangers à Dieu. Pour Paul, le « cœur dur » reflète une séparation de l’amour inconditionnel de Dieu. Ainsi, peu importe son statut – célibataire, marié ou divorcé - la personne au « cœur dur » éprouve de la difficulté à voir l’autre comme un être créé et aimé par Dieu et nie son potentiel, sinon sa capacité à aimer. Certes, le « cœur de pierre » a une histoire et des racines profondes, il résulte souvent d’une blessure profonde et est à la recherche de guérison. Dans le livre d'Ezéchiel (36,26), Dieu dit : « je vous donnerai un cœur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf; j’enlèverai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. »
Qu’en est-il alors du lien entre la nécessaire ouverture du cœur, le célibat, le mariage et le divorce? Voir l’autre avec les yeux bienveillants de Jésus est un objectif souhaitable peu importe sa situation. Le célibataire face aux autres avec lesquels il est en relation; le marié avec l’épouse qu’il découvre peu à peu au-delà de la fascination initiale; le divorcé avec l’ex-épouse, même si leurs chemins divergent, mais aussi avec les autres rencontrés sur son chemin.
En méditant sur ce récit, je repense au magnifique roman de Gabrielle Roy, « Bonheur d’occasion ». Ce roman raconte l’histoire étonnante de Florentine, une jeune femme issue d’une famille pauvre de St-Henri à l’époque de la deuxième guerre mondiale. Elle est follement amoureuse de Jean, un amour sans réciprocité puisque Jean est complètement obnubilé par son désir de sortir de la pauvreté. Son cœur est endurci. Malheureusement, Florentine se retrouve enceinte de Jean et accepte de marier Emmanuel, jeune homme fou d’elle, avant son départ pour la guerre. Après le départ d’Emmanuel, Florentine poursuit son introspection en se rappelant la tristesse qui lui « pinçait le cœur » pendant les derniers jours passés avec lui. Bien « qu’elle n'aimait pas Emmanuel. Du moins elle ne l’aimait pas comme elle avait pressenti pouvoir aimer un jour. Et pourtant, elle éprouvait une espèce de gratitude, un sentiment de revanche plutôt d’être aimée de lui, et un sincère désir de lui rendre son affection ». (p. 342). Dans ce passage, Florentine reçoit et reconnaît l’amour inconditionnel d’Emmanuel, à l’image de l’amour de Dieu. Elle en est bouleversée et en elle s’éveillent des sentiments de gratitude et une plus grande capacité d’aimer en retour. L’histoire de Florentine illustre bien comment notre cœur peut s’ouvrir progressivement à l’autre.      
L’appel à la conversion de Jésus n’est autre chose qu’une invitation à changer notre cœur. Le récit de Marc renforce ce message d’éviter l’endurcissement du cœur dans nos relations humaines, même dans des situations difficiles et souffrantes. « On ne voit bien qu’avec le cœur » dit le renard au Petit Prince. « L’essentiel est invisible pour les yeux » répéta le Petit Prince, afin de se souvenir.