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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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25e Dimanche du Temps Ordinaire

19 septembre 2021

 Marc (9, 30-37) 

Sagesse (2, 12.17-20).

 

Sommes-nous en quête de sagesse 

André Descôteaux 

    

Jacques, dans sa lettre, oppose deux sagesses, deux manières de vivre. La première, qui vient d’en haut, s’enracine dans la bienveillance et la miséricorde produisant toutes sortes de bons fruits. La seconde, quant à elle, repose sur la convoitise, la jalousie, résultant en conflits et en guerres. 
      
Dans l’évangile, nous voyons également deux voies qui s’affrontent : celle des disciples de Jésus habités par la question du plus grand dans le Royaume et celle de Jésus qui les invite à privilégier la dernière place et à se faire serviteurs les uns des autres.     
      
Qui est le plus grand? Depuis la nuit des temps, cette question ne cesse d’agiter le cœur humain. Qui est le premier? Qui possède le plus? Qui est le plus fort? Est-ce mon père ou le tien?    
      
On comprend l’embarras des disciples quand Jésus s’informe de quoi ils discutaient en chemin. Eux qui partagent sa vie, qui l’ont vu se mettre au service de tous alors qu’il vient tout juste de leur annoncer, pour la seconde fois, la fin tragique qui sera la sienne, ils se demandent qui est le plus grand. 
      
Qu’a dû se dire Jésus? Il a dû se demander à quoi avaient servi ses enseignements. Qu’avaient-ils compris de la nature du Royaume dont il proclame la venue? Comme si toutes ses paroles étaient passées bien loin, au-dessus, en-dessous d’eux, sans pénétrer leurs cœurs! Pourtant Jésus ne se met pas en colère, comme il l’a fait pour Pierre, la semaine dernière. Au contraire, il ne les accuse pas de porter de fausses ambitions. Il leur donne une autre dimension : être premiers dans le Royaume mais à la manière du Royaume, selon la sagesse du Royaume, en suivant l’exemple de Jésus qui s’est fait le serviteur de tous et qui sera traité comme le dernier de tous, un esclave!
      
Pour être certain que ses disciples comprennent bien, il leur propose une parabole en acte : il prend un enfant. Il le place au milieu d’eux. Il l’embrasse et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille ». 
      
Comme vous le savez sans doute, l’enfant au temps de Jésus est une quantité négligeable. Il a une valeur pour ce qu’il sera, car un jour il prendra la succession et, assurera le bien-être de ses parents, mais pour l’instant il compte pour peu. Rien à voir avec les enfants roi de notre époque. Ce faisant, Jésus s’identifie à ce qui est peu considéré, à ce qui, dans tous les sens du mot, est mineur. Il va plus loin encore : il affirme qu’accueillir un enfant c’est non seulement l’accueillir, lui, mais aussi, et surtout, Celui qui l’a envoyé.  
      
Dieu identifié à la petitesse, à l’insignifiance. Alors que toutes les religions rêvent d’un Dieu grand, notre Dieu a la petitesse de l’enfant. Adieu les rêves de grandeur des professionnels de la religion! Dans une société, comme la nôtre, qui laisse peu de place à Dieu et que nous trouvons si absent, n’est-ce pas parce que nous le cherchons là où il n’est pas? Comme l’enfant, il n’est pas d’abord dans le registre de l’utile ou du monnayable. Ne serait-il pas comme un enfant qui court sous les tables et qui aime jouer avec les adultes qui se prennent si au sérieux?  
      
Quoi qu’il en soit, que peut bien signifier accueillir un enfant? N’est-ce pas d’abord se mettre à sa hauteur dans tous les sens du mot. Accueillir un enfant, c’est carrément s’abaisser, se faire petit. Comment aller vers un enfant sans se pencher? N’est-ce pas ce que Jésus a fait : lui, le Fils de Dieu, il s’est abaissé jusqu’à nous? Descendre de notre grandeur pour accueillir. Se mettre à hauteur d’enfant, n’est-ce pas, aussi, dans un sens, ne pas regarder de haut et faire abstraction de tout notre savoir pour écouter? Écouter un enfant, au point de babiller avec lui! Non le dominer par notre savoir. Car un jour ou l’autre l’enfant aura raison de nous avec ses interminables ‘Pourquoi’! Se mettre à hauteur d’enfant, n’est-ce pas devenir curieux, s’émerveiller de la vie, la recevoir comme un cadeau et s’ouvrir à son mystère? Être à hauteur d’enfant, n’est-ce pas aussi ôter le masque derrière lequel nous nous cachons si bien pour bien paraître et redécouvrir l’enfant qui nous habite encore? Être à hauteur d’enfant, n’est-ce pas nous laisser toucher et toucher? Je suis toujours émerveillé devant les personnes qui réussissent si facilement, si naturellement, à prendre les enfants dans leurs bras. Être à hauteur d’enfant, n’est-ce pas redécouvrir toute la tendresse dont nous sommes capables?    
J’imagine que chacun et chacune d’entre vous pourrait répondre à sa manière à cette question : que signifie se mettre à hauteur d’enfant? Il ne s’agit pas sombrer dans un sentimentalisme mièvre mais de se laisser atteindre par cette parabole en acte de Jésus qui nous introduit à un autre Dieu que celui auquel nous rêvons et à un autre regard et attitude vis-à-vis de nos frères et sœurs, tous enfants du même Père.  
      
Alors que demain nous élirons les dirigeants de ce pays et dans quelques semaines ceux et celles de nos villes, il ne s’agit pas de rêver d’une société sans leaders, une sorte d’anarchie utopique, mais de s’interroger sur leurs motivations et leurs attitudes. Il est frappant et infiniment triste de constater qu’une classe corrompue de dirigeants chassée, quelques fois par une révolution, est éventuellement remplacée par une autre qui, un jour, deviendra aussi corrompue et tyrannique que la précédente. Toujours chercher à être le premier dans le Royaume en servant, et, dans le cas particulier des politiciens et politiciennes, en cherchant le bien commun et en accordant une place privilégiée aux petits et aux blessés de la vie.     
      
Un évangile déroutant pour nous en quête de sagesse, mais la pédagogie de Jésus devrait nous apaiser, nous, qui, comme les disciples, entendons souvent ses paroles qui nous semblent tellement utopiques. Afin d’être transformés par cette sagesse venue d’en-haut, « il faut, comme le dit un de mes confrères, du temps, du temps et encore du temps ainsi que de la patience pour que, petit à petit, les gouttes d’eau de l’Évangile viennent creuser comme des stalagmites à l’intérieur de nos cœurs pour construire une autre réponse, une autre logique que celle de celui qui veut toujours être le plus grand ».