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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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22e Dimanche du Temps Ordinaire

29 août 2021

Dt 4, 1-2. 6-8

Jc 1, 17-18.21b-22

Mc 7, 1-8. 14-15. 21-23

Comment mettre en pratique la parole

 

André Descôteaux 

    

Ce matin, les textes nous confrontent à un enjeu fondamental de la vie tout croyant qui cherche à plaire à Dieu.  Saint Jacques l’énonce clairement : « Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion ». Que peut bien signifier « mettre en pratique la Parole de Dieu » ? Voilà, la question!
      
Les pharisiens, à la suite des anciens qui les ont précédés, ont déployé un grand effort pour répondre à cette question. Leur but est simple : tout leur comportement, même dans le plus petit détail, doit plaire à Dieu et correspondre à sa volonté. C’est ainsi qu’ils ont développé un ensemble de pratiques que Jésus appelle la Tradition. Ils sont admirables, ces pharisiens et leurs adeptes, par leur recherche et par leur observance d’une discipline qui peut être exigeante. Se faisant, ils ont aussi cherché à protéger l’identité du peuple élu, confronté à la présence d’autres nations avec leurs dieux et leurs pratiques religieuses. Toutefois, en décrétant ce qui est pur et ce qui est impur, un mur a été créé entre les purs et les impurs, tout d’abord, dans le peuple lui-même, entre les observant et les non-observant, mais aussi nettement entre les Juifs et les païens. Ceci a eu de graves conséquences dans la vie des toutes premières communautés chrétiennes où l’ouverture au monde païen a été une source de grandes tensions.
      
Et c’est là que le bât blesse. Avant d’écouter ce que dit Jésus dans cet extrait de l’Évangile, regardons-le agir. Regardons-le aller vers les impurs par excellence : les lépreux. Il les touche, se rendant impur lui-même. Regardons-le quand la femme malade de pertes de sang touche la frange de son manteau, le rendant impur comme elle. La blâme-t-il? Pas du tout. Au contraire, il loue sa foi. Regardons-le fréquenter à plusieurs reprises des impurs, au sens de non-observant : les publicains et toutes sortes de personnes à la réputation louche. D’ailleurs, on le lui reproche véhément. Jésus n’a pas eu peur de se souiller les mains, non par la saleté, mais par le contact avec ceux qu’excluait la Tradition reçue des pères.  Pourquoi? Parce qu’il avait conscience que la volonté du Père était de rassembler tous les enfants de Dieu dispersés. Pourquoi va-t-il chez Zachée? Parce que lui aussi est fils d’Abraham? Pourquoi touche-t-il les lépreux? Parce qu’ils doivent être pleinement intégrés au peuple choisi. Finalement, en mourant sur le bois de la croix, il mourra, selon la Loi, en maudit de Dieu. « On ne laissera pas son cadavre sur l’arbre durant la nuit. Tu devras le mettre au tombeau le jour même, car un pendu est une malédiction de Dieu » (Dt 21, 23). Jésus, aux yeux de la Loi et de la Tradition : impur! Et pourtant, de ses bras ouverts, lui, le maudit, apporte la bénédiction et le pardon de Dieu à l’humanité entière, purs et impurs rassemblés!
      
Jésus agit ainsi parce que telle est la volonté de Dieu. Dieu ne veut pas exclure : Il veut rassembler. Dieu est amour. Dieu est miséricorde. Croire que, pour se rapprocher de Dieu, il faille se séparer des autres pour se préserver de quelque tâche est une erreur fondamentale. La pureté selon Dieu n’est pas ce que les Pharisiens en pensent. Jésus en est convaincu et le dit explicitement : la pureté n’est pas une affaire extérieure à l’être humain. Elle relève du cœur humain. Elle le caractérise même. Ce n’est pas ce que mange un être humain qui le rend impur. Ce sont les pensées qui habitent son cœur qui le rendent impur. « C’est du dedans du cœur que sortent les pensées perverses : inconduite… Tout ce mal vient du dedans, et rend impur ».    
      
Jésus, parlant ainsi, se rattache lui aussi à la tradition, non à celle des hommes, mais à celle des prophètes, ce qu’il suggère en citant Isaïe. D’ailleurs, ce dernier, au premier chapitre du livre d’Isaïe, énumère les conditions qui permettent de « voir Dieu » dans son Temple et de lui offrir des sacrifices :      
      
« Lavez-vous, purifiez-vous.  
Ôtez votre méchanceté de ma vue. Cessez de faire le mal!    
Apprenez à faire le bien, recherchez le droit, 
secourez l’opprimé, soyez juste pour l’orphelin,    
plaidez pour la veuve » (Is 1, 16-17).      
      
Aucune mention de nourriture ou de lavage de coupes mais de justice, de secours et de bonté. On pourrait trouver beaucoup d’autres interventions des prophètes allant dans ce sens. D’ailleurs, n’est-ce pas aussi ce que dit Jacques, dans la lecture d’aujourd’hui, tout juste après avoir soulevé la question de la pratique de la Parole? « Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure (notez bien ‘pur et sans souillure'), c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse ». Être pur, c’est avoir un cœur qui voit l’autre, comme Dieu le voit, c’est-à-dire, comme un frère, comme une sœur et avoir un cœur plein de bonté et de bienveillance, comme celui de Dieu.     
      
Est-ce à dire que la pureté du cœur exclut tout rite, toute tradition humaine? Non. Nous savons bien que toute société et, aussi, toute personne ont besoin de rites ou de coutumes issus de la tradition. Alors que nous sortons d’une longue canicule, pensons à Noël. Bien des familles et même des personnes vivant seules ont développé des rites pour célébrer cette fête. Plus sérieusement, nos communautés chrétiennes ont aussi leurs rites. Chacune a, par exemple, sa manière de célébrer. Mais Jésus nous le rappelle aujourd’hui : aussi importants soient-ils, ils ne sont pas la fin.    
      
Quand Jean XXIII a convoqué le concile Vatican II, il n’avait pas l’intention de redéfinir les dogmes, mais, comme il l’a si bien dit, il voulait ouvrir les fenêtres de l’Église. Un jour, entouré par un entourage s’opposant à l’idée du concile, il descend de son trône, et, d’une main décidée, ouvre une fenêtre en s’exclamant : « De l’air frais! » Autrement dit, de l’air frais pour l’Église. De l’air frais, un courant d’air qui a bouleversé bien des choses, mais qui a laissé entrer l’Esprit, le souffle de Dieu pour purifier l’Église et la rendre plus conforme à ce que Dieu attend d’elle. Il fallait que l’Église sorte vers le monde tel qu’il était devenu.
      
Jésus a été un véritable courant d’air. Il a bousculé non pour bousculer, mais pour nous ramener à l’essentiel en manifestant qui était Dieu et ce que pouvait signifier mettre en pratique sa Parole. Écoutons-le, suivons-le et laissons son Esprit transformer et purifier notre cœur. « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ».