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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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18e Dimanche du Temps Ordinaire (B)

1er août 2021

Ex16, 2-4.12-15

Ep 4, 17.20-24

jn 6, 24-35

Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là

André Descôteaux 

    

Vous connaissez sans doute la fable où Jean de Lafontaine met en présence un loup qui n’avait que la peau et les os et un chien bien en chair, puissant. Le loup aimerait bien le manger, mais il ne se sent pas la force d’attaquer une telle bête. S’ensuit un dialogue où le chien dodu l’invite à abandonner ses forêts pour vivre comme lui, bien nourri. Le loup est bien tenté, mais voilà qu’il observe le cou du chien, pelé. « Qu’est-ce là? » lui demande-t-il. « Peu de chose. – Mais encore? – Le collier dont je suis attaché!…] – Attaché, vous ne courez donc pas? – Pas toujours, qu’importe? – Il importe si bien, que de tous vos repas, je ne veux en aucune sorte, et je ne voudrais même à ce prix un trésor.  Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encore ».  
      
Ainsi se conclut cette fable qui nous introduit à la grogne des Hébreux qui viennent de quitter les chaînes de leur esclavage pour se retrouver errant dans le désert en suivant les indications de Dieu données par Moïse. Même si, en Égypte, ils étaient asservis, au moins ils mangeaient à leur faim. Ils penchent plus du côté ‘chien dodu’ que du côté ‘loup sans collier et affamé’. Dans leur colère, ils vont jusqu’à accuser Moïse, et par là Dieu, de les avoir conduits au désert pour les faire mourir de faim. Alors que Dieu voit un avenir de vie et de liberté pour son peuple qu’il a libéré, il est accusé de chercher à l’anéantir dans le désert. Ah! les oignons d’Égypte! Dieu entend la plainte de son peuple et intervient en envoyant des cailles et la manne. Tel est le pain que Dieu leur donne à manger!      
      
Ce récit et la fable de monsieur de Lafontaine illustrent très bien que l’être humain est un être de besoins. Il nous faut manger et boire pour survivre. La désastreuse famine qui sévit dans la région éthiopienne du Tigré en est, encore une fois, la douloureuse illustration. L’être humain n’est pas un ange. Toutefois, nous savons qu’il ne se limite pas à la satisfaction de ses besoins matériels. Même l’action de manger peut devenir une expérience spirituelle. Pensons à ces repas qui ont été des moments de profonde communication et d’amitié. Des repas mémorables non pas nécessairement de par le menu, mais surtout de par l’expérience de proximité qui y a été vécue. Regardons un enfant nouveau-né tétant le sein de sa mère. Il a faim et généralement sait très bien le faire savoir. Pour certains, un jeune bébé ne serait qu’un tube digestif. D’ailleurs ne l’appelle-t-on pas un ‘nourrisson’ du mot ‘nourrir’.  Mais, quand il est nourri, il ne fait pas que boire du lait, « il boit littéralement sa mère. Car sa mère le regarde et lui sourit, elle lui parle. Il obtient là la chaleur du corps et celle du cœur. Et c’est tout le contexte d’amour et de tendresse que le bébé absorbe à travers son lait. » Voir : Beauchamp, André. Comprendre la Parole, année B, page 380.
      
Oui, « vous avez besoin de pain, dit Jésus aux Juifs qui l’ont rejoint, mais vous portez en vous des besoins fondamentaux de vie, d’amour, de plénitude qui ne se résument pas au boire et au manger ».  Jésus a été pour eux une aubaine. Non seulement il leur procure le pain en abondance – il en est resté plus de 12 corbeilles – mais ils n’ont rien eu à faire pour l’obtenir! Bingo! « Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais celle qui demeure jusque dans la vie éternelle », leur dit-il.  Nous faisons tous l’expérience de faims et de soifs existentiels. Le vide n’est pas que dans l’estomac. Il peut être aussi dans la vie. Une vie dépourvue de sens, une vie lassée par la multiplicité des tâches et même des divertissements. Un monde devenu gris et plat! Un monde sans but auquel certains finissent par s’habituer au point de s’endormir en se contentant de ce que leur apporte la vie. Jésus, ce matin, sonne le réveil. « Prends conscience des désirs que tu portes », nous dit-il. « De quoi as-tu vraiment faim? », nous demande-t-il.    
      
Mais Jésus va plus loin. Il nous rappelle que seul Dieu peut combler l’être de désir qu’est l’être humain. Comme il le dira au tentateur : « l’être humain ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».  Rappelez-vous saint Augustin : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur ne trouve pas la paix tant qu’il ne repose pas en toi ». Illusion que de penser pouvoir trouver ce qui nous est le plus nécessaire par nos propres moyens. Quiconque recherche l’essentiel, quiconque veut découvrir la vie authentique, doit prendre appui sur la réalité définitive : Dieu présent à son peuple dans la personne du Seigneur Jésus.    
      
Voilà pourquoi celui-ci demande à ses auditeurs de bien lire l’événement de la multiplication des pains. Eux lui parlent de la manne qui nourrissait le peuple dans sa marche au début de son aventure. Lui les invite à reconnaître dans le pain qu’il leur a distribué la présence de Dieu. Dieu, en lui, est à l’œuvre comme il l’avait été au début de l’histoire d’Israël. Maintenant, Dieu, par Jésus, donne la nourriture qui non seulement permet de marcher dans le désert, mais de marcher vers la vie, la vie en plénitude. Avec Jésus, c’est un nouveau début, c’est la route vers l’épanouissement véritable et la pleine réalisation de notre humanité qui s’ouvre. La source du vrai pain n’est pas dans le passé, au début de l’histoire du peuple d’Israël, elle est dans l’aujourd’hui, l’aujourd’hui du Christ. Non seulement distribue-t-il le pain qui donne la vie au monde, mais il est lui-même le pain de vie. De sorte que quiconque vient à lui n’aura jamais faim.
      
Pour marcher vers la vie en plénitude dans la véritable liberté, « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là! » Amen.