CCSA






Communauté chrétienne St-Albert le Grand





Imprimer

Voir le déroulement de ce dimanche

16e Dimanche du Temps Ordinaire (B)

18 juillet2021

Marc 6, 30-34

«  Il fut saisi de compassion…  »

Martin Lavoie  

    

La dernière fois où j’ai fait l’homélie, il y a de cela deux semaines, je vous disais que j’aimais bien Marc parce qu’il n’hésitait pas à nous montrer Jésus dans toute son humanité. Et ce matin, il nous en donne un autre bel exemple.    
Les proches disciples de Jésus reviennent d’une longue et pénible tournée à travers les villes et les villages du pays et Jésus, le bon gars, insiste pour que, non seulement ses disciples se reposent, mais en plus qu’ils prennent le temps de manger. C’est ce que nous appelons la théologie de l’oreiller et de l’assiette! Ça, c’est le côté anecdotique de cet évangile.    
Mais Marc, l’évangéliste, après nous avoir partagé dans les premiers chapitres de son évangile quel était le quotidien, le vécu bien concret de Jésus et sa bande des 12, quitte une fois pour toutes le côté anecdotique de la vie de Jésus et des disciples pour nous amener à découvrir le sens profond de leur vie celle de Jésus et celles de ses disciples, à la lumière de ce que Pâques lui a permis de découvrir.      
Jusqu’à maintenant, i.e. les six premiers chapitres de l’évangile de Marc, nous avons souvent vu Jésus enseigner dans des lieux très divers y compris dans des lieux où l’accueil était parfois mitigé : au bord du lac de Galilée, dans des synagogues, dans des maisons privées, dans les villages de Galilée, dans des territoires païens. Très tôt, dans l’évangile de Marc, les disciples reconnaissent Jésus comme celui qui enseigne. Et c’est d’ailleurs le titre qu’ils lui donnent : ils l’appellent Maître, Rabbi. Mais cela ne s’arrête pas là. Jésus ne garde pas pour lui-même cette fonction d’enseignement. Il a un objectif pour ses disciples : au terme d’un temps de compagnonnage, un peu comme un apprenti apprend de son maître, Jésus invite ses disciples à enseigner à leur tour. Il les charge de cette mission : allez, baptisez, enseignez. C’est d’ailleurs immédiatement après avoir répondu à cet appel que les disciples reçoivent le titre d’apôtres, c’est-à-dire envoyés. Dans l’évangile de Marc c’est la seule fois où ce terme « apôtre » apparaît.      
Dans les quatre versets que nous venons d’entendre, deux choses me frappent tout particulièrement : l’immense besoin de la foule d’être en présence de Jésus pour l’écouter et l’immense compassion de Jésus.  
Pour le moment, le texte ne nous dit pas si les disciples se sont joints à la foule pour écouter leur Maître ou s’ils sont allés se reposer et manger, comme le leur a demandé Jésus. Mais, pour Jésus, l’urgence de la mission, de l’enseignement, dépasse largement le besoin, voire la nécessité, de se reposer et de manger. Cela viendra un peu plus tard.  
Dès que cette foule qui s’est empressée de rejoindre Jésus s’est de nouveau retrouvée en un même lieu, « Jésus fut saisi de compassion » et c’est cette compassion qui le pousse à enseigner cette foule parce qu’elle était porteuse d’une grande attente, ce puissant désir d’entendre encore et encore le rabbi de Nazareth. Il n’est pas question pour Jésus d’ignorer cette foule et ses besoins et d’aller se reposer! 
Allons plus loin et demandons-nous ce qui a pu toucher Jésus à ce point ?      
L’évangile le dit très clairement : « Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. »  
Jésus est un homme de son temps et de son peuple. Il connaissait certainement le texte de Jérémie que nous avons entendu dans la première lecture et qui est un texte essentiel pour bien comprendre l’évangile de Marc de ce dimanche.    
En son temps, Jérémie a dénoncé ces mauvais bergers qui ne se sont pas occupés des brebis et il met dans la bouche de Dieu ces paroles fortes :  
je vais m’occuper de vous, je rassemblerai moi-même les brebis, je vais les ramener dans leur enclos et elles seront fécondes. Et Dieu, avec les mots du prophète Jérémie, promet qu’il suscitera un bon berger qui agira avec intelligence et qui exercera sur le pays le droit et la justice. Or, quel est l’un des combats les plus importants qu’a livré Jésus durant toute sa vie si ce n’est le droit et la justice pour tous tels que Dieu a défini ce droit et cette justice par la bouche des prophètes. Jésus s’en est souvent pris aux autorités religieuses de son temps non pas pour prendre leur place mais pour les alerter sur le fait que, s’il y a tant de gens qui accourent vers lui, des pauvres, des malades, des affamés et des assoiffés, c’est parce qu’il a compris qu’à l’origine de leur faim, de leur misère et de leur révolte, il y a un déni de leur droit et de la justice à leur égard. Jésus n’a jamais pu ni voulu fermer les yeux sur cette réalité. Et c’est aussi cela que Jésus veut que ses disciples comprennent et fassent : d’abord, s’indigner – et s’indigner, c’est dénoncer, mais surtout et toujours, oser la bienveillance, toujours avoir cette attention particulière à l’égard d’un proche dont le cœur s’égare ou d’une situation bien concrète où les plus vulnérables ne sont que des victimes. Tout au long de l’Ancien Testament, nous voyons Dieu prendre soin de son peuple, avoir pour lui une attitude de bienveillance qui ne cessera jamais. Et aujourd’hui, c’est Jésus lui-même qui incarne cette bienveillance et, bien concrètement, par son exemple, c’est ce qu’il enseigne à ses disciples pour qu’à leur tour, ils soient des êtres de bienveillance, des bergers qui conduisent leurs brebis avec un cœur bienveillant de sorte qu’elles ne seront plus apeurées ni effrayées, et qu’aucune ne sera perdue.       
Aujourd’hui, il est difficile pour nous de comprendre ce lien particulier qui existe entre un berger et ses brebis. Peut-être, pourrions-nous le remplacer par ce que le pape François appelle la « maison commune », une maison où règne l’amitié, la paix, le dialogue, la compassion et la bienveillance.
Et comme le dira saint Paul dans la deuxième lecture que nous entendrons à la fin de notre célébration, c’est dans le Christ Jésus que nous sommes devenus proches, proches entre nous, comme le sont les brebis d’un même troupeau, et proches de lui, Jésus, le bon berger, proches entre nous, comme le sont les frères et les sœurs dans leur maison commune, et proches de Jésus, comme nous le sommes de l’aîné(e) de la famille qui est souvent notre premier guide dans la vie, celui ou celle de qui nous apprenons la bienveillance pour que règne la paix et la justice dans notre maison commune.