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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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11e Dimanche du Temps Ordinaire (B)

13 juin 2021

Mc 4 26-34

Dieu est maître de la moisson

Martin Lavoie  

    

Après une vague de chaleur sans précédent au début du mois de mai au cours de laquelle tous les centres de jardin ont été littéralement pris d’assaut,    et après une vague de froid sans précédent à la fin de ce même mois de mai au cours de laquelle tous les jardiniers amateurs ont été pris de panique en voyant les jeunes pousses se mettre à dangereusement blanchir, nous voici enfin de retour dans notre église, notre église qui est en quelque sorte notre jardin communautaire, notre jardin où chacun y vit sa croissance, où nous venons dimanche après dimanche prendre soin les uns des autres, comme on prend soin de ses fleurs ou de ses légumes, notre église où nous venons dimanche après dimanche nous regarder les uns les autres comme on regarde une belle fleur, avec une part d’admiration et aussi, parfois, une part de crainte car une belle fleur est toujours plus fragile qu’on ne le croit, notre église où nous venons nous écouter les uns les autres comme on écoute le beau chant des oiseaux au printemps et celui des cigales durant les grandes chaleurs de l’été, notre église, notre communauté où le bonheur est simple. Mais, on ne naît pas fleur, on le devient. On ne naît pas chrétien, on le devient. Et, en parlant de nous, nous pouvons dire : on ne naît pas communauté chrétienne, communauté célébrante, on le devient.      
Tout jardinier sait que la croissance, celle d’une fleur, d’un légume, exige beaucoup de patience, de persévérance et de foi.     
Et il y a une autre chose que tout bon jardinier sait très bien : il ne peut pas tout contrôler : la pluie, la chaleur, le vent, etc. Un seul coup de gueule de dame Nature et tout est fichu. Aucune fleur, aucun fruit, aucun légume n’est plus attendu. Il faudra de nouveau passer à travers le cycle des saisons, l’automne, l’hiver et le printemps pour de nouveau espérer que la vie reprenne, qu’une nouvelle graine devienne une fleur ou un légume. De la même manière, au sein de la famille ou de notre groupe d’amis, une épreuve, une trahison, une mort imprévue, et tout est fichu, tout est désespérance. La vie semble n’apporter plus rien de bon. De la même manière, au sein d’une communauté comme la nôtre, des départs inattendus, des décès, des conflits non résolus, la maladie, des engagements abandonnés et tout est fichu. Difficile de ne pas craindre que ce soit la fin de l’aventure. La ligne d’horizon semble tout à coup se rapprocher trop vite de nous.  
Tout cela, Jésus et ses disciples l’ont vécu.
D’abord, ils ne sont qu’une poignée d’hommes, et puis ils rêvent bien concrètement d’un monde meilleur, et pas n’importe lequel, la totale, le Royaume de Dieu. Tout au long des évangiles, nous voyons les disciples impatients de voir se réaliser ce Royaume de Dieu. Et pourtant, Jésus n’a jamais cessé de les mettre en garde contre leur empressement. Les disciples avancent à grandes enjambées, mais Jésus leur dit qu’il faut y aller à petits pas.
Comme la plante, l’arbre ou la fleur, le Royaume de Dieu a eu un tout petit commencement : il y a eu Abraham, un homme qui est entré tout seul dans une démarche de foi, un homme qui a donné naissance à tout un peuple. Et puis, siècle après siècle, il y a eu les prophètes, ces lanceurs d’alertes, grands spécialistes contre la mauvaise herbe, contre tout ce qui pourrait étouffer la venue du Royaume de Dieu. Et finalement, il y a eu Jésus, venu à nous dans la fragilité d’un enfant. Comme une graine mise en terre, c’est en lui que le Royaume de Dieu est passé de la terre à la lumière du jour. Mais cela, les disciples ne le comprennent pas encore. Ils veulent que le Royaume de Dieu passe directement et sans temps de mûrissement de la semence au fruit bien mûr, de la graine à l’arbre aux multiples branches. Impétueux, ils sont trop pressés. Ils ont oublié une chose essentielle : il faut du temps. Et Dieu n’a jamais été très pressé. Il a semé une graine dans le cœur d’Abraham et après bientôt deux mille ans d’histoire, le Royaume de Dieu n’est pas encore achevé. Jésus est né mais il n’est pas le Royaume de Dieu. Le projet de Dieu de rendre le monde plus humain n’est pas encore parvenu à son terme. En fait, Jésus et ses disciples sont comme les premières feuilles des semis qui découvrent pour la première fois la lumière du jour.   
Et c’est ce que Jésus veut enseigner à ses disciples en comparant le Royaume de Dieu à une semence jetée en terre et à une graine de moutarde.  
Jésus utilise ces deux paraboles parce qu’il craignait qu’un jour ses disciples finissent par tomber dans le découragement en voyant que leurs efforts pour un monde plus humain et plus heureux n’obtiennent pas le succès escompté, tout de suite. Découragés, allaient-ils renoncer à leur idéal, le royaume de Dieu ? Allaient-ils continuer de faire confiance en Dieu et surtout en Jésus ? Les disciples doivent laisser le temps au temps.
Jésus est un enfant du village, un fils d’artisan. À partir des exemples tirés de l’expérience des paysans de Galilée, son coin de pays, là où il a ses racines, Jésus encourage ses disciples, ceux de son temps et ceux d’aujourd’hui, à travailler toujours avec réalisme, avec patience, dans une grande confiance et avec humilité. La première chose qu’ils doivent savoir c’est que leur tâche est de semer. Ils doivent apprendre à semer l’Évangile dans les cœurs, ou, pour reprendre une expression bien connue, ils doivent apprendre à semer l’Évangile à tout vent. Le P. Congar disait, ‘’vaste monde ma paroisse’’. Ce matin nous pourrions dire, ‘’vaste monde notre jardin’’.      
Le jardinier jette en terre une semence et, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. Le jardinier jette en terre une toute petite semence et, qu’il dorme ou qu’il se lève, elle grandit jusqu’à devenir un lieu d’accueil et un lieu nourricier.   
Ce jardinier dont parle Jésus, c’est chacun et chacune de nous. Je vous donne quelques exemples très simples de ce que peuvent être ces petites graines à semer à tout vent.      
Petite graine du sourire, petite graine de rien du tout qui devient une source de joie pour une personne qui a le cœur triste.       
Petite graine de la poignée de main, petite graine de rien du tout qui devient une source de reconnaissance pour une personne qui se sent rejetée ou méprisée.   
Petite graine de l'écoute attentive, petite graine de rien du tout qui devient une source de vie pour une personne qui se sent isolée.   
Petite graine de la prière, petite graine de rien du tout qui devient une source secrète d’espérance pour une personne qui n’entend plus Dieu lui dire qu’elle a du prix à ses yeux.       
Il ne faut cependant jamais oublier que tout ce qui pousse dans un jardin se fait en silence. Pour un jardinier, son jardin, qu’il soit petit ou qu’il soit grand, c’est un lieu de vie, un lieu sacré, et c’est Dieu qui est maître de la moisson.