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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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6e Dimanche de Pâques (B)

9 mai 2021

La joie de Dieu

Jean 15, 9-17

 

Bruno Demers

Bruno DemersJe vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. 
Il y a quelques années le provincial des Dominicains d’alors m’a demandé de me rendre à Kigali au Rwanda afin de donner une session de formation aux postulants. Pendant les quelques semaines que j’ai passées là-bas, je me rappelle très bien avoir été frappé par la joie que je constatais chez beaucoup de gens. Pour un occidental habitué à vivre avec un certain nombre de commodités, rencontrer des gens moins bien pourvus mais démontrant ostensiblement un tel sentiment spontané de joie m’a beaucoup questionné.
      
L’appel de l’Évangile d’aujourd’hui nous donne l’occasion de réfléchir à la joie. Comme, d’ailleurs, de nombreux textes du pape François qui commencent par la mention de la joie : La joie de l’Évangile; La joie de l’amour; Joie et allégresse… Comment renouer avec ce sentiment caractéristique de la marche à la suite de Jésus Christ?     
      
Premier constat : autour de nous, nous entendons plus volontiers parler de plaisirs que de joie. À ce chapitre les offres ne manquent pas : les plaisirs gastronomiques, les sports extrêmes, les parcs d’attraction, les festivals de ci et de ça, les spectacles de toute sorte. Nous sommes constamment sollicités à vivre dans le divertissement au point de nous éloigner de la réalité. Est-ce cette forme d’engourdissement qui était promise quand on nous faisait miroiter la civilisation des loisirs? Je suis étonné de la grande place accordée au divertissement dans la publicité et dans les conversations de tous les jours.   
      
À côté du monde de la recherche des plaisirs, la joie est une toute autre réalité. On parle ici d’un sentiment plus intérieur, d’une satisfaction profonde qui nous comble plus amplement que le plaisir. « Le plaisir est au corps ce que la joie est à l’âme ». Il nous est donné de vivre de la joie dans le cadre d’un repas convivial que nous partageons avec des personnes qui nous sont chères. La joie survient au sein de relations marquées par une certaine intensité d’amitié ou d’amour où nous prenons le temps d’apprécier les échanges mutuels. La joie apparaît également au contact de la beauté et de l’harmonie.   
      
Comment nous éveiller davantage à la joie? D’abord, nous sommes invités à retrouver une certaine simplicité. Heureux les pauvres en esprit. Pour renouer avec la joie, l’Évangile nous convie à emprunter la voie de l’enfance spirituelle. On le sait, les enfants vivent dans la plénitude de l’instant présent. Alors que les adultes se laissent souvent envahir pour toutes sortes de préoccupations, les enfants sont capables de goûter à la joie du moment présent dans une joyeuse insouciance. Jésus tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et dit : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits. »      
      
Ensuite, il est bon de se rappeler que la joie est un sentiment second. Autrement dit, elle ne s’atteint pas directement. Elle est le fruit qui découle d’une démarche autre comme celle de l’amour, de l’amitié, ou encore de la réalisation d’un objectif qu’on s’était fixé. L’athlète qui s’est longtemps entraîné avec beaucoup de discipline et de privations peut goûter, lors de sa participation à une compétition, à la joie de l’accomplissement. Je pense aussi à cette mère de famille qui a pris du temps pour accompagner son enfant dans son apprentissage de la lecture et qui, quand ce dernier est désormais capable d’ouvrir un livre et de s’intéresser au contenu, éprouve une grande joie. C’est en contribuant au bonheur des autres qu’on peut goûter au vrai bonheur, qu’on peut éprouver un sentiment de satisfaction profonde.
      
Comme l’évangile d’aujourd’hui nous l’indique, toute joie vient d’un amour. La joie chrétienne est d’abord et fondamentalement un fruit de la charité : « Demeurez dans mon amour pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » L’amour du Christ nous précède toujours. L’amour humain est fragile. Si je ne suis pas sûr des sentiments de l’autre envers moi, très souvent je ne suis pas plus sûr de mes propres sentiments à son égard. Jésus et lui seul peut nous dire « Demeurez dans mon amour » parce que son amour est solide comme le roc. Je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ainsi, nous pouvons vivre dans la charité. La joie est un signe de la charité fraternelle.    
Par la charité, nous accueillons la vie même de Dieu en nous, la vie éternelle. Jésus Christ nous a apporté beaucoup mieux qu’un bonheur terrestre. Il nous a donné la joie, une plénitude de joie, parce qu’il nous a révélé la vie et l’amour cachées dans le cœur de Dieu depuis le commencement du monde. Notre joie est celle de Dieu lui-même. Un chrétien expérimente le bonheur d’être un vivant, la créature et le fils ou la fille du Dieu vivant. La joie chrétienne est donc un signe de l’intimité avec Dieu. Dans notre colloque intérieur avec lui, nous essayons de déceler sa volonté et, par-là, de nous placer au-delà des joies et des souffrances que nous vivons dans notre vie de tous les jours. Dans le monde nous sommes en route. Nous sommes des quêteurs de joie. Nous vivons encore dans un mélange de tristesses et de joies. Mais, dans la foi, nous sommes confiants que toutes les misères du monde seront transfigurées par la joie de Dieu.