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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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2e Dimanche du Carême (B)

28 février 2021

La Transfiguration
Ils descendirent de la montagne et Jésus leur ordonna  de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu.

Marc 9, 2-10

Bruno Demers

Bruno DemersÉtrange consigne après un événement que Pierre, Jacques et Jean voulaient prolonger. Pourquoi, après la révélation dans l’éclat de Jésus comme Fils bien-aimé, ce dernier impose-t-il aux disciples la stricte recommandation de n’en parler à personne?
Pourquoi garder cela caché? Il y a là un enjeu de taille sur lequel Marc revient à plusieurs reprises dans son évangile. 

Si les disciples avaient ébruité cet événement, la tentation aurait été grande de comprendre la divinité, la toute-puissance de Jésus, à la manière de celle d’un magicien.
On se serait alors attendu de Jésus qu’il règle, à la place des humains, tous leurs problèmes difficiles : tant ceux de la souffrance individuelle que ceux liés à l’oppression politique sous laquelle vivait Israël.
Non, la divinité de Jésus est d’un autre ordre que celle qui nous vient spontanément à l’esprit encore aujourd’hui. L’épisode de la Transfiguration nous aide à la comprendre.

Tout d’abord seuls trois disciples sont amenés à l’écart.
Les trois qui seront les témoins privilégiés de son agonie. Ils sont donc, ici, rattachés plus étroitement à Jésus. Ce dernier les conduit sur une haute montagne.
Dans la Bible, la montagne est le lieu par excellence de la rencontre avec Dieu,  
comme dans les grandes théophanies remplies d’éclairs et de bruit où Dieu donne les tables à Moïse,
comme dans la « brise légère » où le prophète Élie fait la rencontre de Dieu,
comme dans les moments de prière silencieuse de Jésus à l’écart des foules.
On a affaire ici à une expérience qui vient approfondir la proximité avec Jésus. 

Deux personnages importants viennent encadrer cette expérience : Moïse, élevé comme un prince d’Égypte, qui s’enfuit au désert pour répondre à l’appel de Dieu.
Sa mission sera de sauver son peuple de l’esclavage. Élie, le prophète par excellence, qui met sa vie en péril pour sauvegarder l’alliance entre Dieu et le peuple. Au milieu d’eux, Jésus qui, sur la croix, dira : « Père non pas ce que je veux mais ce que tu veux. »
Nous voici, en ce dimanche, face à des personnages qui ont répondu à l’appel de Dieu en donnant leur vie. Dans un tel cadre, une présence mystérieuse qui nous dépasse, se manifeste; une lumière, une nuée, une voix : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le.
La puissance et la gloire de Dieu sont présentes en lui. C’est comme si Dieu disait : Oui, ce Jésus est bien mon Fils bien-aimé, vous pouvez lui faire confiance, marcher à sa suite. Écoutez-le! Il va vous déranger. Il vous parlera de croix et de risque, mais son chemin est celui qui mène à la vie.
J’approuve entièrement! On a bien affaire à une autre façon de voir la divinité.

Cette approbation de Dieu apparaît comme une percée de lumière dans la vie de Jésus. Entre deux annonces de la passion, on a droit ici à une éclaircie de soleil par temps de grisaille. Un Messie qui doit affronter la souffrance et le rejet, a quelque chose d’incompréhensible comme si Dieu était absent.
Or, en dépit des apparences, le récit de la Transfiguration affirme que Dieu reste présent. Il y aura une lumière au bout du tunnel. Dieu se manifeste lorsqu’au creux de la détresse on se rend en quelque sorte présent à lui. Comme si le maintien de la relation à Dieu entraînait un approfondissement de la communion à lui.

Pour les disciples, comme pour Jésus, l’expérience furtive de la Transfiguration anticipe et garantit l’avenir.
À la descente de la montagne comme avant d’y monter, la même perspective tragique de la passion reste à l’horizon.  Si la transfiguration ne semble rien changer au concret de la vie, elle procure néanmoins une espérance qui, elle, change la façon de voir la vie. Les percées de lumière dans nos vies assurent que l’avenir est du côté de la lumière. Ce qui se vit dans la communion à Dieu est promis à un achèvement et parviendra à une plénitude.

C’est l’image du Christ en croix qui permet de bien comprendre la divinité de Jésus. Il ne s’agit pas d’une toute-puissance magique. Elle ne s’exerce que dans l’amour et le don de soi, que dans un passage sur la terre, marqué par la totale humilité et la parfaite non-violence.
Comme dans le cas des trois disciples de Jésus, nous sommes invités à faire un tour sur une montagne, afin de nous remémorer une rencontre éclairante, un moment inspirant, une parole lumineuse, autant d’anticipations de la résurrection que Dieu nous promet.