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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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25e Dimanche du Temps Ordinaire (A)

20 septembre 2020

« Mes pensées ne sont pas vos pensées »

Is 55, 6-9

Mt 20, 1-16 

Bruno Demers

C’est pas juste ! Nous avons travaillé plus longtemps qu’eux et ils sont payés le même salaire que nous ! J’ai Bruno Demerstoujours rêvé de prêcher sur ce texte à une assemblée de leaders syndicaux. Vous imaginez le défi que ça représenterait… Car, à première vue, il s’agit bien d’une entaille sérieuse à la justice élémentaire qui régit le monde du travail : À travail égal, salaire égal. Or la parabole d’aujourd’hui n’est pas un programme social. Elle renvoie plutôt à l’image que nous nous faisons de Dieu.           
           
En effet, le prophète Isaïe, dans la première lecture, nous orientait déjà dans cette direction : Mes pensées ne sont pas vos pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins. Dieu est le Tout-Autre. Il est au-delà de notre intelligence et de notre cœur. Il a un autre regard que nous sur le monde. Nous sommes invités, aujourd’hui, à nous départir de notre manière trop humaine de voir les choses. La parabole est un appel à changer notre regard pour entrer dans les vues de Dieu et à partager ses pensées.    
           
Pour cela, Jésus utilise l’image de la vigne et des vignerons. Dans toute la tradition chrétienne, la vigne représente le peuple de Dieu qui travaille à produire du fruit : le Royaume de Dieu. Deux thèmes sont particulièrement mis en relief aujourd’hui : l’embauche et la générosité.      
           
L’embauche Le Seigneur a besoin en tout temps de serviteurs pour travailler à son service. C’est une embauche qui se fait à différentes heures car elle tient compte des circonstances particulières et personnelles propres à chaque ouvrier : l’un au début de la journée, l’autre à midi et l’autre à cinq heures du soir. Telle est la joie du maître : que nous nous laissions rejoindre et envoyer dans sa vigne, au moment même tardif, où il nous sollicite. À cause de cette façon de faire de Dieu, l’embauche est plus qu’un simple contrat de travail. C’est une mission qui nous implique totalement. Du moment que nous avons de quoi vivre, le simple fait d’être associé à l’œuvre du Royaume porte déjà en lui-même sa récompense : la joie d’y participer. Il y a de la place pour tout le monde ! Et ce texte d’aujourd’hui nous est proposé le jour même de l’appel aux services pour la communauté. Quelle coïncidence ! Ce qui nous conduit au deuxième thème de notre parabole : la générosité. Et c’est là que ça fait le plus mal, car la générosité de Dieu est sans commune mesure avec la nôtre. Une générosité qui va bien au-delà de nos petits calculs et de nos petites jalousies. D’emblée la situation nous paraît une injustice : les ouvriers qui ont travaillé huit heures reçoivent le même salaire que ceux qui ont travaillé seulement une heure. Pourtant, quand on y regarde attentivement, le maître de la vigne est juste car il respecte ce qui était convenu : un denier, une pièce d’argent : le salaire d’un journalier.     
           
Mais Dieu, représenté par le maître, ne se contente pas d’une équité strictement humaine. Rappelez-vous : Mes pensées sont au-dessus de vos pensées. Et cela est illustré aujourd’hui par le fait qu’en plus d’être juste, Dieu est bon. Ton regard est-il mauvais parce que moi je suis bon ? Travailler à la vigne est un privilège qui relève de la bonté de Dieu. Dieu nous donne gratuitement de faire partie de son Royaume où l’exigence de base est celle de participer à son amour qui ne compte pas. Cette parabole révèle donc la générosité de Dieu, magnanime envers les pauvres qui acceptent de répondre à ses appels, à quelque moment que ce soit. 
           
C’est ainsi que les derniers seront premiers et les premiers seront les derniers. Les derniers engagés, c’est-à-dire ces travailleurs sans doute moins performants à cause peut-être d’un handicap, de l’âge, ces défavorisés de la vie. Eux aussi sont invités au Royaume car le salaire, un denier, c’était ce qui permettait à un homme de nourrir sa famille. Ça faisait toute la différence ! Si le maître de la parabole demande que les derniers venus soient payés en premier, c’est pour que les ouvriers de toute la journée soient témoins de son immense bonté envers les défavorisés de la vie. C’est pour que chaque chrétien et chrétienne trouve sa joie quand il voit que Dieu comble ses frères et sœurs.    
           
Dès lors, la distinction premiers/derniers n’est plus pertinente. L’ordre du monde est inversé : Mes pensées sont au-dessus de vos pensées. C’est en manifestant sa miséricorde et sa gratuité, que le Seigneur révèle le plus scandaleusement qu’il est le Tout-Autre, au-dessus de nos pensées et de nos chemins. Nous sommes appelés aujourd’hui à exercer la même bonté de Dieu. Son regard, plein de bienveillance, met le dernier, le mal-aimé, le petit, à la première place.   
           
Seigneur, Dieu de Jésus Christ, tu es tellement plus grand que notre intelligence et notre cœur, transforme nos regards sur toi et sur les autres.