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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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21e Dimanche du Temps Ordinaire

23 août 2020  


« Quelle clé pour connaître Jésus ? »


Mt 16, 13-20
Rom 11, 33-36

Raymond Latour

                  

La clé. Voilà un objet auquel nous sommes littéralement beaucoup attachés, presque autant qu’à notre téléphone portable. Qui sort de chez soi sans s’assurer de bien avoir ses clés ?  Sans elles, c’est notre liberté qui est confisquée.     
La clé des châteaux médiévaux et des contes de fées, rappelons-nous « Barbe-bleue », la clé des coffres aux trésors ou de quelques passages secrets se retrouve Raymond Latourfréquemment dans les romans jeunesse. Dans les romans policiers, nous nous ingénions à trouver la clé de l’énigme. Autant de clés qui ont ouvert notre imaginaire. Bientôt, avec la « rentrée » au moins virtuelle, les écoles et universités transmettront les clés du savoir pour donner une entrée dans l’univers de la connaissance.     
Dans le domaine scientifique, les laboratoires s’activent présentement à trouver un vaccin pour contrer la pandémie de la COVID-19. À la base, à la clé de ces recherches, il a fallu séquencer le génome du coronavirus, une clé indispensable pour arriver à la composition d’un vaccin.  
Dans la vie quotidienne, on parle de « moments-clés » pour décrire une partie de hockey aussi bien que marquer un temps décisif, un tournant, dans le parcours d’une personne ou dans des relations humaines. L’évangile d’aujourd’hui nous offre sans conteste, un passage-clé, un moment charnière pour Jésus et le groupe de ses disciples.      
La clé possède une forte portée symbolique, une grande richesse de sens. Pas étonnant que la liturgie d’aujourd’hui nous invite à la faire jouer pour entrer plus avant dans notre compréhension à la fois de l’identité de Jésus et de notre mission.
        
Jésus, par ses paroles et par ses actes, s’est révélé à ses contemporains. Aux dires des disciples, les gens ont reconnu en lui un prophète. Les disciples semblaient soucieux de la réputation de leur maître, et ont pu lui transmettre sur demande, les résultats de leur sondage. Les gens se partageaient seulement sur sa grandeur de prophète : à la hauteur de Jean-Baptiste ou d’Élie pour les uns, d’un Jérémie ou l’un des prophètes pour les autres. Pas de doute, Jésus jouissait d’une forte estime parmi le peuple. Mais la question de Jésus n’était que l’amorce à cette autre : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »   
On peut penser que Jésus avait quelque attente à l’endroit de ses disciples. Qu’il espérait d’eux une réponse qui atteigne plus précisément à son identité. Par exemple, la réponse des disciples aurait pu balayer toute comparaison : « aucun prophète n’a parlé et agi comme toi. Tu les surpasses tous ! », ou une expression semblable qui affirme le caractère unique de la révélation de celui qui se désigne comme « Fils de l’homme ».         
Dans sa réponse, celui jusque-là prénommé Simon, va plus loin. Jésus paraît surpris de sa perspicacité, du regard pénétrant de son disciple. Sa réponse manifeste une connaissance qui ne serait pas accessible à l’intelligence humaine. « Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela ». Cette science lui vient d’ailleurs. C’est le Père qui lui a soufflé la réponse. Tout le mérite du disciple aura été de « saisir » cette clé, même si le sens profond de sa réponse échappait encore à sa capacité de réflexion. Cette ouverture lui a valu de recevoir un nouveau nom et une mission « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église », lui a déclaré Jésus en explicitant la volonté du Père.     
Comme pour signifier à l’avance la construction de cette maison-Église, Jésus assure à Pierre qu’il lui en remettra les clés, allusion à la clef « royale » de la maison de David dont parlait le prophète Isaïe dans la première lecture.        
Nous voilà en possession d’un véritable trousseau de clefs. Les gens, le commun des mortels, possédaient la clé pour reconnaître en Jésus un prophète. Cette clé, ce devait être l’Écriture qui les avait préparés à son accueil, ou Jésus lui-même qui leur a permis de voir en lui un envoyé de Dieu. Simon disposait aussi de cette clé, mais le Père qui est aux cieux lui en a accordé une autre, pour entrer encore plus loin dans la connaissance de Jésus, pour comprendre que ce Jésus était en vérité « le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Et puis, enfin, cette autre clé, celle de la mission, qui servira à lier et délier. C’est l’Esprit du Christ, l’Esprit du Fils du Dieu vivant, qui la détient et en assurera le bon usage.  
Ce qui est souvent désigné par le « pouvoir des clés » nous cause un certain inconfort. Les dérives d’une gouvernance autoritaire peuvent inquiéter. Il n’empêche, avec Pierre, en Église, nous sommes dépositaires d’un bien précieux, d’une responsabilité. Une mission de « lier », qui serait celle de rassembler, de servir la communion. Et une mission de délier, qui serait celle qui s’attache à ouvrir des chemins de liberté pour nos frères et sœurs. C’est en exerçant cette mission que nous découvrirons toujours plus en profondeur la portée de la foi que nous confessons. Pas de remise de clés sans une connaissance intérieure de la personne du Christ. Dans l’évangile d’aujourd’hui, ce lien paraît bien nettement. Gardons-nous de changer la serrure !  
     
Chez les Dominicains, nous avions un frère qui disposait d’un impressionnant trousseau de clefs. C’était sa fierté. C’était aussi sa mission puisqu’avec elles, il avait accès à tous les coins et recoins du couvent dont il était chargé de l’entretien. Le cliquetis des clés avertissait de son approche.     
En lui-même, il était un homme d’une grande humilité. Mais ses clés lui donnaient une sorte d’importance. Peut-être, par son attitude, faite d’humilité et d’esprit de service, nous apprend-il comment manier correctement ces « clefs du Royaume des cieux » qui nous ont été confiées ?